Du socle commun aux fondamentaux de la citoyenneté
L’École obligatoire entretient un rapport organique avec l’État. À ce titre, l’État doit garantir que chaque élève qui quitte l’institution scolaire doit maîtriser les fondamentaux de la citoyenneté. Il doit pouvoir comprendre le monde et la société dans lesquels il sera amené à exercer son rôle tant sur le plan personnel, professionnel que politique.
C’est pourquoi les connaissances scolaires enseignées pendant la scolarité obligatoire doivent être structurées par les champs constitutifs de « l’identité citoyenne ». C’est en se demandant, d’abord, ce que doit savoir, comprendre et maîtriser un citoyen qu’on doit élaborer les programmes scolaires. Les disciplines universitaires académiques doivent ensuite être mobilisées comme disciplines contributoires et cela sans exclusive. Il est, à cet égard, regrettable que des disciplines universitaires comme la médecine ou le droit soient exclus de la formation scolaire ou n’y interviennent que très indirectement : repenser l’éducation scolaire en termes de fondamentaux de la citoyenneté devrait permettre de reconstruire le champ des savoirs scolaires en s’émancipant des rapports de forces disciplinaires hérités des siècles derniers.
Dans cette perspective, l’ensemble des savoirs scolaires peut être regroupé en deux grands types : les « savoirs transversaux » et les « savoirs spécifiques ».
Les « savoirs transversaux » sont, tout à la fois, les outils de construction de la personne et les conditions d’acquisition et de communication des savoirs spécifiques. Ils concernent deux dimensions indissociables : savoir communiquer et savoir créer.
- Savoir communiquer par oral (s’exprimer, écouter, débattre), par écrit (lire, écrire, entretenir une correspondance), avec son corps, en utilisant des outils mathématiques (les opérations fondamentales, les outils arithmétiques et géométriques, les outils statistiques), les technologies de la communication et au moins une autre langue vivante que sa langue maternelle.
- Savoir créer avec des mots, son corps et toutes sortes de matériaux, à partir d’approches différenciées de démarches créatrices, et cela de manière individuelle et collective.
Les « savoirs spécifiques » conditionnent l’accès à une citoyenneté lucide et solidaire. Ils touchent à des problèmes majeurs que, selon la formule d’Octave Gréard, il y a plus d’un siècle, « nul n’a le droit d’ignorer ».
- L’éducation à la santé, à l’environnement et au développement durable.
- L’éducation scientifique et technologique qui permet de comprendre le fonctionnement et les dysfonctionnements des objets techniques usuels ainsi que les enjeux liés au statut et à l’usage de la science.
- L’éducation à la citoyenneté par la découverte de l’histoire de l’émergence de la démocratie, la compréhension des principes juridiques qui la fondent et l’expérimentation de ces principes dans des cadres et sur des objets adaptés au niveau de développement de l’enfant.
Afin de concrétiser et d’incarner dans les programmes scolaires, sous forme de « socle commun », ces fondamentaux de la citoyenneté, il conviendrait de fixer à chaque niveau de classe l’objectif suivant : « chaque élève devra réaliser, au cours de l’année scolaire, trois projets individuels ou collectifs, un sur chacun des champs de savoir spécifiques ci-dessus. Dans chacun de ces projets, il devra utiliser les connaissances prévues au programme de la classe et témoigner du niveau d’exigence requis par sa classe en matière de communication et de création. » À l’École primaire, ces projets seront accompagnés par les professeurs des écoles, avec, quand cela sera possible, l’appui d’intervenants extérieurs. Ils seront présentés aux familles en fin de chaque trimestre. Au collège, chaque projet devra être accompagné au moins par deux professeurs de deux disciplines différentes. En fin de collège, chaque élève présentera l’ensemble de ses projets devant un jury et la soutenance de ces derniers donnera lieu à la délivrance du Brevet des collèges.
Dans le cadre du suivi des projets menés, chaque année, par les élèves, les professeurs seront amenés à détecter les difficultés de ceux-ci : ces difficultés, une fois identifiées, feront l’objet de remédiations individuelles ou collectives. Toute remédiation devra être ponctuelle et porter sur un objectif spécifique. Elle sera organisée au sein de l’école ou de l’établissement dans le cadre d’un travail d’équipe systématique.
Philippe Meirieu
– Préface
– Le projet de loi
- – Le texte de la loi
- – Une première lecture des mesures de la loi Fillon
- – L’avis du Conseil supérieur de l’Education
- – La lecture du café : Peut-on encore s’intéresser à la loi d’orientation ?
– Les pédagogues
– Les réactions syndicales
– Les parents
– Les lycéens
– Dans la presse
– La question du bac
– La question des TPE
- – Tribune : Les TPE ou la violence
- – Tribune : Supprimer les TPE, c’est toucher à l’emblème d’une réforme réussie – Entretien avec Jacques Richard
– Le socle commun : l’analyse de P. Meirieu
– La question de la formation et des IUFM
- – Tribune : Formation des enseignants : J-L. Auduc : on tourne le dos aux besoins
- – Article : améliorer la formation initiale des enseignants
– Quelle Ecole pour l’avenir : 32 principes pour une éducation démocratique
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