Une sélection d’informations…
Jean Paul Delahaye contre le séparatisme social
« Certains propos tenus dans cette campagne électorale indiquent qu’une partie de la classe politique de droite prépare la mise à mal d’une démocratisation du second degré pourtant largement inachevée », écrit JP Delahaye dans une tribune publiée par Le Monde. « En 2022, on assiste avec consternation au retour de la pensée des conservateurs du XIXe siècle qui voulaient, déjà, protéger le second degré de la présence des enfants du peuple au moyen d’une « digue ». Le nouveau monde a un air de déjà-vu. Car ce sont bien les enfants du peuple qui sont visés avec le retour d’un examen d’entrée en 6e ou avec une orientation précoce en fin de 5e. Les conservateurs d’aujourd’hui pensent que le collège unique était une erreur. Au lieu de déployer les moyens – postes d’enseignants, certes, mais aussi réflexion sur les savoirs enseignés et formation des personnels – qui permettaient de faire vivre un collège pour tous, ils préfèrent rassurer les classes moyennes et favorisées et mettre fin à un prétendu nivellement « par le bas », le « bas » c’est-à-dire le peuple, ceux qui « ne sont rien ». Quel mépris ! »
La compétition n’améliore pas forcément les systèmes éducatifs
Alors que les programmes des plus importants candidats à la présidentielle annoncent la fragmentation du système éducatif et la mise en concurrence des établissements si ce n’est des professeurs, l’Unesco qualifie de « mythe » la croyance dans l’amélioration des systèmes éducatifs par la concurrence. « Le programme de bons du Chili a eu un impact négatif sur les écoles publiques », note l’Unesco. « Dans les municipalités avec une part plus élevée d’inscriptions dans les écoles privées, les écoles publiques avaient des résultats aux tests plus faibles, l’écart entre les résultats des tests entre les écoles privées et publiques d’élite était plus large et l’écart socio-économique entre les parents des écoles publiques et privées était plus grand. Une comparaison des performances des scores aux tests de la municipalité entre 2002 et 2013 a révélé que les scores augmentaient avec les ressources, telles que l’éducation des parents, mais pas avec la compétition scolaire. L’introduction de bons ciblés en 2008 a incité les écoles à se disputer les étudiants, car le ciblage a rendu les écoles plus chères plus attrayantes pour les étudiants les plus pauvres… Dans certains cas, la concurrence peut se concentrer sur les enseignants. Aux États-Unis, la qualité des enseignants a diminué dans les écoles difficiles à doter en personnel après l’introduction des écoles à charte. Dans l’État de Caroline du Nord, après l’ouverture d’une école à charte à proximité, les écoles publiques difficiles à doter en personnel ont embauché moins de nouveaux enseignants et ont connu une légère baisse de la qualité des enseignants… À la Nouvelle-Orléans, des réformes majeures ont supprimé le pouvoir de négociation et les protections des enseignants pour permettre plus de flexibilité et de variation dans les stratégies d’embauche ».
La coopération entre pairs dans Animation & Education
La revue de l’OCCE publie un important dossier sur « l’apprentissage entre pairs ». Sylvain Connac ouvre ce dossier en posant les bases d’une didactique de la coopération. « La principale vigilance repérée est donc en tant qu’enseignant de penser sa propre disparition afin que les élèves puissent adopter des postures d’élèves autonomes et responsables ». Céline Buchs revient sur la posture enseignante en rappelant l’importance d’un travail explicite sur les habiletés coopératives. Christine Berzin analyse les questions posées par le tutorat de pairs. Philippe Meirieu revient sur le travail de groupe.Le dossier donne aussi la parole à plusieurs enseignants qui témoignent de la mise en place de la coopération.
Animation & Education n°287
Les charters schools augmentent la ségrégation
Elément phare du projet éducation de V Pécresse, l’application en France de Charter schools, avec la concurrence entre elles, est présenté comme la solution pour relever le niveau des élèves des écoles populaires. Selon Franck Adamson (California State University), qui s’exprime sur le site de l’Unesco à propos des écoles américaines, il n’en est rien. « La concurrence dans les écoles à charte conduit souvent à la sélection des élèves, l’une des pratiques les plus préjudiciables à l’équité en matière d’éducation », écrit il. « La sélection se produit lorsque les écoles conseillent ou expulsent les élèves en utilisant différentes stratégies, y compris un manque de transparence dans les pratiques d’inscription, des indices aux parents que d’autres écoles serviraient mieux leurs enfants et des écoles trouvant des raisons de suspendre ou d’expulser les élèves ayant de faibles résultats aux tests… La montée en puissance des écoles à charte a vu les communautés perdre leurs écoles publiques alors que les décideurs les ferment ou les convertissent en écoles à charte. Par exemple, des recherches sur le système de Chicago montrent qu’à mesure que la privatisation de l’éducation augmentait dans toute la ville, les Afro-Américains devenaient de plus en plus séparés dans des écoles à faible revenu et uniraciales en raison à la fois des inscriptions dans les écoles à charte et des fermetures d’écoles publiques… Il existe un conflit d’intérêts inhérent entre le droit universel à l’éducation et l’objectif d’augmenter le profit . Alors que nous sommes confrontés à des défis mondiaux croissants, nous ne pouvons pas nous permettre de fracturer davantage l’offre d’éducation en diluant l’investissement public dans l’intérêt du profit privé ; au lieu de cela, nous devons collectivement concrétiser la vision de l’ONU et du droit conventionnel qui garantit le droit à une éducation publique de haute qualité pour tous les élèves ».
Ecole et élitisme
« L’argument de la méritocratie individuelle cherche à nous convaincre que l’accès aux élites ne serait qu’affaire de travail et de volonté, voire de don ou de potentialités. Il masque mal une réalité où la mobilité sociale reste largement entravée par les origines ». Ouvrant le dernier numéro (24) des Carnets rouges, Paul Devin annonce une analyse critique de l’élitisme à la française où l’on retrouve d’excellents auteurs, par exemple Pierre Merle, Agnès Van Zanten et Jean Yves Rochex.
L’école publique restera-t-elle un bien commun ?
C’est le titre d’un appel lancé par l’Afef, l’Apmep, le Gfen, l’Icem et Questions de classes après le débat citoyen sur l’école organisé le 29 janvier. « Nous demandons un souffle puissant, pas de petits pansements de surface. Nous avons besoin d’être soutenus pour inventer l’école d’aujourd’hui et de demain, non par des phrases lénifiantes, mais par un projet politique concret, des mesures précises qui permettent la mise en oeuvre des principes et valeurs que nous défendons », écrivent les signataires. Ils listent les urgences : « en premier lieu augmenter des salaires, et plus encore rétablir la sérénité, la démocratie dans la gestion et direction des établissements. Très vite aussi ouvrir des espaces et du temps pour travailler en équipe, pour penser ensemble… Rouvrir un chantier, celui des programmes, pas pour les réécrire une fois de plus, mais pour mettre du jeu entre les disciplines et donner du sens aux savoirs. Et, levier premier de l’évolution des métiers de l’éducation :
ouvrir une réflexion approfondie sur la formation initiale et continue. Les deux sont en en situation de presque mort cérébrale ».
Le GFEN en péril
Partenaire historique de l’Education nationale, le GFEN est mis en difficulté par un ministre en fin de mandat. « Le ministère a diminué notre subvention de 30% en 2020 puis encore de 10% en 2021 », nous dit Jacques Bernardin, président du GFEN. Privé de 40% de la subvention, le GFEN n’a d’autre choix que de supprimer le poste d’enseignant détaché qu’il employait depuis des années. Pour lui il y a malveillance du ministère « au moins quand il ne veille pas à faire perdurer un acteur éducatif comme le GFEN, boite à outils pour des changements dont on parle mais qui peinent à devenir ». Le GFEN est un partenaire historique de l’Education nationale. Jean Zay, Paul Langevin, Henri Wallon ont été membres du GFEN. Depuis A Savary (1982-1984), le GFEN est reconnu par le ministère comme un mouvement de recherche et de formation. « De toutes façons, nous allons continuer nos actions », dit J Bernardin. « On espère que la situation sanitaire permettra de reprendre les formations ». Et le GFEN peut s’appuyer sur d’autres institutions comme les éducateurs de la PJJ ou l’école supérieure du travail social. « Mais cette situation ne va pas faciliter la poursuite et l’expansion de nos activités ».