Par Françoise Solliec
Comment motiver et aider des élèves confrontés à de premiers résultats insatisfaisants et à des enseignements qu’ils jugent inintéressants ? Au travers de plusieurs expérimentations, menées par des équipes solidaires, le lycée Jean Jaurès d’Argenteuil établit ses propres solutions.
Le lycée Jean Jaurès d’Argenteuil accueille un public varié dans ses formations professionnelles, scientifiques et techniques et met en place depuis longtemps des actions propres à motiver et encourager les élèves. Issues d’expérimentations ou de réflexions antérieures, trois de ces actions sont aujourd’hui labellisées au niveau académique, l’une portant sur des enseignements de découverte, la deuxième sur l’accompagnement personnalisé, la troisième sur un essai de rupture dans le temps scolaire. Elles nous sont présentées par la proviseure, Annie Tobaty.
Dans une classe de 2nde a été mis en place cette année un enseignement portant sur les objets numériques, coanimé par un professeur de maths et un d’électronique. Répartis en groupes de 3, les élèves se saisissent d’un objet, par exemple le GPS, pour étudier son fonctionnement et comprendre les algorithmes mathématiques qui sont à la base de cette invention. Leur travail est rendu principalement sous forme orale. Il s’agit ici, dans une classe « ordinaire », de motiver les élèves pour des choix de carrière scientifique et technique et de leur donner une première expérience de construction de l’innovation scientifique et technique.
L’accompagnement des élèves est organisé sur plusieurs niveaux, précise Annie Tobaty. Il concerne une classe de 2nde, 2 classes de 2nde et 1ère professionnelles microtechniques et une classe de BTS 1ère année. Le dispositif s’adresse également aux élèves décrocheurs de tous niveaux, en fait principalement 2nde professionnelle et 1ère générale. Le repérage de ces élèves est le fruit d’un travail d’équipe entre professeurs principaux et CPE, qui notent les signes de violence verbale, endormissement en classe, absentéisme, … Tous les élèves ainsi repérés se voient proposer un entretien avec des COP, CPE, infirmière, assistante sociale, en fonction des situations de chacun. Cette cellule d’intervention, dans laquelle se retrouvent aussi des enseignants va établir un diagnostic plus précis et déterminer un référent qui va suivre l’élève et fixer avec lui des objectifs atteignables. Ce suivi fonctionne bien pour quelques-uns des 25 élèves concernés, moins bien pour d’autres, selon Annie Tobaty, qui constate néanmoins avec satisfaction qu’aucun d’entre eux n’a réellement décroché et qu’ils sont toujours régulièrement présents dans l’établissement.
En 2nde générale, l’accompagnement prend la forme d’un tutorat concrétisé par des rencontres de 1h tous les 15 jours. Un enseignant anime un groupe de 4 à 5 élèves pour les faire travailler en échanges de pratiques (révision des leçons, devoirs, prise de notes) puis pour organiser des activités liées aux processus d’orientation. L’échange entre élèves y est fondamental.
En 2nde professionnelle, le projet est « à double détente ». Les tuteurs sont d’abord des élèves de 1ère, accompagnés par un enseignant. Ils expliquent le lycée à leurs camarades, les aident dans des ateliers ou leur recherche de stages en entreprise. Les enseignants sont assez satisfaits de cette formule, car ils notent une plus grande implication des élèves accompagnés, sans pour autant cependant que cela rejaillisse sur les résultats.
En 1ère année de BTS, chaque nouvel entrant est accompagné par un professeur, pour l’aider à mieux cerner les objectifs de la formation et définir ses besoins.
Tous les professeurs accompagnateurs ont bénéficié d’une formation de 3 jours, organisée dans l’établissement.
L’idée d’une rupture dans le temps scolaire est née du constat de démobilisation de nombreux élèves sur la période décembre janvier, explique Annie Tobaty. Il s’ensuit un climat de tension entre professeurs et élèves, avec des manifestations très variées. Ce climat ne cède pas si on essaie de le traiter au moyen de sanctions, au contraire. La réflexion menée avec les délégués des élèves a fait ressortir la confrontation difficile aux résultats, le rythme artificiel de l’école, générateur d’ennui, les envies ou compétences non reconnues (pratique de l’oral, activités artistiques par exemple). Il a donc été décidé d’interrompre les cours une semaine en décembre (sauf pour la classe préparatoire) et de répartir les 1300 élèves, tous niveaux confondus, dans près de 180 ateliers aux thématiques très variées (activités de découverte, sportives, culturelles, d’orientation, des TP organisés avec l’université, des activités techniques avec les enfants des écoles, etc.) Le choix des ateliers comprend une partie de parcours obligé et une partie libre.
L’indice de satisfaction a été grand et les élèves, très majoritairement des garçons, ont plébiscité d’une part des activités sportives et d’autres part des langues non enseignées dans l’établissement comme l’italien ou le breton. « On y a gagné un apaisement certain, alors que la situation était très conflictuelle en novembre ». L’expérience ne semble pas avoir eu d’effet sur le taux d’absentéisme, mais les élèves l’ont vécue avec enthousiasme et en ont beaucoup parlé avec leurs parents, nettement plus réservés au départ.
Les actions décrites correspondent à certains objectifs du projet d’établissement et avaient déjà fait l’objet d’expérimentations, sous une forme ou sous une autre, affirme Annie Tobaty. Pour l’an prochain, l’enseignement autour des objets numériques devrait être conservé et la co-animation développée dans les autres enseignements d’exploration. Le tutorat sera bien sûr maintenu et élargi et Annie Tobaty estime que l’expérience menée en 2nde générale sera certainement importante pour la mise en place de l’accompagnement personnalisé.
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