C’est toute une génération, 860 037 candidats, qui affronte les épreuves du brevet les 28 et 29 juin. Jusqu’au bout JM Blanquer a défendu le maintien de l’examen sans changement. Paradoxe : le brevet est l’examen le plus flou, celui pour lequel le ministère n’a pas su choisir entre contrôle continu et épreuves finales. C’est le moins utile de tous les diplômes. Et c’est aussi le moins accessible à ceux qui ne prétendent pas poursuivre au-delà du collège. Bonne chance aux candidats !
Un mode de calcul compliqué
Le brevet récompense t-il une année de travail ou la réussite à des épreuves finales ? Le mode de calcul particulièrement compliqué de cet examen donne à penser que le brevet se joue surtout avant les épreuves finales. Mais que les épreuves finales comptent quand même ! Le ministère n’a pas réussi à choisir entre un brevet qui ne serait que l’évaluation du socle commun de compétences et un examen final. Il a brassé les deux. Ce qui donne naissance à un monstre.
Jugez-en. Pour obtenir le brevet il faut recueillir 400 points sur 800. Or 400 points sont donnés en conseil de classe en fonction de la maitrise du socle commun de compétences dans 8 domaines. Une très bonne maitrise les 400 points. Une maitrise satisfaisante en donne déjà 320. Chaque collège a sa politique dans l’attribution des points, certains étant plus généreux que d’autres. Mais pour la majorité des candidats le brevet est acquis ou quasi acquis avant même de passer les épreuves finales.
Les 400 autres points se gagnent lors d’épreuves finales. Il y a 100 points qui sont accordés lors d’une épreuve orale qui a déjà eu lieu et qui est passée individuellement ou en groupe dans son collège. Les 28 et 29 juin les élèves composent pour 300 points : français (100 points), maths (100 points) et histoire-géo et sciences chaque épreuve pour 50 points. Cette année SVT et physique chimie ont été à nouveau sélectionnés pour l’épreuve de sciences du brevet général (782 215 candidats) et physique chimie technologie pour le brevet professionnel (77 822 candidats, une proportion en diminution).
Un choix non fait entre socle et examen final
Le premier problème du brevet c’est cette complexité. Le diplôme a été réformé en 2017pour revenir sur la situation absurde crée par la réforme précédente. Avant 2017 le ministère avait privilégié la validation du socle, une procédure qui a eu peu de succès auprès des enseignants. La plupart des élèves avaient assez de points pour avoir le brevet avant les épreuves finales. Les épreuves finales, où les notes obtenues sont toujours nettement inférieures à l’évaluation du socle n’avaient d’importance que pour les candidats les plus faibles qui étaient éliminés.
En octobre 2017 le nouveau ministre veut renforcer l’examen final. Mais il n’ose pas revenir sur le socle. Le balancier repart dans l’autre sens. JM Blanquer prolonge la vie du monstre à deux têtes dans une formule où il y a validation du socle plus examen classique renforcé. Et pour marquer le coup il donne un poids plus lourd à certaines disciplines. Et sa réforme aboutit à un recul du taux de réussite de 2 points en 2018.
Une énième réforme enterrée
D’où l’annonce en juin 2019 d’une nouvelle réforme du brevet qui était prévue pour 2021. Cette réforme aurait du prendre en compte « les enjeux civiques » et « l’engagement » des élèves. Mais en 2020, du fait du confinement, le brevet est accordé selon une procédure dérogatoire. En 2021, le ministre maintient l’examen coûte que coûte bien que les candidats aient été préparés différemment selon les établissements, certains ayant connu la demi jauge une partie de l’année.
2021 pourrait bien voir une légère baisse des résultats. Car le cru 2020 a été exceptionnel avec 80% de réussite soit 4 points de plus qu’en 2019.
Un diplôme dur aux faibles
Mais même ce taux extraordinaire n’a pas supprimé les défauts de cet examen. D’abord l’écart important entre la série générale et professionnelle. En 2020 on comptait 91% de réussite dans la première et 82% dans la seconde. Le brevet est très marqué par les inégalités sociales. Le taux de réussite des enfants issus d’un milieu très favorisé est de 97%, celui des défavorisés de 79%. Le Cnesco a pu établir précisément ce lien selon les territoires.
En fait le brevet est dur aux plus faibles et facile aux forts. Les plus faibles , ceux qui ont eu une mauvaise évaluation de leur année, ne peuvent compter que sur les épreuves finales pour obtenir le diplôme. Or c’est là qu’on tombe sur la dernière singularité de cet examen. C’est que les épreuves finales sont évaluées beaucoup plus sévèrement que le socle (voir par exemple la Note Depp de mars 2016).
Et inutile ?
Finalement on ne sait pas exactement ce qu’évalue le brevet. Et on ne peut que souligner l’écart entre la complexité de ce diplôme et son utilité sociale. Faute d’avoir tranché entre examen final et validation du socle, le brevet version demande les deux dans une relation très complexe. Le brevet nécessite des semaines de préparations. Il obère une bonne partie du mois de juin. Et tout ça pour quoi ? Pour un examen qui n’a pas d’utilité par rapport à l’orientation, décidée sur la seule vue du socle. Et qui n’en a pas non plus pour la société où il ne jouit d’aucune reconnaissance. Alors à quoi bon cet acharnement ?
François Jarraud