Epargnée jusque là, l’école maternelle va elle aussi être profondément modifiée par JM Blanquer. Arguant de la scolarisation obligatoire dès 3 ans, le Conseil supérieur des programmes (CSP) définit un recadrage important du programme de maternelle. La nouvelle école maternelle sera celle des fondamentaux, des évaluations nationales (de le PS à la GS), des listes de vocabulaire et surtout de la préparation de l’évaluation de CP. Car l’école maternelle sera axée sur la préparation à l’entrée en CP. Alors que les programmes existants donnent toute satisfaction, le ministre fait plus qu’amener un nouveau programme. Il construit une véritable rupture dans la culture professionnelle des enseignants de maternelle.
Un angle nouveau
« L’instruction obligatoire dès 3 ans, en fixant un cadre commun, offre à tous les enfants les mêmes chances de réussir leur scolarité », affirme sans rire la Note du CSP. L’école maternelle est non seulement l’école de l’épanouissement, mais aussi l’école du langage. C’est pourquoi elle contribue grandement à lever le premier obstacle qui peut se présenter à certains enfants, celui d’une familiarité insuffisante avec la langue française. Or une certaine aisance dans le maniement du français, outre qu’elle conforte le sentiment d’appartenance du jeune enfant à la communauté nationale, lui est nécessaire pour qu’il soit en mesure d’apprendre convenablement à lire, à écrire et à compter à l’école élémentaire… Le 2 octobre 2020, un pas supplémentaire et décisif a été accompli pour conforter la place de l’école maternelle dans le système éducatif français : à la rentrée scolaire 2021, c’est l’école, et non pas seulement l’instruction, qui sera obligatoire à 3 ans pour tous les enfants ».
C’est par ce contexte que le CSP justifie ses « propositions » pour le programme de maternelle. Tout au long de la Note le CSP explique qu’il apporte des améliorations au programme de 2015. Il faut dire que ceux-ci ont été très bien accueillis par les enseignants. Mais, avec cette Note, les références idéologiques du programme de maternelle changent et par suite les objectifs et les pratiques. Il ne s’agit pas d’un « nettoyage » du programme de 2015 mais bien d’une réécriture.
Le CSP n’e fait pas vraiment mystère quand il parle d’un « angle nouveau ». « En 2014 et en 2015, l’élaboration de ce programme était guidée par une vision générale de l’enfant mettant l’accent sur son développement comportemental et psycho-cognitif. La loi rendant obligatoire l’instruction dès l’âge de 3 ans invite à reconsidérer ses priorités et ses finalités, et à veiller à la construction progressive, mais effective des apprentissages… Les trois années de scolarité préélémentaire doivent assurer à tous les enfants des acquisitions qui leur seront nécessaires pour aborder avec confiance le cours préparatoire. Sans pour autant être l’antichambre de l’école élémentaire, l’école maternelle doit permettre à tous les enfants d’accéder sans difficulté préalable aux apprentissages fondamentaux »
Etablir les fondamentaux
Le premier objectif de la maternelle devient « permettre une entrée en CP réussie ». » L’école maternelle acquiert un nouveau statut : elle devient une école à part entière, un lieu qui constitue le premier jalon de la scolarité. Il lui revient d’établir les fondements, éducatifs et pédagogiques, qui permettront aux enfants de bénéficier des meilleures conditions pour aborder, dès le cours préparatoire, l’apprentissage des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui ». Il est précisé d’ailleurs que les enseignants devront « se conformer à des protocoles précis » pour enseigner en maternelle.
On ne trouvera donc dans la Note de définition du nouveau programme que pour le français, les maths et les sciences. Tout le reste disparait. L’école maternelle se recentre sur les fondamentaux.
Fabriquer des français
L’accent est mis sur le langage, ce qui n’est pas une nouveauté à l’école maternelle. Mais l’approche est toute autre. » Si le programme en vigueur affirme bien « la place primordiale du langage comme condition essentielle de la réussite de toutes et de tous », il ne met pas suffisamment l’accent sur la « langue », orale et écrite, comme premier moyen d’entrer dans les apprentissages et comme condition de la réussite scolaire ».
Voilà la nouvelle présentation de l’apprentissage de la langue : » Le langage désigne une faculté d’expression et de communication qui recouvre diverses formes, mais aussi un immense défi de conceptualisation et d’énonciation que l’Homme a relevé. Ainsi, pour l’être humain, le langage remplit une fonction essentielle intimement liée au fait qu’il soit doué de pensée. C’est dans une langue déterminée que le langage réalise sa fonction proprement humaine… Cette langue est d’abord celle de son milieu familial, sa langue maternelle. À l’école maternelle, l’enfant apprend la langue française qui est la langue de la Nation, creuset commun qui lui est ouvert dès l’âge de 3 ans. Cette langue, facteur de cohésion nationale et de rayonnement culturel, constitue le socle de son identité en France et dans le monde ». Car l’école maternelle a pour mission de fabriquer des Français.
Des évaluations en PS et GS
La Note explique longuement à quel point les programmes de 2015 se sont trompés. Elle invite à suivre deux maitres : S Dehaene, présenté comme référence unique pour la lecture, et A Bentolila. Selon la Note il y aurait soit la méthode Dehaene soit la méthode globale, celle-ci étant très mauvaise, comme si elle existait encore à l’école.
Le nouveau programme organisera un apprentissage explicite et ordonné de la langue avec un enseignement « explicite et structuré du vocabulaire adossé à des travaux de classification , de mémorisation ». Cela conduit le CSP a annoncer deux évaluations de tous les enfants une en petite section (PS) à 3 ans et une autre en grande section (GS) à 5 ans. Cette dernière vérifiera « l’acquisition à la fin de la GS ». Sinon l’enfant redouble ?
L’étude des nombres suit les mêmes choix. Le premier guide est les évaluations de CP :l’école maternelle doit y préparer. Les références changent : S Dehaene est toujours là mais s’y ajoute C Villani et C Torossian. Et rien d’autre.
Cette Note , qui donne des listes des « attendus des enfants en fin de maternelle », en français , maths et sciences, opère une rupture par rapport au programme de 2015. Le nouveau programme réduit l’école maternelle à l’antichambre de l’école élémentaire avec un enseignement limité au lire, écrire, compter. En ce sens c’est aussi une rupture avec toute l’histoire de l’école maternelle qui devrait s’opérer cette année.
François Jarraud