« Il y a une contradiction entre la prudence du gouvernement et l’empressement à rouvrir les écoles », estime Francette Popineau, co-secrétaire générale du Snuipp Fsu, premier syndicat du premier degré. « La reprise dans les écoles est impossible », estime le Se Unsa. Les syndicats, qui voient le ministre ce 29 avril, exigent un protocole sanitaire nationale. Ils veulent aussi un temps de préparation du retour en classe.
Réouverture sur avis du conseil d’école pour le Snuipp
« J’ai bien entendu les mots de progressivité , prudence et adaptation mais je n’ai pas compris comment ça se met en musique dans l’école ». Pour Francette Popineau « on manque de progressivité et du prudence pour l’école ». Elle relève que le premier degré est seul déconfiné d’un coup le 11 mai alors que le second degré sera réouvert plus tard, voir peut-être pas du tout pour le lycée.
« Le gouvernement part de l’hypothèse que les enfants sont moins transmetteurs du virus mais c’est hasardeux quand on sait la proximité entre enfants et entre enfants et adultes et la population que drainent ces enfants avec les grand parents, les baby sitters etc. On a une grande interrogation sur cette hypothèse qui parait peu prudente. On a l’impression qu’on est pressé de faire rentrer les enfants. C’est peu prudent quand en même temps on souligne le manque de lits de réanimation et de médicaments dans les hopitaux ».
Le Snuipp Fsu veut obtenir un temps de concertation entre les équipes éducatives, les parents et les collectivités locales pour organiser la réouverture. « Une réouverture, même progressive, des écoles dès le 11 mai est beaucoup trop prématurée et se heurterait au réel en termes d’équipement sanitaire, d’exiguïté de nombreuses salles de classes, d’inégale capacité de financement des communes, d’inconnues sur le nombre de personnels disponibles », écrit le syndicat. » Le SNUipp-FSU exige l’élaboration d’un cadre national de réouverture des écoles, validé par les autorités scientifiques et médicales, pour engager ensuite un travail en prenant tout le temps nécessaire avec les enseignants, les parents et les élus pour le décliner localement et le soumettre à l’approbation des conseils d’école » Sur ce dernier point, F Popineau insiste : « On veut qu’aucune école n’ouvre sans l’avis du conseil d’école. S’il y a des pressions on aidera les collègues ».
Plusieurs syndicats départementaux du Snuipp appellent à ne pas reprendre le 11 mai. Le Snuipp 75 « s’oppose à la réouverture des écoles parisiennes » dans une ville où le taux de malades est élevé. Le syndicat peut envisager une réouverture avant la fin de l’année « si l’évolution de la pandémie au sein de la capitale le permet ». Pour le Snuipp 34, « les personnels des écoles sont des cobayes ». Il refuse la réouverture le 11 mai.
Inacceptable et impossible pour le Se-Unsa
« L’école semble déroger à la règle de la prudence », nous dit Stéphane Crochet, secrétaire général du Se Unsa. « En particulier la maternelle et l’élémentaire où la seule consigne donnée est la limitation à 15 élèves par classe maximum. On est très loin des consignes sanitaires du Conseil scientifique ». Pour lui, « il n’est pas possible de faire porter la responsabilité de la réouverture aux directeurs et aux collectivités locales. Il faut absolument un cadre sanitaire fixe et une reprise plus progressive que ce qu’a dit le premier ministre ». C’est la différence avec le second degré où la rentrée est plus progressive, voire éloignée pour le lycée, plus limitée et où le port du masque est imposé.
« La reprise à marche forcée envisagée pour les écoles maternelles et élémentaires est à la fois inacceptable et impossible à mettre en œuvre dans les délais prévus et dans un cadre sanitaire totalement flou », écrit le syndicat. « Au motif affiché d’objectifs pédagogiques et de justice sociale, la reprise pour les élèves de primaire est en fait liée à la reprise de l’activité économique du pays. S’il ne faut pas nier cette nécessité, il convient d’être clair ; la reprise de l’école primaire puis des élèves de 6e et 5e vise à libérer les parents qui devront reprendre le travail dès le 11 mai des impératifs de garde de leurs enfants. Pour le SE-Unsa, la réouverture de toutes les écoles est impossible à mettre en œuvre d’ici le 11 mai et se heurte à plusieurs contradictions et incohérences … Pour le SE-Unsa, l’école, ses élèves et ses personnels méritent les mêmes protections, les mêmes garanties et les mêmes droits que le reste de la société française ».
Travaillons à réussir la rentrée de septembre
« Le Premier ministre n’a livré quasiment aucune information sur les moyens permettant cette réouverture sans mettre en danger les élèves, leurs familles, les personnels et sans provoquer une seconde vague de l’épidémie », souligne la Cgt Education qui dénonce une réouverture » contre l’avis du Conseil scientifique et de l’INSERM » et uniquement guidée par des considérations économiques. La CGT demande « l’abandon de cet objectif du 11 mai… Plutôt que rater une réouverture précipitée, travaillons à réussir la rentrée de septembre ».
Le Snalc n’a pas changé d’avis. Pour lui aussi la rentrée c’est septembre. Sud Education appelle à exercer son droit de retrait. « Sur le plan sanitaire, les éléments donnés par le gouvernement sont très insuffisants… SUD éducation appelle tous les personnels à exercer leur droit de retrait à compter du 11 mai ».
Le Sgen appelle au dialogue
Le Sgen Cfdt se détache de la fermeté de ces propos. « Beaucoup de questions (sont) à éclaircir par le dialogue », estime le syndicat. » Les exigences du Sgen-CFDT et de la FEP-CFDT portent sur le protocole sanitaire national dont les consignes ne pourront en aucun cas être en deçà des préconisations du conseil scientifique ; la mise en oeuvre effective de ce protocole qui dépendra du matériel disponible (masques, gel, savon) et de la réalité des locaux (taille des salles) : pas de réouverture là où ce protocole ne peut pas être assuré… ; les modalités de décisions : il ne doit pas y avoir d’injonctions descendantes mais un cadre commun dans lequel les acteurs locaux (personnels de l’éducation nationale, collectivités territoriales, parents), doivent disposer de temps suffisant pour organiser cette reprise pédagogique selon les réalités locales, pour permettre un retour à l’école, sans que cela n’entraîne de risques sanitaires ».
Des personnels de direction demandent la réouverture en septembre
Pour ID FO, « le maintien de la fermeture des lycées jusqu’en juin au moins procède de la sagesse pour éviter des risques sanitaires… La décision de surseoir à la réouverture des lycées relève également du bon sens puisqu’il était illusoire que toutes les conditions puissent être remplies pour un accueil des lycéens à partir du 18 mai. Or, les contraintes d’organisation matérielles, humaines, pédagogiques demeurent pour les collèges qui eux devraient rouvrir pour le 18 mai dans les départements identifiés. Les raisons qui président à cette différence entre collèges et lycée méritent d’être explicitées, ainsi que celles pour lesquelles les quatrièmes et troisièmes ne sont pas évoqués. Id FO considère que la reprise effective des cours doit s efaire ne septembre ». Le sydnicat demande des circulaires de cadrage nationales.
Une journée déterminante
Ce tour d’horizon syndical a sa conclusion. Le ministère ne devrait pas éviter le dépôt de préavis pour la semaine du 11 mai. Mais beaucoup va dépendre des discussions du 29 avril. Le ministre a dit sur TF1 qu’il y aurait un protocole national. Cela répond à une première revendication. Les questions de l’accord des conseils d’école pour la réouverture et celle du délai au-delà de la date symbolique du 11 mai vont être plus difficiles à arracher.
François Jarraud