En 1991, le romancier Hervé Guibert réalise le documentaire « La Pudeur ou l’Impudeur » sur les derniers temps de sa vie de malade du sida. En 1992, le dramaturge Jean-Luc Lagarce réalise un « Journal vidéo » sur deux années de sa vie, depuis la découverte de sa séropositivité jusqu’au séjour à Berlin où il écrit la pièce « Juste la fin du monde ». En 2022, à l’heure des stories, des vlogs ou des youtubeurs, les lycéen.nes i-voix de l’Iroise à Brest s’en inspirent pour s’approprier la pièce au programme : iels ont réalisé et publié des journaux vidéos intimes des différents personnages, puis en ont analysé les choix et les enjeux. Depuis Véronique Larrivé, on sait combien le journal de personnage, en particulier conçu en groupes, favorise engagement dans la lecture, empathie fictionnelle, verbalisation et structuration des interprétations, expérience de l’altérité. Quand il se transforme en journal vidéo, on perçoit combien il développe des compétences d’écriture numérique et ouvre une réflexion sur la question du dévoilement de soi, centrale dans la pièce (la pudeur y complique la communication par les mots entre les personnages), centrale dans la vie internet (l’image y invite aux jeux esthétiques et impudiques de la vérité et du mensonge). Plutôt que sacralisation de l’œuvre et diabolisation d’internet, le projet fait ici le choix d’une éducation active, créative, réflexive, critique, à la littérature et au numérique.
Journaux vidéos de personnages : la pudeur ou l’impudeur ?
