« Aucun d’entre eux ne dira plus jamais « je ne peux rien y faire ». Professeure d’histoire-géographie au lycée Marcelin Berthelot de Saint Maur des Fossés (94), Pascale Morel, avec ses élèves, a réuni et transporté en Pologne une demi tonne d’aide humanitaire pour des réfugiés ukrainiens. Un projet monté dans le cadre d’un « atelier européen » qui met en pratique les valeurs d’engagement de l’enseignement moral et civique. Une formation inoubliable pour ces élèves : oui ils peuvent agir sur le monde.
Un atelier européen où le présent rejoint le passé
Au départ le désarroi d’une élève et l’engagement d’une professeure. Au lycée Marcelin Berthelot, Pascale Morel a animé plusieurs ateliers sur le travail de mémoire et la citoyenneté européenne, finalement réunis en un seul atelier « Mémoire et avenir de l’Europe ». Dans le cadre de cet atelier les élèves font un voyage d’étude en Pologne et à Bruxelles en 1ère, puis, en terminale, un voyage à Berlin. Ils visitent les institutions européennes, rencontrent des lobbyistes et travaillent sur la construction et la citoyenneté européenne pour proposer une directive européenne.
Ca c’était avant. Parce que, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les élèves vivent au quotidien la mémoire et l’avenir de l’Europe. Le 17 mars une lève vient trouver sa professeure et lui demande son aide pour que le lycée marque sa solidarité avec les réfugiés ukrainiens. Le 22 mars les élèves de l’atelier européen s’engagent dans ce projet. Ils organisent en 24 heures un planning et une collecte qui a lieu les 24 et 25 mars. Tout cela sans manquer aucun cours. Ils se succèdent pour recevoir et trier durant ces deux journées les dons des élèves. Entre temps le Mémorial de la Shoah qui loue un avion en partance pour Auschwitz le 27 mars met sa soute à disposition. Un parent d’élève fournit des cartons et un véhicule pour transporter l’aide. Le samedi 26, les lycéens rédigent des messages en français, anglais, ukrainien pour les enfants et les jeunes qui recevront les dons. Le dimanche matin 3 parents d’élèves et 4 lycéens sont là à 3 heures du matin pour charger les cartons dans l’avion.
Concrétiser la citoyenneté européenne
Les élèves ont réuni ce que les autorités polonaises d’Oświęcim, qui accueillent près de 500 réfugiés ukrainiens, ont besoin : des piles, des mouchoirs, des briques de soupe, des aliments préparés, des matelas, des plaids, des couches. Au total une demi tonne réunis en 48 heures par les élèves.
« L’atelier européen je l’ai conçu pour concrétiser la notion de citoyenneté européenne », nous dit Pascale Morel. « Les élèves ont fait le lien entre l’histoire et le présent. De leur engagement individuel est né une action collective. Ils ont agi en citoyen. Ils ont pris sur leur temps sans sécher un cours. A leur petite échelle ils ont vu qu’ils peuvent faire quelque chose. Aucun d’entre eux ne dira plus jamais « je ne peux rien y faire ».
Une autre conception de l’EMC
Cette expérience est en accord avec la conception de l’EMC de Pascale Morel. « Je suis persuadée que l’EMC doit être d’abord des pratiques. Il faut passer par le concret pour briser le sentiment de fatalisme et d’impunité. Les élèves se sont engagés. Ils ont vu que quand ils s’y mettent ça peut fonctionner. Ca en fait de meilleurs citoyens ».
Et la professeure dans tout cela ? « J’ai pris de l’énergie pour 15 ans », explique Pascale Morel. « J’ai des élèves fantastiques. Les soirs de découragement je sortirai cela de ma boite à trésors ».
François Jarraud