Ce n’est pas une découverte. Le sondage réalisé par le Snuipp Fsu auprès de 24 000 professeurs des écoles confirme ce que le Baromètre Unsa a déjà montré. Seulement 5% des enseignants du premier degré sont en accord avec la politique suivie par JM Blanquer. Au point qu’un enseignant sur deux envisage de quitter le métier, un taux jamais atteint. Et ce n’est pas qu’à cause de leur salaire, même si 77% demandent une revalorisation. 85% des enseignants du premier degré rejettent la loi Rilhac. Une majorité ne soutient pas la priorité aux fondamentaux. Seulement 3% sont satisfaits des guides ministériels. Le Snuipp Fsu va s’adresser maintenant aux candidats à la présidence de la République pour leur faire préciser leur programme pour l’école.
Deux visions de l’école
C’est un sondage d’une rare ampleur que publie le Snuipp Fsu. Réalisé par Harris, il interroge près de 24 000 professeurs des écoles, ce qui en fait la plus importante enquête auprès de cette catégorie de personnels depuis le sondage sur les directeurs d’école réalisé par le ministère en 2019. Parallèlement, Harris a consulté un échantillon représentatif de français sur les questions relatives à l’école.
Le premier enseignement c’est d’ailleurs que les français et les enseignants ont des visions différentes de l’école. Alors que les français sont très majoritairement satisfaits de l’école maternelle et de l’élémentaire (81% et 69%), les enseignants estiment à 50% et 71% que toutes deux fonctionnent mal. Avec des scores extrêmement bas en Ile de France (23% de bon fonctionnement pour l’élémentaire) qui devraient interroger le recteur. Pourtant la moitié des Français estime que l’école primaire n’a pas évolué en 5 ans et un tiers qu’elle s’est dégradée. Autre opposition : les français estiment que le métier d’enseignant jouit d’une bonne image (56%) ce qui n’est pas l’opinion des enseignants.
Un très fort rejet de la politique ministérielle
Le second enseignement de ces sondages c’est le très fort rejet de la politique ministérielle par les enseignants. 73% des enseignants ne sont pas satisfaits de leur situation professionnelle. Et ça commence très tôt : dès la première année d’exercice seulement 49% des enseignants sont satisfaits. Un pourcentage qui ne va cesser de diminuer avec l’ancienneté. Qu’est ce qui motive cette insatisfaction ? Les enseignants sont satisfaits à 90% de leurs relations avec les élèves et les collègues et à 76% avec les parents. On descend à 47% pour les IEN. Il faut prendre un sous marin pour trouver 3% d’enseignants satisfaits de leur relation avec le ministère.
Sur le terrain pédagogique, les enseignants préfèrent les approches variées, les formations choisies. Seulement 4% apprécient les évaluations nationales pour leur méthode d’enseignement, ce qui confirme largement leur inutilité. Et 3% utilisent les guides ministériels.
Un autre champ d’affrontement résulte de la loi Rilhac. 85% des enseignants du premier degré sont pour le directeur pair parmi les pairs. Seulement 13% sont pour un directeur supérieur hiérarchique.
Parmi leurs difficultés arrivent en tête les situations d’inclusion compliquées, les postes de Rased manquants , le sureffectif des classes. Ils se plaignent des formations qu’on leur impose (à 88%), de la faiblesse du salaire (83%), des perspectives de carrière (78%), de la charge de travail (76%) et de la place insuffisante du travail en équipe (53%).
Ils demandent une hausse de salaire (77%) mais pas une augmentation des débuts de carrière. Ils veulent un plan de rattrapage salarial avec une indexation du point d’indice et une centaine de points attribués à tout le monde.
Dernier point : la moitié des enseignants envisage de quitter la salle de classe pour faire un autre métier soit dans l’Education nationale (19%) soit hors éducation nationale (33%). On n’avait jamais atteint une telle proportion.
Peser sur les élections
Armée de ces sondages, le Snuipp Fsu va poser 5 questions aux candidats à l’élection présidentielle. La première concerne les grèves. Le Snuipp va demander aux candidats quels moyens budgétaires ils pensent mettre dans la revalorisation. Pour le Snuipp celle-ci ne peut s’arrêter aux débuts de carrière.
Le Snuipp leur demandera aussi quel plan de recrutement ils pensent mettre en place. La réduction des effectifs revient dans les réponses des enseignants , y compris hors éducation prioritaire. Le fonctionnement de l’école est aussi interrogée: quelle organisation de l’école pensent ils mettre en place. La loi Rilhac est passée mais les décrets d’application cadrant l’autorité du directeur sont toujours attendus.
Enfin il y a la question de l’inclusion. Ses conditions actuelles sont sources de souffrance pour les enseignants qui demandent le maintien de structures spécialisées et du personnel spécialisé. Que comptent faire les candidats sur ce point ?
La dernière question concerne la loi de transformation de la fonction publique. Seulement 5% des enseignants font confiance au ministère alors que les trois quarts ont confiance dans les syndicats. Le Snuipp va demander aux candidats l’abrogation de la loi de transformation de la fonction publique qui a supprimé les commissions paritaires en charge de la gestion des carrières.
Le sondage Snuipp dessine un programme très éloigné des propositions de plusieurs candidats comme E Macron ou V Pécresse. Il devient un outil pour bloquer la fragmentation de l’Ecole et sa libéralisation. Du moins si les candidats et les électeurs le veulent. Mais les plus de 300 000 professeurs des écoles comptent aussi.
François Jarraud