Parmi les points noirs des professeurs d’histoire, il y a l’enseignement de la philosophie des Lumières. Comment faire partager à des collégiens des débats qui utilisent des textes longs rédigés avec un vocabulaire savant, qui opposent des idées abstraites et en même temps montrer les perspectives révolutionnaires de ces idées ? Jonathan Préda, professeur d’histoire-géographie au collège Beurnonville de Troyes, a eu une idée heureuse : faire salon avec ses élèves et leur faire jouer le rôle de philosophes des Lumières dans des dialogues remis au goût du jour. Une transposition qui emballe les élèves et les amène à comprendre les enjeux et les propos.
Mettre en activité les élèves
« C’est un livre d’Antoine Lilti qui m’a mis sur le chemin de ce jeu de rôles », nous dit Jonathan Préda. « Je n’étais pas content de mon cours sur les Lumières. Je ne trouvais pas de moyen de le faire passer chez les élèves jusqu’à ce que j’ai l’idée de didactiser les propos d’Antoine Lilti ». Ce qu’explique Lilti c’est la diversité de la pensée des Lumières et l’importance du dialogue entre les philosophes. Deux réflexions qui guident J Préda.
« Ce qui distingue ma démarche du classique travail sur documents c’est la mise en activité des élèves. L’analyse de documents ils la font. Mais pour faire parler leur personnage devant leurs camarades. Ils se prennent au jeu ». Un autre point fort c’est que cet échange amène les élèves à reformuler et comprendre les idées qu’ils incarnent.
« Souvent traditionnellement on demande aux élèves de prélever des informations dans des textes. Là ils le font pour réutiliser l’information de telle sorte que leurs camarades la comprennent. Il y a un travail de transposition important lié à la présentation devant la classe. Les auteurs des Lumières eux aussi cherchaient à rendre plus accessible leur pensée. On leur reste fidèles ». Chaque groupe d’élèves doit faire parler un personnage à partir d’un petit corpus documentaire réalisé par J Préda. Dans la classe un groupe joue les espions royaux ce qui dynamise la présentation.
Incarner l’histoire
Deuxième idée qui a son importance : puisque les élèves représentent des philosophes , ils tiennent vraiment salon. Dans un collège, ce qui ressemble le plus à un salon du 18ème c’est le CDI et c’est là que la présentation a lieu. « On est dans un salon. L’atmosphère est calme et les élèves posent des questions. J en’aurais pas cela avec un travail classique ».
Que retiennent les élèves de la philosophie des Lumières ? Certains thèmes touchent davantage les élèves, nous dit J Préda, comme l’esclavage ou la situation des femmes. « Je voulais leur montrer, comme le dit Lilti, qu’il y a des divergences entre les philosophes des Lumières. Ce qui les unit c’est le sentiment d’être dans un siècle de rupture et la volonté de réfléchir et questionner le monde. Le moment de la mise en commun est celui de la confrontation des idées dans la classe. Ce cour sdevient un maillon important pour comprendre le chapitre sur la Révolution française et aussi le monde d’aujourd’hui que l’on étudie en EMC ».
Que retient J Préda de cette expérience pédagogique ? Qu’il faut incarner l’histoire. C’ets d’ailleurs ce qu’il fait aussi en emmenant les élèves aux archives départementales. L’histoire n’est pas toute écrite. Elle est portée par des hommes qui construisent sa route. « Je souhaite que les élèves ne fassent pas que de l’apprentissage par coeur. Je veux qu’ils comprennent l’histoire, le sens des dates et celui des textes. Et c’est comme cela que je peux les accrocher davantage ».
François Jarraud