Comment les marais peuvent-ils servir de support pédagogique pour un projet pluridisciplinaire ? Dominique Thézard, professeur de SVT au lycée de la Venise-Verte de Niort (79) propose à ses lycéens d’étudier la biodiversité du marais poitevin. Echantillonnage des arthropodes dans une conche, reconnaissance des chants d’oiseaux et même balade sur les canaux sont au programme des élèves. L’érosion des roches et la fossilisation sont également étudiés sur le terrain. En parallèle, l’enseignante invite au cours de l’année des scientifiques pour évoquer la place des femmes en sciences. Le travail de chercheur et les orientations plurielles des ingénieurs font partie des réflexions menées en classe.
Pourquoi ce projet autour des marais proposé à vos élèves de 2nde ?
Il s’agit d’un projet pluridisciplinaire (histoire, géographie, géologie, biologie). Il tourne autour de la biodiversité en rapport avec le marais poitevin. Il concerne toutes les classes de seconde du lycée, pour sensibiliser tous les élèves d’une classe d’âge au thème de la biodiversité, avec la dégradation anthropique de l’environnement. La sortie dans le marais poitevin est une conclusion du fil directeur « marais poitevin » et permet de concrétiser les acquis de l’année.
Comment l’articulez-vous avec le programme de SVT ?
Le fil directeur marais poitevin permet d’aborder le thème de l’érosion des roches sédimentaires comme les argiles issues de l’érosion du Massif Central, transportées par la Loire puis les courants marins et déposées dans le golfe du Poitou. Les argiles sont déposées sur des calcaires déposées au secondaire avec la présence de fossiles d’ammonites. On étudie aussi la biodiversité avec en introduction la Chalarose du frêne qui s’est propagée depuis l’est de la France et qui attaque actuellement les frênes du marais poitevin. Or ces frênes sont très nombreux car ils sont plantés par l’homme en espèce presque unique. Le problème de l’absence de biodiversité est donc abordé. La biodiversité des écosystèmes est également abordée avec l’étude de plusieurs écosystèmes coexistant dans le marais. La biodiversité menacée est plus particulièrement vue au cours de la sortie.
Quels ateliers scientifiques soint effectués sur le terrain par les élèves ? Pour quels résultats ?
Il y a 5 ateliers. Le premier concerne la reconnaissance d’espèces végétales en autonomie. Les élèves ont ainsi pu repérer une biodiversité pauvre au niveau des arbres (aménagement anthropique) et plus riches au niveau des plantes herbacées. (Milieu humide). Un autre aborde l’échantillonnage des arthropodes dans une conche : prise d’un échantillon par un animateur, et reconnaissance des différents arthropodes avec l’animateur. 4 espèces seulement ont été trouvées. La biodiversité est très dégradée car conche mal entretenue, avec une eau de mauvaise qualité.
L’atelier 3 initie à la reconnaissance d’oiseaux à partir de leur chant, grâce à un accompagnateur ornithologue. La biodiversité est ici importante, mais menacée. L’observation de pratiques agricoles visant à uniformiser les espèces végétales entraine une baisse de nourriture en variété. Puis utilisation de produits phytosanitaires (exemple : antiparasité des vaches) entraine une baisse des décomposeurs et donc des insectes disponibles.
L’atelier 4 consiste en une visite du marais en vélo, pour bien comprendre la notion de bassin versant et le relief de cette zone humide (montée (plaine), descente (marais). Et l’atelier 5 en une promenade en barque dans les canaux, en autonomie, pour avoir une vue de l’aménagement du marais mouillé. C’est un moment ludique et l’occasion d’apprendre à lire une carte !
Que proposez-vous aux élèves de 1ère sur la thématique « sciences et femme » ?
J’ai invité 2 doctorantes en écologie et une ingénieure chargée d’étude en biologie moléculaire pour proposer un débat sur la place des femmes en sciences (avec effet ciseau : de moins en moins de femmes en montant dans la hiérarchie). Les élèves ont pu avoir une présentation des deux thèses par les deux doctorantes, ce qui donne un aperçu du travail de chercheur.
Puis, nous avons travaillé sur le terrain dans le marais de Galuchet, qui n’est pas très loin du lycée (possibilité d’y aller à pied) : analyse d’un paysage du point de vue écologique (relevé d’espèces) et réalisation d’un schéma de synthèse, guidé par une des doctorantes. Ils ont aussi recherché des amphibiens.
En quoi ces activités permettent-elles de changer les regards et les conceptions des élèves ?
Les deux doctorantes sont des jeunes filles, et donc plus proches des élèves en âge que moi. Les discussions ont été aisées : les deux doctorantes ont ainsi présenté leurs parcours étudiants, qui a montré la faisabilité d’un tel parcours. L’ingénieure d’étude a montré la possibilité d’avoir un parcours plus atypique : elle a commencé par un BTS puis a passé des concours en interne. Les élèves ont donc intériorisé la notion de femmes en sciences et d’orientations plurielles ;
Que pensez-vous reconduire l’an prochain ?
Nous sommes en train de construire un parcours d’orientation dans le marais de Galuchet, qui reprendrait une partie des activités faites aves les secondes (reconnaissances d’espèces, lecture de paysage) . Nous comptons également refaire une journée avec les doctorantes, cette fois avec les secondes. C’est-à-dire avant le choix des spécialités pour travailler sur l’orientation. Enfin, pour les spécialités en SVT, nous sommes en train de monter un projet autour du maraichage en agroécologie (service écosystémique) en lien avec l‘un des animateurs de la sortie marais.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Dans le Café
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