Le Moyen Age ce n’est pas que des châteaux, des chevaliers et des serfs. C’est aussi un monde occidental en relation avec la civilisation islamique avec des espaces de confrontation et d’échanges. Pour faire découvrir ces relations complexes, Rachel Messina, professeure d’histoire-géographie au lycée Montchapet de Dijon, propose un escape game parfaitement réussi qui initie l’élève au parcours de l’historien qui tente de comprendre la complexité des hommes.
C’est probablement l’escape game pédagogique le plus sophistiqué, le plus savant tout en étant le plus ludique. Les élèves y sont entrainés d’écran en écran dans des découvertes, des rebondissements, qui sollicitent constamment leur attention, leur réflexion tout en ménageant de l’action. Au prix d’un travail énorme, l’équilibre entre le jeu et le pédagogique est remarquable. Toute à sa passion pour la Sicile et le Moyen Age, Rachel Messina a réussi un jeu qui motive les élèves.
Pourquoi le choix de cette période et du royaume de Sicile ?
J’ai fait mon mémoire de maitrise sur cette région et je baigne dans le médiéval. C’est une région que je connais bien et pour laquelle je dispose de nombreuses photos. Enfin je me suis rendu compte que les élèves n’ont que quelques clichés sur le Moyen Age. Il m’a paru important de leur faire découvrir la complexité du Moyen Age et de l’histoire en général.
Cet espace de relations entre les civilisations occidentale, byzantine et islamique renvoie t-il au quotidien de vos élèves ?
Oui et non. Le moyen Age pour eux c’est très loin. Ils ont découvert avec surprise tout ce que le monde arabe a transmis par exemple dans notre vocabulaire. Ils n’imaginaient pas ce mélange de cultures entre occident chrétien, monde byzantin et civilisation islamique. Par exemple ils ont été émerveillés de découvrir le manteau de Roger II. Avec ce jeu et ces ouvertures, on réenchante l’histoire. On rappelle que de tous temps il y a eu des contacts entre les civilisations et qu’ils peuvent aboutir à du positif. C’est aussi cela que j’ai voulu faire. Leur faire découvrir la joie que l’on avait à chercher dans nos lectures un trésor, à rêver aux univers passés.
Pourquoi un jeu plutôt qu’un dossier documentaire ?
On a des élèves qui ont été confinés et qui ont connu l’enseignement hybride. Cela a laissé des traces. Certains ont du mal à lire des textes longs et sont réticents devant les lectures. Dans le jeu il y a des placards de textes pour les obliger à lire et à comprendre ce qu’ils lisent. Il y a le même combat pour écrire. Donc je les fais écrire avec le jeu puisque à la fin ils doivent rédiger une lettre.
Le jeu contient de nombreux rebondissements , de très nombreuses saynètes. Est-ce une façon de rappeler la démarche historique ?
Dans le jeu comme dans le travail d’historien il y a un raisonnement, une problématique et on évolue pour la résoudre. On chemine, on réfléchit, on essaie de comprendre des réalités complexes. Là ils constatent qu’il y a plusieurs tendances dans un mouvement religieux, que les personnages sont nuancés. Ils découvrent le syncrétisme, une notion rarement abordée.
Comment passer du jeu à l’institutionnalisation des connaissances ?
Les élèves suivent une feuille de route qu’ils remplissent au fur et à mesure. C’est aussi une initiation à la prise de notes. Avec cette trame ils doivent écrire une lettre racontant pourquoi il y a cette terre d’échange en Sicile.
Finalement avec ce jeu qu’avez vous appris ?
D’abord la grande disponibilité et la compétence du groupe des escape game. Ils ont été d’une grande aide. Pas seulement technique mais aussi pour l’émulation. J’ai appris aussi que la fracture numérique est bien là chez les élèves. Beaucoup n’ont pas d’ordinateur fixe et ils ont du mal à l’utiliser. Enfin j’ai appris que quand on motive les élèves on a très peu de non retours de devoirs. Avec un peu de motivation on a des retours très gratifiants. Les élèves ne sont pas indifférents. Ils savent repérer le travail des enseignants et cela permet un autre rapport avec eux.
Propos recueillis par François Jarraud