« Il y a une incompréhension de la profession sur l’objectif du gouvernement. On ne comprend pas s’il s’agit de lutter contre la diffusion du virus ou de gérer pour viser l’immunité collective », nous confiait Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa, le 6 janvier. La mobilisation historique du 13 janvier se prépare sur d’autres revendications. Mais cette interrogation est bien présente dans plusieurs organisations. Le silence et les actes gouvernementaux ont des conséquences et une clarification s’impose.
Une stratégie absurde
Au départ il y a le fossé énorme entre la situation sanitaire des écoles et établissements scolaires et les décisions prises par le gouvernement. Les taux d’incidence y atteignent des sommets inédits et qu’on pensait ne jamais voir. Ainsi pour les lycées, le taux d’incidence moyen est à 5261 le 8 janvier. Concrètement cela veut dire qu’il y a en moyenne 2 cas de covid par classe. Tous les départements métropolitains sont au dessus de 3000, c’est à dire avec au moins un cas de covid par classe. La Savoie atteint 8219 et 4 départements sont au dessus de 7000 (Paris, Val d’Oise, Essonne, Haute Savoie). Au collège le taux moyen est de 3659, donc en moyenne un cas de covid par classe. A l’école élémentaire il est de 3686. En maternelle, où les élèves ne sont pas masqués, il est de 2273, c’est à dire qu’on se rapproche de un cas par classe.
Face à cette vaque épidémique, qui était annoncée, le gouvernement a peu à peu allégé le protocole. D’abord en abandonnant la règle de la fermeture dès le 1er cas. Puis en supprimant toute règle automatique de fermeture. Finalement, le 10 janvier, en supprimant la détection médicale par test PCR ou antigénique des cas positifs, détruisant ainsi tout outil de contrôle de l’épidémie dans les établissements. Une autre mesure grave est la règle de garder les élèves cas contacts toute la première journée à l’école … puis de les laisser revenir sans contrôle. Ainsi plus l’épidémie se renforce et plus le gouvernement lui ouvre la porte de l’Ecole. L’effet de ces allègements se lit au quotidien dans l’explosion du taux d’incidence en milieu scolaire. Mais aussi dans la croissance continue du nombre de malades, puisque les enfants ramènent le virus chez eux.
Des propos inquiétants
Et puis il y a ces propos inquiétants de Jean Castex le 10 janvier. « quand on est cas contact on ne risque rien ». Le premier ministre s’en sert pour justifier que les élèves cas contact restent dans les locaux scolaires toute la journée où est découvert un cas de covid, au lieu de rentrer tout de suite chez eux comme c’était le cas précédemment. Comme les ecoles et établissements n’ont pas de locaux pour garder ces élèves, de plus en plus nombreux, séparés des autres, ils se retrouvent mélangés avec leurs camarades.
Or être cas contact ce n’est pas « rien ». C’est avoir un gros risque d’avoir attrapé la maladie. Laisser en maternelle dans le même dortoir les cas contact et les enfants qui ne le sont pas , c’est vraiment faciliter la contamination. Mais pour le premier ministre, c’est peut être celle ci qui n’est rien ?
Les syndicats demandent une clarification
« Le premier ministre a eu beau commencer par le rappel de la situation épidémique, les mesures qu’il annonce sont des mesures d’allègement sanitaire depuis le 3 janvier », nous dit Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa. « On n’est plus dans la logique qui a prévalu de stopper les contaminations. »
« On cherche une logique aux décisions prises », nous a dit Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes Fsu. « Il n’y a pas de logique si on s’en tient à la logique de précaution qui es apparue en premier dans cette crise sanitaire ».
Pour les deux syndicats il est urgent que le gouvernement clarifie la situation. « Il gagnerait à clarifier sa position et à l’assumer », estime S Vénétitay. « D’un point de vue démocratique la situation actuelle n’est pas bonne. Si le gouvernement opte pour l’immunité collective, il doit assumer qu’il renonce à protéger les adultes et les élèves ».
« C’est une interrogation qui remonte des collègues », nous dit S Crochet. « Les personnels sont en capacité de comprendre les choix faits. Au quotidien ils assument leur part de la lutte contre l’épidémie. Ce n’est pas la peine qu’ils prennent à leur compte une charge que l’exécutif ne se donne plus la peine de porter ».
Avec le laisser faire actuel, l’épidémie se répand à un rythme croissant. On a compté 350 000 nouveaux malades le 11 janvier. On aura probablement dépassé les 500 000 par jours dans une semaine. A ce rythme toute la population pourra avoir croisé Omicron dans un mois.
Au moins un pays a décidé de changer de politique. C’est l’Espagne, comme le rappelle un quotidien belge. Une fois la 6ème vague passée, le gouvernement a décidé de traiter le covid comme la grippe. Il part du principe qu’il n’est pas possible de lutter contre la transmission d’omicron tellement il est transmissible et qu’avec davantage de transmissibilité le virus perd de sa dangerosité.
L’exigence de protéger les personnels et les enfants
Les syndicats sont particulièrement attentifs à deux situations. D’une part à la santé des personnels. L’Education nationale n’a pas le droit d’exposer volontairement ses personnels à la maladie. Il doit impérativement les protéger. Il a fallu la menace d’une grève historique pour que le premier ministre cède des masques chirurgicaux, que les personnels attendent toujours. Mais au regard des taux d’incidence, avec des cas de covid dans chaque classe, ces masques sont déjà dépassés. « On ne peut pas enseigner avec des masques FFP2 », prétend JM Blanquer. Lui-même en met à l’Assemblée et cela ne l’empêche pas de discourir. Tous les prétextes sont bon pour ne pas dépenser pour la protection des personnels. Fournir des FFP2 à tous les personnels, soit 10 millions de masques par semaine, couterait environ 75 millions d’euros par an. C’est la somme que JM Blanquer a rendu au budget de l’Etat en 2021.
Un autre cas particulièrement délicat est celui des enfants. Les élèves de maternelle sont particulièrement exposés. Ceux de l’élémentaire sont plus ou moins protégés selon les capacités de leurs parents. Or le covid peut laisser des traces durables. Les cas de covid long sont rares. Mais pour 7 millions d’élèves ce sont des dizaines de milliers de cas qui risque d’apparaitre si l’école n’est pas assez protectrice.
Il est urgent d’obtenir une protection pour les personnels. Là dessus les syndicats ne devraient pas transiger : tous demandent des FFP2. Il est aussi urgent que le gouvernement expose en toute transparence sa stratégie, tellement la situation actuelle apparait absurde. S’il ne le fait pas, soit il alimentera les complotistes et la défiance dans la démocratie, soit les français seront convaincus que c’est le plus incapable des gouvernements.
François Jarraud