Du 8 mars au 12 mai 2021, tous les élèves de 3ème doivent certifier leurs compétences numériques sur la plateforme PIX. En 2021-2022, cette certification sera aussi obligatoire pour les terminales en lycée général, technologique et professionnel, pour les CAP, pour les 2èmes années de BTS et CPGE. Comment mettre en œuvre un tel dispositif transversal à l’échelle d’un établissement, d’un niveau, d’une discipline ? Comment aider les élèves à s’emparer en classe des grands domaines du Cadre de référence des compétences numériques (CRCN) ? Thibaud Hayette est professeur de français au collège du Renon à Vonnas dans l’Ain : il livre ici témoignage et éclairages sur les enjeux, les modalités possibles de mise en œuvre, la place d’un professeur de lettres dans l’éducation au numérique.
Pouvez-vous présenter aux néophytes ce qu’est PIX ?
A travers plusieurs parcours à difficulté progressive où l’on doit répondre à des questions, exécuter des tâches, faire des recherches, etc., les utilisateurs de PIX vérifient leurs compétences numériques. C’est un véritable outil de positionnement et d’évaluation qui fait un état des lieux des compétences numériques et qui s’adapte au niveau de chacun. Cette plate-forme est en constante évolution avec l’ajout, au fil du temps, de nouvelles questions et des niveaux de compétences. Pour finir, Pix a la bonne idée d’être ouvert à tous : enseignants, élèves mais aussi tous ceux qui souhaitent évaluer, développer et certifier leurs compétences numériques. C’est même reconnu au niveau européen.
Et le CRCN ?
Pour que les élèves réussissent leur certification PIX, ils doivent au préalable développer leurs compétences numériques car cela n’est pas inné et chaque enseignant, quelle que soit sa matière, peut faire travailler un ou plusieurs points du référentiel.
Le référentiel du CRCN contient cinq domaines : Information et données ; Communication et collaboration ; Création de contenu ; Protection et sécurité ; Environnement numérique.
Chacun de ces domaines est subdivisé en plusieurs compétences, elles-mêmes contenant des items correspondant à des aptitudes précises, avec différents niveaux de difficulté. Par exemple, dans le domaine « Information et données », une des compétences est « Mener une recherche ou une veille d’information », ce qui nous intéresse particulièrement en lettres. Se déclinent alors plusieurs aptitudes comme « Effectuer une recherche simple en utilisant un moteur de recherche » (niveau 1) jusqu’à « Constituer une documentation sur un sujet : sélectionner des sources, citer des sources, réaliser une sitographie » (niveau 5). Parvenir au niveau 5 est ambitieux et c’est là que les professeurs doivent jouer leur rôle.
Qu’est-ce que cela change dans la façon de travailler avec le numérique ?
En soi, le CRCN n’a rien de révolutionnaire. Il est une simple évolution du B2I avec la prise en compte de nouvelles compétences liées à des évolutions numériques. Le domaine « Communication et collaboration » fait la part belle, par exemple, à la protection des données personnelles, nouvel enjeu sociétal.
Ainsi, dans les faits, les professeurs ne doivent pas modifier en profondeur leurs habitudes. Ils auront simplement à s’approprier le nouveau référentiel et valider un certain nombre de compétences lorsqu’ils mènent une activité qui intègre le numérique.
Ce qui change en revanche, c’est l’apparition de PIX car si les compétences intégraient autrefois uniquement le Livret de compétences, avec parfois une validation expéditive des domaines alors même qu’ils n’avaient pas été suffisamment travaillés, l’évaluation va se faire désormais face à une machine qui explore tous les domaines et teste différents niveaux de compétences.
Quelles sont les modalités de mise en œuvre de PIX dans l’établissement ?
En début d’année scolaire, toutes les classes de 3ème ont passé un test de positionnement (soit directement après inscription, soit par l’intermédiaire du GAR intégré aux ENT) diffusé par Pix Orga. Ce test peut même se faire dès le niveau 5ème. Selon les établissements, ce test a pu être passé au collège ou en autonomie par les élèves, chez eux. A u mois de mai normalement, chaque élève de 3ème passera un test de certification.
Quel rôle le professeur de français peut-il jouer dans ce dispositif ?
Idéalement, le professeur de Lettres peut faire travailler ses élèves dans plusieurs domaines du CRCN et ainsi développer leurs compétences en vue de la certification de fin d’année. Bien entendu, il ne faut pas oublier que le cœur du travail porte sur notre matière mais les compétences numériques ne doivent pas être négligées, d’autant qu’elles permettent en Lettres une réelle plus-value : mener des recherches critiques efficaces, collaborer, produire des documents textuels, visuels et sonores en vue notamment de publication, etc.
Précisément, comment vous, professeur de français, pensez-vous avoir développé les compétences numériques de vos élèves tout au long l’année ?
Pendant le confinement de mars 2020, les élèves ont inévitablement dû utiliser les outils numériques et leur maîtrise technique s’est développée par « obligation ». C’est ainsi le cas pour le domaine « Communication et collaboration » par exemple où les interactions avec le professeur ont été multipliées. Cependant, il apparaît clairement que les élèves ont besoin d’accompagnement en présentiel pour développer des compétences de recherche d’information ou de création de contenu.
J’ai ainsi pu par exemple, cette année, les aider à la création d’un magazine autobiographique numérique ce qui les a amenés à progresser en production textuelle, en traitement de l’image, ou encore en développant des habitudes de recherches lexicales avec des dictionnaires en ligne. En outre, ils ont pu utiliser le BYOD en classe pour développer leurs compétences de lecture ou encore développer des stratégies de recherche sur des articles de presse en ligne.
Quelle vous semble être la perception par vos élèves d’un tel dispositif ?
Les compétences du CRCN sont souvent trop implicites dans nos apprentissages et nous aurions tout intérêt, me semble-t-il, à bien communiquer aux élèves les items travaillés pour chaque séance qui utilise le numérique. Ce qui est intéressant, c’est que lors des phases de test de positionnement sur PIX, les élèves sont parvenus à réaliser certaines tâches en mobilisant des aptitudes travaillées précédemment en classe. Je pense par exemple à la simple maîtrise du clavier : réaliser un accent circonflexe ou un tréma (c’était une des compétences évaluées sur le test de positionnement) n’est pas inné chez eux et c’est par un travail en amont lors d’une production textuelle par exemple qu’ils peuvent y parvenir. De même lorsque nous menons des activités de recherche poussées pour trouver les sources originelles d’un document sur Gallica, cela peut ensuite les aider à construire une stratégie de recherche reproductible.
La plate-forme permet rapidement de visualiser son niveau de compétence en fonction du domaine et chaque question rapporte des points. C’est un système clair qui parle aux élèves. Et l’algorithme est efficace puisque la difficulté augmente en fonction des aptitudes de chacun. On peut ainsi progresser à son rythme. Cette individualisation est un atout également et cela plaît aux élèves.
Beaucoup imagineraient sans doute que PIX ne concerne pas vraiment les profs de français : que leur répondriez-vous ?
Je leur répondrais que PIX concerne tous les professeurs et évidemment les professeurs de Lettres qui peuvent largement contribuer à la réussite de la certification. Je dirais même que les professeurs de Lettres sont particulièrement légitimes pour certains domaines !
PIX est finalement la partie émergée de l’iceberg et une forme d’aboutissement : tout le travail que nous menons avec les élèves à l’aide du numérique développe petit à petit leurs compétences et l’idée est qu’elles soient pérennes et transposables. C’est un travail de l’ombre mais indispensable. Nous cherchons avant tout à développer des compétences en Lettres et le numérique permet, lorsqu’il est utilisé de manière pertinente, d’affiner cela. Lettres et numérique peuvent aller de pair.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
La plateforme Pix Orga
Le CRCN
Propositions de travail de l’équipe Lettres-Numérique de l’Académie de Lyon
Protocole de certification sur le site de la DANE Versailles