Si les enseignants accueillent favorablement les contrats locaux d’accompagnement (CLA), ils ne croient pas à leur continuité. C’est ce qui ressort clairement du rapport de suivi de l’Inspection générale sur les CLA. Le rapport montre aussi le caractère très limité des CLA. Deux caractéristiques troublantes pour un dispositif qui fonde la nouvelle éducation prioritaire voulue par JM Blanquer et N Elimas.
Un dispositif concurrent des Rep
Ghislaine Desbuissons et Yves Delecluse ont enquêté dans 3 académies (Aix Marseille, Lille et Nantes) pour suivre la mise en place des contrats locaux d’accompagnement. Présenté par l’ex secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, ce nouveau dispositif vise à remplacer à terme les réseaux REP de l’éducation prioritaire. Juste avant de partir du gouvernement, N Elimas a d’ailleurs annoncé la généralisation des CLA pour la rentrée prochaine.
Les CLA font entrer dès maintenant dans l’éducation prioritaire des établissements et des écoles qui ne remplissent pas les critères Rep. Avec les CLA le ministère de l’éducation nationale a ouvert la porte de l’éducation prioritaire à 6 établissements catholiques et l’extension du dispositif lui ouvre encore d’autres possibilités. A terme, les CLA devraient remplacer les Rep. Au lieu d’avoir des établissements sélectionnés sur des critères nationaux et ayant droit à des avantages nationaux, on aura une poussière d’établissements choisis localement, avec tout ce que cela comporte de pression politique locale, bénéficiant chacun d’avantages particuliers négociés avec le recteur.
Pour le moment on n’en est pas là et l’expérimentation reste modeste même si elle casse les principes de l’éducation prioritaire. La note d ‘étape de l’inspection générale montre que cette dimension de rupture est perçue par le terrain.
Inquiétudes sur l’avenir
"Toutes les équipes rencontrées ont exprimé la crainte de l’arrêt brutal des aides allouées alors qu’elles n’en sont qu’aux prémices de la mise en place", soulignent Ghislaine Desbuissons et Yves Delecluse. Elles " nourrissent encore quelques inquiétudes sur les finalités et le devenir du dispositif". Imposé par le ministre, le dispositif est déjà très mal perçu par les acteurs de l’éducation prioritaire, comme l’OZP, qui y voient une tentative d’en finir avec au moins les Rep et une preuve de mépris des efforts réalisés sur le terrain.
Un dispositif à la marge de l’école
Les écoles et établissements des CLA voient dans le dispositif "un vecteur de reconnaissance de l’engagement des personnels… Ils apprécient de bénéficier de marges de manoeuvres supplémentaires", souligne le rapport. L’aide est perçus comme concrète et souple. "Le CLA est un dispositif de relance des dynamiques pédagogiques et éducatives", écrivent les auteurs.
Mais ils relativisent fortement ce dynamisme. " Sans sous-estimer l’intérêt de cette démarche, il faut souligner que, dans de nombreux cas, la réflexion a surtout porté sur la périphérie de la classe : l’acculturation des élèves aux comportements attendus, la relation aux familles, la "sécurisation" et la prise de confiance des élèves", écrivent -ils. " La majorité des actions conduites dans le cadre des CLA relèvent, à ce stade, plus de la poursuite ou du « recyclage » d’actions à la périphérie de la classe que d’une véritable volonté d’innovation permettant de transformer durablement l’action formatrice conduite sur les temps d’enseignement". En fait les CLA interviennent sur l’engagement des familles, l’absentéisme des élèves, mais pas sur la pédagogie en classe. C’est une autre différence fondamentale avec les REP qui bénéficient de formations et du référentiel de 2014.
Ainsi les inspecteurs montrent que l’avenir des CLA est loin d’être assuré. Pour aller plus loin il faudrait de la formation et donc engager les enseignants. Or, selon les inspecteurs, les directions sont " souvent en retrait sur les questions liées à la pédagogie par crainte, notamment, de la réaction des enseignants".
Il faudrait aussi avoir une vue sur la pérennité du dispositif et de ses financements. Un sujet sur lequel le ministère a beaucoup louvoyé au début. L’éducation prioritaire n’a jamais été un sujet intéressant le ministre. L’évaluation de la refonte de 2014 n’a jamais été faite. L’avenir des CLA n’est pas écrit.
François Jarraud