Jusque là liées à la droite américaine, les Charter Schools semblent faire une entrée remarquée dans l’opposition démocrate. C’ets ce que la Fondation Jaurès, sous la plume de C. Sente, croit distinguer. En arrière plan la question de la fragmentation des systèmes éducatifs nationaux sous la pression de l’entre soi et de la diversification pédagogique.
Reposant sur le principe du libre choix des parents, les Charter Schools, apparues dans les années 1990, sont des écoles privées financées par de l’argent public , les parents affectant leur chèque éducation à l’établissement de leur choix. Actuellement elles scolarisent 6% des élèves américains. Selon C Sente, dans la note de la fondation Jean Jaurès, ces écoles assurent une diversification pédagogique puisqu’elles ne sont pas tenues à respecter les programmes officiels.
» À ce jour, la performance relative des établissements traditionnels et des Charter Schools est toujours étudiée au sein des universités et débattue dans les médias », écrit-il. « Elle n’a pas encore conduit les États à renoncer à l’exercice traditionnel de leur compétence en matière d’enseignement, mais les succès de cette nouvelle génération d’écoles ont suffisamment impressionné pour que chaque État, ou presque, dispose à présent d’un cadre légal pour organiser leur action. En outre, l’État fédéral a initié un programme de soutien financier à cette expérimentation pédagogique qui touche plus le cadre de gestion de l’école que les contenus mêmes de l’enseignement », note C Sente. Le parti démocrate serait devenu perméable à cette nouvelle école , proche des parents, mettant en concurrence les établissements pour en assurer une diversification jugée positive.
Cette note renvoie à une réalité qui pourrait traverser l’Atlantique : la remise en question de l’Ecole comme institution, la montée de l’entre soi et la valorisation des pédagogies alternatives. Assurer la diversité de l’offre pédagogique en singularisant les établissements est déjà un objectif ministériel en France. C’est ce qu’on voit avec la contre réforme du collège lancée récemment ou encore avec la promesse du développement de l’autonomie des établissements y compris en ce qui concerne le recrutement et l’évaluation des enseignants. La poussée du privé hors contrat en est un autre exemple.
En 2018, les auteurs de la Revue internationale de Sèvres (n°76) montraient la force de ce mouvement. La fragmentation peut aussi découler de la remise en question du projet éducatif national par exemple avec le développement des modèles conservateurs (voir le développement des écoles Espérance banlieues) ou dans l’affirmation des valeurs écologistes (les écoles Sudbury en France). La proximité idéologique entre ces valeurs et l’idéologie de la concurrence et de l’autonomie à la tête de l’appareil étatique ne peut qu’accélérer le phénomène.
Pour les deux coordinateurs de ce numéro, tout est déjà perdu pour les systèmes éducatifs nationaux. Ils n’envisagaient que deux scénarios. Le premier c’est l’émiettement des systèmes scolaires nationaux qui éclateraient dans une offre variée avec des acteurs privés et publics. Le second c’est le maintien d’un système public mais sur un territoire plus réduit que l’Etat. L’enjeu reste le renforcement des inégalités sociales, scolaires et ethniques.
F Jarraud