« L’interdisciplinarité est essentielle dans ce projet. C’est elle qui amène les élèves à prendre conscience des particularités de sa discipline ». Professeure d’histoire-géographie, Claire Podetti mène depuis plusieurs années avec ses collégiens du collège Charles Péguy de Palaiseau, un travail de recherche historique sur les déportés du Convoi 77. Un vrai travail de recherche historique qui est aussi un support d’expression littéraire et artistique pour les élèves. Son travail a été présenté au 11ème Forum des enseignants innovants.
Ecrire la biographie d’un déporté
A l’origine du projet, l’association d’enfants de déportés Convoi 77 qui invite les établissements scolaires à faire connaitre les déportés du convoi. Depuis 3 années, Claire Podetti travaille ainsi sur la biographie d’un déporté du convoi. Sa classe bénéficie de deux heures hebdomadaires pour mener ce projet. En 218-2019, les élèves ont travaillé sur Léo Cohn, un juif allemand, engagé en 1940 et animateur des scouts israélite de France de 1940 à 1944.
L’intérêt du projet c’est de pouvoir renouer avec le travail d’archives qui est au coeur de la discipline. « Les élèves travaillent sur des sources triées avec les archivistes, mais on les emmène aussi directement en archives autant qu’on le peut, comme on a pu le faire avec les archives de Strasbourg », nous dit Claire Podetti. « Comme des petits historiens ils cherchent les fragments de la vie de Léo Cohn sauvegardés dans les archives ». Comme cette lettre sur Léo Cohn arrivée à la Sureté nationale, saisie par les Allemands avec les archives de la Sureté en 1940 puis par les Soviétiques à Berlin en 1945 et revenue en France après 1991. Comme tout travail d’archive, chaque pièce doit être remise dans son contexte historique pour ne saisir le sel.
Rejoindre l’humain
Les élèves travaillent en groupe sur des éléments de la vie du déporté. « Les documents contradictoires nous intéressent particulièrement : ils permettent de montrer ce qu’est le travail d’historien : vérifier les choses quand c’est possible, émettre des hypothèses quand ça ne l’est pas.
Les élèves contactent aussi la famille du déporté. C’est l’occasion d’échanges de mails et de témoignages. Dans le cas de Léo Cohn, les élèves ont échangé avec les 4 enfants de Léo Cohn. Ils ont eu l’occasion de les rencontrer tous les 4. « C’est là où on rejoint l’humain. Dans les familles souvent on ne parle pas des drames familiaux. Et ça touche beaucoup les élèves. Ca permet d’écrire une histoire commune, d’humaniser l’histoire », explique Claire Podetti.
Un travail interdisciplinaire
La dernière dimension de ce projet est artistique et littéraire. Les élèves travaillent aussi avec leur professeure de français, Clarisse Brunot, d’éducation musicale, Jeanne Dury, et des artistes Didier Lesour, comédien, et Caroline Cassel, artiste plasticienne. « Ca permet de combler les vides de la biographie », explique Claire Podetti. En français les élèves travaillent sur la biographie en s’affranchissant de l’histoire. Ils préparent par exemple une pièce de théâtre qui est jouée devant les parents.
« Ca pose aussi la question de l’émotion quand on travaille sur la Shoah », explique Claire Podetti. « On fait revivre des personnes avec leurs moments de bonheur et de malheur. Le but c’est d’interroger le racisme aujourd’hui. Cela passe par la connaissance historique. Mais l’émotion est indissociable de la réflexion ».
Pour Claire Podetti, ce travail d’archives et d’expression permet aux élèves de bien faire la différence entre ce qui relève de l’histoire et du roman. Voilà pour l’histoire-géographie. Mais c’est aussi une aventure humaine. Le projet permet aux élèves d’exprimer leur personnalité dans le cadre du cours d’histoire-géo. Des liens sont tissés entre les enseignants et les élèves durant tout ce travail où le doute a sa part. « L’interdisciplinarité est essentielle dans ce projet. C’est elle qui amène les élèves à prendre conscience des particularités de sa discipline ».
François Jarraud