« La France a su amortir les effets du confinement ». Dans un message envoyé aux enseignants le 9 novembre, JM Blanquer commente les résultats des évaluations nationales dans des termes bien peu scientifiques. Au delà de la flatterie nationaliste, les résultats montrent surtout que ça dépend pour qui. Partout les écarts se sont creusés en CP et Ce1 entre les enfants favorisés et défavorisés sous son ministère.
Creusement des inégalités en Cp
Quel impact a eu le confinement sur le niveau des écoliers et collégiens ? La réponse apportée par le ministère le 9 novembre est partielle puisque portant sur les seuls CP , CE1 et 6ème, trois années où des évaluations nationales ont lieu. Partiels aussi dans les items étudiés qui ne renvoient pas toujours à des pratiques de classe. Enfin rappelons que les évaluations nationales sont passées par presque toute la totalité des élèves de ces 3 années mais dans des conditions très différentes d’une classe à l’autre en CP et CE1.
Ce qui ressort des évaluations d’entrée en CP c’est, selon la Depp, une légère baisse de niveau en français, par exemple de deux points sur la manipulation de syllabes. En maths la baisse est très faible aussi: 2 points dans résolution de problèmes, moins ailleurs. Mais globalement ce niveau est plutôt préservé.
On remarquera la façon dont le ministère présente ces résultats comme si l’école maternelle était une école élémentaire. C’est inquiétant pour son avenir. Et ça explique aussi la faible dégradation constatée : des compétences peu enseignées en maternelle sont insensibles au confinement.
Voilà pour les résultats moyens. Par contre la Depp signale une forte progression des écarts entre les élèves hors éducation prioritaire et ceux des Rep et Rep+. Pour manipuler des syllabes l’écart est de 3 points entre hors EP et Rep+ et autant pour « écrire des nombres entiers ». En maths, en éducation prioritaire, malgré les dédoublements, les écarts avaient continué à augmenter de 2018 à 2019 sauf sur ce dernier point.
Creusement des inégalités en CE1
A la rentrée de CE1, on a une vraie perte de niveau en français : – 4 points pour écrire des mots (seuls 73% des élèves ont un niveau satisfaisant) alors qu’en maths le niveau reste stable. Mais il est vrai qu’il est faible : seuls 46% des élèves ont un niveau satisfaisant sur la résolution de problèmes par le calcul.
Par contre là aussi les écarts se creusent entre éducation prioritaire et non prioritaire. En rep+ on observe un écart de 34 points pour la compétence « comprendre des mots lus par l’enseignant ». L’écart était de32 points en 2019. Pour lire à voix haute l’écart est de 18 points quand il était de 14 en 2019. En maths les écarts se creusent aussi : 15 points pour le calcul mental quand c’était 11 en 2019. Pour F Rosenwald, « les élèves qui ont connu le confinement ont des taux de maitrise en retrait par rapport à la génération 2019. Les écarts se sont creusés entre l’éducation prioritaire et les autres ».
Hausse de niveau en 6ème
Miracle en 6ème où le niveau progresse partout. En français on a 88% d’élèves ayant un niveau satisfaisant et 68% en Rep+. En maths c’est 72 et 40%. Les Rep+ en maths sont la seule catégorie où il n’y a pas de progrès.
Le ministère ne manque pas de se féliciter du maintien du niveau en débit de 6ème c’est à dire de la solidité des acquis de l’école primaire car il précise que c’est ça qui est évalué et pas seulement ceux de CM2. Le mérite en revient pour une très large part au gouvernement précédent qui a accueilli ces élèves pendant leur scolarité primaire avec les nouveaux programmes de 2015.
Le ministère avait ajouté plusieurs épreuves dans ces tests. Pour certaines, tout ce qui concernait le travail à la maison et avec le professeur durant le confinement, les résultats restent inconnus. Et puis il y a la mesure de la fluence en 6ème, une marotte de JM Blanquer qui montre que 15% des élèves sont en dessous des attendus mais 64% en Rep+. Le ministre en tire une injonction aux professeurs et particulièrement aux professeurs des écoles de faire lire davantage les élèves à haute voix. Cela devrait prendre la forme d’une nouvelle circulaire. E Geffray (dgesco) explique cette hausse inattendue par les dispositifs de cet été.
De quelle France parlons nous ?
« On aurait pu imaginer un effet plus fort », dit F Rosenwald en commentant les résultats de Ce1. Que faudrait-il dire pour ceux de 6ème ? JM Blanquer se veut parfaitement rassurant. « Les progrès accomplis en 2018-2019 au début de l’école primaire ont été effacés pour l’année 2019-2020. Nous devons retrouver la voie de la réussite pour tous nos élèves, grâce à la présence des enfants toute l’année, à la personnalisation des parcours à laquelle ces évaluations contribuent et aux pratiques pédagogiques efficaces sur lesquelles nous aurons du recul. Les progrès accomplis en 2018-2019 à la fin de l’école primaire n’ont pas été effacés, bien au contraire. Les premiers effets d’une approche renforcée des savoirs fondamentaux se voient de manière très encourageante. Mais il reste beaucoup à faire car la proportion d’élèves en difficultés en français et en mathématiques au début du collège reste trop élevée. La France a su ainsi amortir voire compenser les effets du confinement ».
Cette imbrication du discours politique et d’études que l’on présente comme scientifiques est toujours gênant. Les « progrès » réalisés entre 2018 et 2019 sont très relatifs. Les dédoublements en Cp et Ce1 de l’éducation prioritaire n’ont pas porté les fruits promis ou que l’on voudrait nous faire croire. Au regard des moyens investis et des dégâts que cette politique a créé en prélevant des moyens dans le second degré c’est la déception qui l’emporte.
Surtout la France dont parle JM Blanquer (celle qui a amorti les effets du confinement) se limite à celle des favorisés. Pour les élèves défavorisés la situation scolaire s’est dégradée. Cette catastrophe nationale ne tempère pas le discours optimiste du ministre…
François Jarraud