Nouveau record pour l’Inspection générale. Selon son nouveau rapport annuel 2020-2021, ce sont près de 140 rapports qui ont été rédigés cette année, un nombre nettement plus élevé que les années précédentes. Avec seulement 39 rapports rendus publics, environ un sur quatre, on obtient un nouveau record du nombre de dossiers enfermés dans les armoires de la rue de Grenelle. Parce que c’est surtout à cela que sert le rapport annuel d’activité de l’Inspection générale. Il cartographie la géographie des sujets sensibles au ministère de l’Education nationale. Bien plus que donner à voir le travail de l’Inspection, il dessine en creux les échecs et les difficultés de la politique ministérielle.
Inflation de rapports
En 2020-2021, la première constatation, en capitalisant la liste des rapports publiée par l’inspection, c’est le nombre de travaux sur cette année scolaire. Avec 140 rapports, l’Inspection a produit à peu près deux fois plus de travaux que les années précédentes. Il est vrai que l’extension du domaine de JM Blanquer (éducation , sports, jeunesse) explique en partie ceci. D’autres facteurs ont pu jouer. Un relatif retour à la normale après une année 2019-2020 marquée par le premier confinement. Et aussi la multiplication des cabinets. Jusque là l’Inspection avait du répondre aux demandes d’un seul cabinet. En 2020-2021 pas moins de 4 cabinets passent leurs commandes.
Trois rapports sur quatre gardés secrets
Deuxième évolution en 2020-2021 : le nombre de rapports rendus publics augmente lui aussi avec 39 rapports publiés sur la période. En 2019, JM Blanquer avait explosé son record de censure des rapports de l’Inspection générale avec seulement 7 rapports publiés soit 8% du total. En 2020-2021 on atteint 28% ce qui serait mieux si les textes les plus importants n’étaient pas manquants.
La cartographie des sujets sensibles
Car ce sont les rapports les plus importants qui sont gardés au secret. Ceux qui montrent les échecs et les difficultés de la politique ministérielle. Leur liste dessine plus qu’un archipel des dossiers perdus la carte des erreurs grenelliennes.
Citons en quelques uns, parmi ces rapports qui ne sortiront probablement jamais. Concernant le premier degré, le rapport de l’IG en donne des exemples : « S’agissant du premier degré, les travaux pilotés par, ou mobilisant, des membres de la mission enseignement primaire ont porté sur la mise en place de l’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire et ont donné lieu à des missions de suivi sur : la saisie des réponses des élèves aux évaluations nationales de CP et de CE1 par les enseignants du département de la Creuse ; l’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE1 ; la mise en oeuvre de la circulaire d’août 2020 concernant les directeurs d’école ».
Aucun de ces rapports n’a été publié. S’agissant de celui sur l’évaluation de la mise en place de l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire (juillet 2021), est ce parce que le rapport cout / efficacité de cette mesure est négatif ? Finalement cette réforme n’a abouti qu’à financer davantage l’enseignement privé. Là où elle aurait pu faire avancer la scolarisation (Mayotte, Guyane) elle est différée. On aurait bien aimé lire aussi le rapport sur l’effectivité des mesures prises pour les directeurs, là aussi mesure phare de la politique Blanquer. Enfin il est intéressant de voir que la saisie des évaluations nationales est étroitement surveillée par le ministère cinq ans après sa mise en place.
On ne saura rien non plus sur l’enseignement de la lecture en GS, CP et Ce1. Voilà pourtant un domaine phare de l’action ministérielle. Jm Blanquer n’a eu de cesse de pousser les fondamentaux et son guide maison pour l’apprentissage de la lecture. Il faut croire que le rapport de l’Inspection n’a pas satisfait le cabinet.
Le rapport sur la carrière des IEN, alors que les deux corps d’inspection sont amenés à fusionner et que la loi Rilhac fait des directeurs d’école les supérieurs hiérarchiques directs des professeurs des écoles, aurait aussi mérité une publication.
Lettres et physique à l’index
Autre politique ministérielle, l’usage du téléphone portable au collège. C’était une des premières réformes ministérielles mais le rapport bilan de février 2021 reste au secret.
C’est le cas aussi de deux rapports sur l’enseignement de deux disciplines : les lettres et la physique chimie. Le rapport d’activité de l’IG donne quelques lueurs du rapport sur l’enseignement des lettres. » L’étude est présentée sous la forme de trois entrées successives. Une description historique et problématique de la discipline (partie I) met au jour l’identité de la discipline comme les tensions constitutives de l’enseignement du français. Puis une étude portant sur la place de la discipline dans les formations scolaire et universitaire, et ses conséquences en matière de recrutement des professeurs (partie II), précise l’état des lieux et permet de considérer quelles sont les forces permettant de porter la discipline dans le système éducatif, en y associant des recommandations tentant de répondre à la crise du recrutement. C’est à partir de ces deux bilans que sont envisagées (partie III) les réponses aux questions posées par l’étude, et que sont formulées des préconisations concernant la discipline et son enseignement ». On ne sait rien du rapport sur la physique chimie.
Multiplication des enquêtes disciplinaires
Dernier trait de cette édition 2020-2021 : la multiplication des enquêtes disciplinaires. C’est une des prérogatives des Inspecteurs généraux que de se voir chargés d’enquêter là où le ministre le souhaite pour proposer des sanctions. A ce titre 2020-2021 marque la flambée de l’autoritarisme ministériel avec pas moins de 46 rapports de ce type. Un exemple est donné dans le rapport annuel : le cas d’un lycée général et technologique où « cette mission faisait suite à plusieurs conflits survenus dans un lycée général et technologique lors de la passation des épreuves communes du baccalauréat, qui se sont déroulées dans un climat de tension et de violence ». Plusieurs lycées ont en fait été concernés. » Le rapport a préconisé une action sans délai pour casser les mécanismes internes et externes à l’oeuvre et rétablir le pilotage pédagogique de l’établissement. Il a recommandé de déplacer, dans son propre intérêt comme dans celui du service, en cours d’année, la professeure documentaliste, dans un autre établissement », écrit le rapport annuel.
François Jarraud