Il aura fallu 6 heures de débat et la réécriture totale de 2 des 7 articles pour que la proposition de loi Rilhac sur les directeurs d’école soit adoptée en commission le 17 juin. Cela tient aussi aux faiblesses d’un texte qui met du réglementaire dans du législatif. Mais surtout au fait qu’il heurte de plein fouet des questions de société. La proposition de loi surgit en pleine concertation avec les syndicats et semble l’enterrer. Elle rompt avec la gestion des écoles par le conseil d’école pour y faire entrer une autorité hiérarchique. Elle évacue la question de l’aide administrative aux directeurs, confiée à la bienveillance et aux moyens des communes.
Un nouveau texte sur les directeurs
« J’ai entendu vos revendications, vos souffrances et vos doutes ». En présentant sa proposition de loi devant la Commission de l’Education de l’Assemblée, Cécile Rilhac annonce aussi qu’elle a changé. En effet, on se souvient de son amendement à la loi Blanquer qui proposait de confier la direction des écoles au principal du collège du secteur.
Un an plus tard voilà la question des directeurs d’école reposée par Cécile Rilhac avec le soutien de LREM. Au point que sa proposition de loi passe en grande urgence avec passage en commission le 17 juin et en séance le 22. Un vrai raid qui, avec le soutien déjà acquis du Sénat, pourrait permettre l’application de la loi dès la rentrée.
Cécile Rilhac affirme avoir écouté les professeurs des écoles (PE) et changé. Elle ne veut pas faire des directeurs des personnels à part des professeurs des écoles. Mais le naturel vient vite comme cette répartie où elle déqualifie les syndicats en expliquant qu’ils représentent les professeurs des écoles et que les directeurs n’en ont malheureusement pas. Le député Larive (LFI) fait remarquer que c’est normal : les directeurs sont des professeurs des écoles…
Une loi pour couper court à la concertation ?
Quatre points ont alimenté de vrais débats. Le premier c’est le moment choisi par la proposition de loi. Suite au suicide de C Renon, une concertation est ouverte au ministère avec les syndicats sur les directeurs d’école. Elle a lancé une consultation auprès des PE qui montre qu’ils refusent très majoritairement un directeur supérieur hiérarchique et qu’ils veulent une aide administrative. La loi Rilhac coupe court à la concertation qui n’a plus lieu d’être. Elle donne l’impression d’une manoeuvre pour y mettre fin.
Quel statut pour les directeurs ?
Le point le plus sensible c’est le statut des directeurs. C Rilhac a abandonné l’idée d’un statut de directeur. Mais elle le remplace par un « emploi fonctionnel » de directeur avce « délégation d’autorité par l’académie ». Pour C Rilhac , « ce texte ne crée pas de lien hiérarchique entre directeurs et enseignants ».
Cela désole une partie des députés qui veulent, comme le groupe LR, un directeur supérieur hiérarchique. Cela irrite ceux qui veulent garder la gestion démocratique actuelle des écoles par le conseil d’école. » Même si le mot de statut n’est pas prononcé c’est de l’autorité qu’il est question et de la hiérarchisation » dit Michel Larive.
C Rilhac propose une autre rédaction de son article 1 en ajoutant : « En tant que délégataire de l’autorité académique, il est habilité à prendre des initiatives et des décisions en lien avec ses différentes missions définies par le référentiel métier des directeurs d’école. À ce titre, il peut prendre les décisions nécessaires liées aux responsabilités relatives au fonctionnement de l’école dont il a la direction sans être le supérieur hiérarchique de ses collègues ». Cet amendement (149) est adopté.
Pour C Rilhac le directeur pourra signer des conventions avec la commune et c’est tout. Elle écarte un amendement de Reiss (LR) proposant que le directeur évalue les professeurs. Elle « ne veut pas que le directeur soit considéré comme le supérieur des enseignants ». Mais la définition des emplois fonctionnels est faite par l’autorité qui les crée. Il n’est pas certain qu’une loi puisse en arrêter le contenu. Le mode de nomination de l’empli fonctionnel , par les dasen, profilera les postes. Ces emplois fonctionnels seront mieux tenus en main que les directeurs actuels. Des amendements demandent que ces emplois soient ouverts aux PE ayant 3 ans d’ancienneté (au lieu de 5). Ils sont adoptés.
C Rilhac propose d’amender son propre texte pour définir plus étroitement l’emploi fonctionnel. Un amendement (146) précise que » Cet emploi fonctionnel, dont le directeur d’école est titulaire, n’emporte pas d’obligation de mobilité et n’est pas attribué pour une durée déterminée ». Un amendement LREM (121) précise que « Le directeur d’école propose à l’inspecteur de l’éducation nationale, après consultation du conseil des maîtres, des actions de formation spécifiques à son école »
Déchargé ou rechargé de travail ?
Le débat se porte aussi sur les décharges. Celles ci relèvent du pouvoir réglementaire (le ministre) et l’assemblée ne peut rien décider . Mais un alinéa de l’article 2 prend la question autrement en disant que « dans les écoles de 8 classes et plus le directeur n’est pas chargé de classe ». Cécile Rilhac y ajoute un amendement (150) qui dit que « Lorsque sa mission de direction n’est pas à temps plein, il peut être chargé de missions d’enseignement dans l’école dont il a la direction ou de missions de formation ou de coordination. Ces missions sont définies à la suite d’un dialogue avec l’inspection académique ».
Pour C Rilhac, il y a un double renversement. La loi ne définit pas les décharges mais le temps d’enseignement du directeur à partir de 8 classes. C’est le directeur qui piloterait la formation pour son école au lieu qu’elle tombe d’en haut.
Pour M Larive le directeur pourrait ainsi prendre le travail des coordonnateurs Rep et des formateurs. C Focillon n’est pas certaine que le nouveau système n’aille pas encore davantage à l’encontre du droit des enseignants de choisir leur formation.. Les amendements Rilhac sont adoptés.
Comment le texte enterre l’aide administrative aux directeurs
Le troisième débat porte sur l’article 4 qui permet aux communes ou groupements de commune de mettre à la disposition du directeur « une aide de conciergerie ou administrative ».
Cette proposition soulève un tollé à guache.
L’aide administrative est une des principales demandes des directeurs si on en croit la consultation organisée par le ministère. Les aides administratifs ont été supprimés par le gouvernement d’E Macron en 2017. Pour la gauche elles doivent être rétablies. Mais en confier la charge aux communes c’est creuser les inégalités enter les écoles. LFI, PC et PS demandent que l’Etat prenne ses responsabilités. Leur demande est écartée et l’article est adopté.
Petit débat éthique
Le dernier débat aura lieu sur l’article 5. Il stipule qu’en cas de liste unique pour les élections des parents délégués le vote est supprimé et la liste déclarée élue. Pour C Rilhac c’est un moyen de diminuer le travail des directeurs. Le PS, LFI et le PC soulignent que ce n’est pas pareil d’être élu même si le résultat est le même. Il s’agit de défendre le principe démocratique dans l’école déjà mise à mal par un directeur sur emploi focntionnel.
Finalement C Rilhac appelle la technologie à son secours. » A titre expérimental, dans les départements volontaires, pour trois ans , en présence d’une liste unique, l’élection des représentants des parents d’élèves a lieu par la voie électronique. »
La proposition de loi est adoptée au bout de beaucoup de réécriture pour un texte qui n’a que 7 articles. Cécile Rilhac a su garder les principes de son texte , le directeur nommé sur un emploi fonctionnel qui lui donne autorité dans l’école. Le texte arrive en première lecture le 22 juin.
François Jarraud