Va-t-on vendre le bac plutôt que le donner ? Après l’intervention du premier ministre le 2 avril, JM Blanquer a annoncé ses décisions pour les examens et la fin de l’année. Le ministre veut « reconquérir le mois de juin », un vieil objectif de son ministère. Les cours auront lieu jusqu’au 4 juillet à tous les niveaux, sauf si le confinement était maintenu. L’assiduité des élèves sera évaluée pour le bac et le brevet. Pour ces examens le ministre impose un contrôle continu intégral, sauf en français où un oral sera maintenu si cela est possible. Jusque là on était dans les clous. Mais si cet article en est à sa 4ème rédaction en 24 heures (du jamais vu!) c’est que le ministère change d’avis sur des points importants dans la journée. Et dérape ce soir : le ministère accepte finalement l’idée que les candidats libres puissent passer le bac en juin sur la base de leur livret scolaire. Et ça c’est permettre simplement d’acheter le bac…
Cours jusqu’au 4 juillet pour tout le monde
Reconquérir le mois de juin est un vieil objectif de l’institution scolaire incitée à cela par la Cour des Comptes. Traditionnellement le dernier mois de l’année scolaire est partiellement pris par les examens qui mobilisent les professeurs et les locaux. Si les conditions sanitaires le permettent, cette année les cours auront lieu jusqu’au 4 juillet. L’assiduité des élèves sera exigée pour obtenir le bac et le brevet. Les vacances d’été seront maintenues. Derrière cette question on devine celle de la reprise économique. Si le déconfinement a lieu en mai ou en juin, les entreprises seront incitées à récupérer leur retard de production. L aloi d’urgence a voté des semaines de travail de 60 heures. Il sera donc bienvenu que les enfants soient pris en charge par l’école. Des pays envisagent d’étendre l’année scolaire sur l’été. On relèvera que le ministre écarte cela.
Le brevet
Pour le brevet, la note de l’examen sera la moyenne des notes des 3 trimestres à l’exception des notes données pendant la « continuité pédagogique ». L’assiduité jusqu’au 4 juillet sera demandée pour valider l’examen. Des jurys seront convoqués pour tenir compte du livret scolaire.
En première
En première la note de l’écrit sera la moyenne des notes de l’année sauf les éventuelles notes de la période de confinement qui sont exclues. Mais le ministre maintient un oral, sous réserve de déconfinement. Lors de son discours puis dans un communiqué écrit JM Blanquer demande 15 textes en série générale et 12 en série technologique. Mais la FAQ ministérielle parlait de seulement 10 textes : » Les épreuves orales sont maintenues dans les conditions initialement prévues : le candidat présentera au minimum une liste de 10 textes ». Finalement la FAQ a été modifiée et c’est la parole ministérielle qui s’impose : 15 textes en général et 12 en techno.
Ces deux décisions ont tout de suite fait réagir des professeurs de français sur les réseaux sociaux. D’une part le nombre de textes exigés semble trop important pour une année qui risque d’avoir été terminée le 12 mars. D’autre part les examinateurs des oraux s’inquiètent de leur sécurité sanitaire. Auront-ils des masques et du gel ?
En ce qui concerne les E3C, le ministère acte la disparition de la session de printemps (les E3C2). La note des E3C2 sera la moyenne des notes des E3C1 (pas passés par tous les élèves !) et celle à venir des E3C3. Pour l’enseignement de spécialité abandonné en terminale et l’évaluation des compétences expérimentales, la note sera la moyenne des notes de l’année. Cela va pénaliser les élèves qui abandonnent une spécialité, par exemple ceux qui abandonnent les maths. Il était prévu de leur faire passer une épreuve allégée.
En terminale
En terminale, là aussi la règle est celle du contrôle continu intégral. On calculera la moyenne des notes des 3 trimestres sauf celles données durant la continuité pédagogique. Le livret scolaire et notamment l’assiduité seront pris en compte par les jurys qui se réuniront et pourront convoquer à des oraux de rattrapage début juillet. Une session de septembre aura lieu pour les candidats ajournés mais admis à cette session.
Va-t-on vendre le bac ?
Ce titre est choquant. Pourtant le risque apparait avec une nouvelle modification par le ministère par rapport aux propos tenus le 3 avril au matin. Le ministre a déclaré ce matin que les candidats libres, ceux des écoles hors contrat, passeraient le bac en septembre, c’est-à-dire avec les épreuves de rattrapage. Le 3 avril au soir, le ministre change d’avis. Selon le ministère, « les candidats individuels, qui représentent 2% des candidats, sont en des situations très différentes. Lorsque leurs modalités de scolarisation se traduisent par la délivrance d’un livret scolaire, comme c’est le cas par exemple pour les élèves scolarisés au Cned, ou de formation par la structure de formation, le jury académique se prononcera sur la base de ce livret, au cours de la session du mois de juin. Le jury pourra, pour les candidats dont les évaluations et le livret ne permettent pas la délivrance du diplôme, proposer à ceux-ci de passer la session de septembre. Les candidats individuels ne disposant d’aucune modalité d’évaluation en contrôle continu passeront les épreuves de la session de septembre ».
Courageusement le ministère se défausse sur les jurys. Il les autorise à délivrer le bac à des élèves d’écoles privées payantes au seul vu de leur livret scolaire. On peut craindre que ces écoles qui vivent de l’argent que leur donnent les parents établissement les livrets scolaires que les parents attendent. Cela rend possible la vente d’un diplôme universitaire.
Professionnel et BTS
Dans l’enseignement professionnel la règle est de tenir compte des notes de CCF et du livret scolaire pour accorder le CAP, BEP et bac pro. « En cas de non réalisation de la totalité des semaines de PFMP initialement prévue, il faudra avoir réalisé a minima 10 semaines sur l’ensemble de la scolarité pour l’obtention du baccalauréat », précise la FAQ ministérielle. La même règle vaudra aussi pour les BTS a dit le ministre. Là aussi il y aura des jurys pour harmoniser les notes, examiner le livret scolaire. « On sera vigilant sur la motivation pendant la période de confinement et jusqu’au 4 juillet » dit JM Blanquer. Une bonne partie de ces élèves ont disparu depuis le 12 mars , probablement entre un quart et la moitié. Il y a cela de nombreuses raisons dont les conditions de vie et d’équipement. Pénaliser les plus pauvres des élèves de l’enseignement professionnel pour des raisons d’assiduité semble une bonne décision pour encourager le décrochage définitif de ces jeunes.
Et la reprise ?
Interrogé par le Café pédagogique sur les conditions de la reprise des cours, le ministre annonce un retour progressif dans les établissements. « Il faut les remettre en route, assurer le nettoyage, la cantine. Ca prendra du temps », estime JM Blanquer. » Il y aura un temps pédagogique pour tenir compte des particularités ». Pour JM Blanquer il faudra personnaliser davantage l’enseignement. « Les professeurs pourront évaluer ce qui s’est passé pour chaque élève. Je fais confiance à chaque établissement pour faire ce qui doit être fait ». Pour lui le soutien scolaire des congés de printemps et d’été doit y aider.
JM Blanquer est resté évasif sur deux points. La crise a fait basculer l’enseignement dans le numérique. Que restera t-il de cet effort sans précédent ? Le ministre est resté évasif et il est probable que l’institution scolaire retourne comme avant et laisse ces services découverts par les parents aux entreprises privées.
Autre flou sur la rémunération des enseignants qui accueillent des enfants de soignants au risque de leur santé. Ils seront rémunérés mais le ministre n’a donné aucune précision.
Tous ces choix instituent un régime pour les examens dont on espère qu’il sera exceptionnel. Les jurys auront fort à faire pour harmoniser les notes d’examen sachant que les politiques de notation sont très variables d’un établissement à un autre…
François Jarraud