Coup dur pour le ministère dans une vieille affaire qui a escaladé toute la hiérarchie des tribunaux depuis 2018. Une décision du Conseil d’Etat rendue le 19 mai 2021 annule une partie de l’arrêté fixant les règles d’accès des agrégés à la classe exceptionnelle. C’est déjà un gros problème pour le ministère. Mais les raisons de l’annulation pourraient aussi concerner tous les autres enseignants de la classe exceptionnelle. Le ministère va devoir rédiger de nouveaux arrêtés sur les critères d’accès à la classe exceptionnelle.
Un arrêté cassé
Dans sa décision du 19 mai 2021, le Conseil d’Etat décide que » Les dispositions du 3° de l’article 1er et celles de l’article 2 de l’arrêté du 8 avril 2019 modifiant l’arrêté du 10 mai 2017 fixant la liste des conditions d’exercice et des fonctions particulières des personnels des corps enseignants d’éducation et de psychologue au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche prises en compte pour un avancement à la classe exceptionnelle, sont annulées en tant que ces dispositions concernent les professeurs agrégés ».
Ce qui est intéressant c’est aussi la raison qui l’amène à cette décision. « Ces dernières dispositions se bornant à reprendre les termes de l’article 39 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social, également cités au point 1, en vertu duquel les statuts particuliers des corps mentionnés à l’article 10 de la loi du 11 janvier 1984 peuvent » subordonner l’avancement de grade à l’exercice préalable d’autres fonctions impliquant notamment des conditions d’exercice difficiles ou comportant des missions particulières « , elles n’ont pu, sans méconnaître l’article 39 de la loi du 5 juillet 2010, renvoyer purement et simplement à un arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale et du ministre chargé de la fonction publique le soin d’établir la liste de ces fonctions, sans définir au préalable, avec une précision suffisante, les modalités suivant lesquelles cette condition doit être appréciée. Par suite, les dispositions attaquées de l’arrêté du 10 mai 2017 modifié, auquel le I de l’article 13 sexies du décret du 4 juillet 1972, dans sa rédaction issue de l’article 59 du décret du 5 mai 2017, a illégalement subdélégué le soin de définir les fonctions accomplies dans des conditions d’exercice difficiles ou sur des fonctions particulières, sont elles-mêmes entachées d’incompétence. »
Quelles conséquences ?
Selon le Conseil d’Etat, les règles de promotion relèvent du statut et ne peuvent être fixées par un simple arrêté de façon précises. Cette décision a des conséquences directes pour l’accès des agrégés à la classe exceptionnelle. L’arrêté en question étant annulé il reste à définir les conséquences sur les agrégés. Mais la décision pourrait en avoir aussi pour les autres corps enseignants qui ont accès à la classe exceptionnelle (PE, certifiés, PLP par exemple). A tout le moins il conviendra de vérifier leur conformité avec les exigences posées par le Conseil d’Etat. JM Blanquer est juriste de formation mais il semble que le champ du droit social ne soit pas son point fort.
A l’origine de cette décision, une plainte du Snapen (syndicat des agents publics de l’éducation nationale) et de son président Robert Casanovas auprès du tribunal administratif de Paris le 13 septembre 2018. Le Tribunal administratif avait d’abord cassé l’arrêté ministériel par un arrêt du 29 janvier 2020 aboutissant à l’annulation des tableaux d’avancement à la classe exceptionnelle de 2017 et 2018 des professeurs agrégés. Mais cet arrêt a été cassé en appel le 28 janvier 2021 (publié en mars 2021) dans un sens contraire. Finalement le Conseil d’Etat donne tort au ministère et laisse les avancements de tous les enseignants dans une certaine insécurité juridique.
François Jarraud