Voilà, la première semaine scolaire de 2021 est terminée. Si je m’arrête un instant pour en faire le bilan, que vais-je en retenir ? Si je pense à chaque journée de cette semaine, qu’en reste-t-il ? Quels sont les faits qui marquent mes journées de prof ?
Lundi, la divisibilité
Lundi, j’ai retrouvé mes sixièmes, pour commencer. 7h55, avec deux-trois flocons qui se baladent, il s’agit de réveiller le mathématicien en herbe qui sommeille en chacun de mes élèves. Pour commencer que signifie « diviser » ? Réponse : « c’est tracer le trait, là, comme ça, vertical avec un bout horizontal ». Le ton est donné : ce matin, diviser, c’est tracer la potence. Pas question de « faire des paquets », de soustraction itérée ni de lien avec la multiplication. A la question : « ok, le reste doit être inférieur au diviseur ; mais pourquoi ? », grande perplexité, avant de trouver des réponses convaincantes par ailleurs. Mais pour beaucoup, c’était une révélation : « aaaaah, vous voulez dire y a une raison ??? » Bin oui. En même temps que le ton, c’est mon objectif prioritaire qui m’est rappelé avec force : donner du sens. Nous terminerons la séance par des arbres de divisibilité, objet d’un devoir maison commencé en classe (pour que chacun soit assuré d’être en mesure de le résoudre hors la classe), inspirés d’une image de John Golden croisée sur Twitter :
Mardi, le cours du navet…
Mardi, je retrouvais mes quatrièmes. J’avais décidé, pendant les vacances, de changer ma tâche d’entrée dans la séquence qui tourne autour des probabilités : finalement, plutôt que de partir de l’application météo de mon téléphone, nous partirions d’une simulation du cours du navet, en clochettes, pour la spéculation hebdomadaire qui m’a occupée sur Animal Crossing pendant les vacances. En voyant les courbes produites par un fan, j’avais compris que je tenais un support pédagogique sans doute robuste : du repérage, de la lecture de courbes empilées, la notion de fonction, des taux, de l’aléatoire, pour évidemment aboutir aux probabilités et à la modélisation en général. Mon approche était élémentaire : expliquer la situation, afficher le document et demander : « que m’apporte ce document ? ». Bilan : top. J’ai adoré le sérieux impassible de mes élèves, qui étudient le R0 du Covid comme ils étudient le cours du navet dans un jeu vidéo. J’ai apprécié que personne ne me demande si j’y joue : nous avons pu bien travailler. Je range la météo comme étude finale de document avant de passer à la suite, car le cœur de son intérêt est de lever les implicites. Mais lever des implicites sur une notion nouvelle (cette année, complètement nouvelle pour certains élèves, à cause du confinement de l’année dernière), cela noie l’information curriculaire. Alors vive les navets !
Mercredi, la maman…
Mercredi, après mes cours du matin au collège, j’animais une formation en distanciel, pour des stagiaires à l’INSPE. C’était la dernière : je connais trop bien ces contenus, je ronronne. Je ne vibre plus, alors je sonne la retraite pour ce côté-ci de mon activité et appelez la relève. Mais quand, en me disant au revoir, un jeune collègue m’a remerciée pour « vos contenus, votre soutien et votre gentillesse », j’ai été touchée. Je n’avais pas trop le temps de m’appesantir : dix minutes plus tard, j’animais une petite intervention sur l’exploitation d’un album en cycle 2 pour travailler grandeurs et mesures, à Marseille ; le distanciel a du bon, aussi. Ca a été l’occasion pour moi de beaux échanges, poursuivis depuis : mon réseau s’étend, non pas pour avoir des amis imaginaires, mais pour avoir des échanges avec des intelligences qui cherchent à enseigner à nos élèves. La journée s’est conclue sur la fierté de voir la MaMaN, la Mallette à mathématiques de l’académie de Normandie que Nourdin Témagoult, Hélène Portail et moi avons fabriquée l’année dernière, plébiscitée. Nous avons tellement travaillé à cette mallette, pour qu’elle soit utile, que lire sa reconnaissance nous rend heureux.
Jeudi, vendredi : « vous serez une bonne prof »
Jeudi, il y a eu la fierté d’un élève parce qu’il est arrivé dans le top 3 du collège au concours Castor. Il en était stupéfait. Il a compris ce dont il est capable. Et puis il y a eu L., qui est en préprofessionnalisation dans ma classe depuis septembre. Une future collègue attentive, réfléchie, qui prend si bien sa place dans la classe, déjà capable d’autonomie et d’analyse didactique, à qui un élève dit « vous, vous serez une bonne prof de maths. » Oui, je confirme, et j’imagine l’importance de cette phrase spontanée pour elle. Pas facile, en ce moment, d’être étudiant. La fatigue parfois, en particulier devant les démissions de ses camarades. Le distanciel ôte l’énergie pour apprendre de beaucoup de nos étudiants.
Vendredi, une collègue venait me voir en classe. J’avais prévu, avant les vacances, le contenu de cette séance, comme de toutes les autres de la quinzaine. Et comme souvent, ce n’est pas du tout ce que j’ai fait car les besoins de mes élèves étaient autres et que nous avions pris beaucoup plus de temps que ce que j’avais planifié. Les échanges avec cette collègue ont été vraiment intéressants : comme nous avons besoin les uns des autres pour réfléchir ! Chaque collègue qui vient me voir m’apporte beaucoup. J’ai observé mes élèves intégrer spontanément la collègue à la classe : ils ont l’habitude de recevoir, c’est naturel pour eux. Ca aussi, j’aime bien.
C’est quoi le coeur du métier ?
Samedi, je suis allée en région parisienne : une collègue qui partira prochainement en retraite m’avait proposé de me céder des livres et brochures de maths. Un trésor… Mon coffre est rempli de ressources, que j’ai hâte de trier. J’ai vraiment adoré que cette collègue pense à moi et me contacte. Encore le collaboratif en action.
Dimanche, j’ai terminé ma semaine avec la commission premier degré de l’APMEP. Quel plaisir d’écouter des collègues en questionnement et en ébullition intellectuelle permanente, toujours en recherche de moyens efficaces d’être utiles aux enseignants de la maternelle à l’université. Et puis ces échanges donnent de l’énergie, donnent envie d’ouvrir encore d’autres portes…
Pfiou, voilà une semaine bien remplie. Au final, qu’est-ce qui fait le cœur de mon métier ? Les élèves et le collectif. La réflexion partagée, mais toujours avec les pieds sur Terre, à arpenter le lino de la classe.
Claire Lommé