Alors que la proposition de loi Rilhac est officiellement justifiée par la nécessité d’avoir un pilote pour animer l’école, alors qu’Emmanuel Macron affirme la nécessité pour les directeurs de choisir des enseignants qui croient dans le projet de l’école, la Depp publie une Note démontrant que le collectif existe dans les écoles et qu’il fonctionne à la satisfaction des professeurs des écoles et des directeurs d’école. Par contre, la même Note montre une nette insatisfaction des professeurs des écoles par rapport à leurs conditions d’exercice du métier. Les enseignants français sont ceux qui se plaignent le plus en Europe du manque de personnel et de moyens, problèmes toujours superbement ignorés par la loi Rilhac…
Macron et Rilhac veulent des pilotes dans les écoles
Le directeur d’école « pilote le projet de l’école pour le rendre dynamique. Tel un chef d’orchestre il met en musique la partition de chacun pour créer une symphonie harmonieuse où chacun peut s’épanouir ». C’est ainsi que C. Rilhac présente, dans les motifs de sa proposition de loi, le rôle du directeur d’école. Grâce à sa loi, le pilotage du directeur pourrait enfin avoir lieu et une vraie culture collaborative s’épanouir dans les écoles. C’est aussi ce qu’Emmanuel Macron a mis en avant lors de son discours du 2 septembre à Marseille. » Il faut que ces directeurs d’école ils puissent choisir l’équipe pédagogique… En quelque sorte avoir une équipe qui n’est pas simplement faite d’enseignants mais de pouvoir d’abord choisir les enseignants qui y sont, être sûr qu’ils sont pleinement motivés, qu’ils adhèrent au projet ».
Quand les directeurs d’école attestent du travail collectif
Une nouvelle Note de la Depp reprend les résultats de Talis 2018, une étude de l’OCDE, pour en tirer les données concernant les professeurs des écoles et les directeurs.
Le premier enseignement de Talis c’est que les écoles françaises bénéficient d’un collectif fonctionnant exceptionnellement bien. Ainsi 87% des professeurs des écoles affirment que « le personnel applique de manière systématique les règles de comportement des élèves au sein de toute l’école ». Cette opinion est corroborée par 89% des directeurs d’école. « Il existe une culture de collaboration qui se traduit par du soutien mutuel » : cette affirmation est confirmée par 85% des enseignants et 91% des directeurs. « Le personnel a une conception commune de ce que sont l’enseignement et l’apprentissage », affirment 82% des enseignants et 84% des directeurs.
C’est quoi ce travail collectif des enseignants français ? D’après Talis ils sont parmi les plus nombreux dans l’OCDE à déclarer participer à des réunions de travail en commun (80%), à échanger sur les progrès des élèves (80%). Ils sont par contre les moins nombreux à faire cours à plusieurs dans une même classe. En effet, on se demande bien qui a supprimé les « plus de maitres que de classes »… Depuis JM Blanquer, tous les enseignants ont chacun une classe en charge toute la semaine : ils ne peuvent pas l’abandonner pour aller dans la classe du voisin.
Nul besoin de choisir des enseignants qui croient dans le projet de l’école, comme Emmanuel Macron le fait croire dans son discours du 2 septembre à Marseille. Nul besoin de doter le directeurs de super pouvoirs pour que le collectif fonctionne. Il existe bien et fonctionne à la satisfaction des professeurs et des directeurs. Nous pensons d’ailleurs que doter le directeur de pouvoirs hiérarchiques risque fort de lui nuire comme on le constate dans le second degré.
Talis : Une loi qui ne répond pas aux vrais besoins des écoles
Regardons ce qu’attendent les enseignants français de leur institution. Quand on leur demande de citer les problèmes qui portent atteinte à la qualité de l’instruction, les professeurs des écoles français sont les plus nombreux à parler de manque d’enseignants notamment pour la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers (62%), ils sont 2ème dans l’OCDE (57%) à regretter le manque de personnels non enseignants et les plus nombreux (57%) à se plaindre du manque de matériel numérique à usage pédagogique. Ils sont aussi les plus nombreux (ex-aequo) à se plaindre d’infrastructure insuffisante. Ne cherchez pas : aucune de ces réalités n’est prise en charge sérieusement dans la loi Rilhac.
Quelques points aussi qui auraient du être pris en compte par cette proposition de loi. 61% des professeurs des école sont stressés au travail. 44% estiment qu’il a un impact négatif sur leurs santé mentale et 15% sur leur santé physique. Mais qui en a cure ?
François Jarraud