Alors que la ministre de l’enseignement supérieur a lancé le 14 octobre un plan pour favoriser l’ouverture sociale des grandes écoles et des universités, la question de la démocratisation s’inscrit dans l’actualité politique. Le 15 octobre, Estelle Herbaut, post doctorante de Sciences Po, a présenté au séminaire LIEPP de Sciences Po, dirigé par Elise Huillery et Carlo Barone, une étude réalisée avec Koen Geven , Banque mondiale, sur les politiques efficaces pour inciter les jeunes à s’inscrire dans le supérieur et permettre leur réussite. L’étude reste partielle : elle ne traite pas de tout ce qui devrait être fait dès l’école primaire pour réduire les inégalités sociales de réussite scolaire. Mais elle permet de trancher entre bourse sociale et bourse au mérite ou encore entre l’information sur l’orientation et l’information avec accompagnement personnalisé sur l’orientation.
La France peine particulièrement à démocratiser le supérieur
Pourquoi donc inciter les enfants de ceux qui n’y sont pas allés à faire des études supérieures? Parce que les diplômes du supérieur protègent du chômage, permettent d’avoir une vie meilleure et même , selon l’OCDE, d’être un meilleur citoyen. Or malgré la massification de l’enseignement secondaire et supérieur, les inégalités sociales d’accès au supérieur continuent à être très fortes en France. Selon l’enquête Piaac (Ocde) la probabilité de faire des études supérieures varie énormément en France selon que ses parents ont suivi des études supérieures ou pas. Notons que ce n’est pas le cas dans tous les pays. En France on compte un quart d’élèves qui sont enfants d’ouvriers au collège. Mais en classes prépas ils ne sont plus que 7%. Dès le CE2 le quart des élèves les moins favorisés ont de notes inférieures de moitié à celles du quart le plus favorisé.
Les obstacles pour accéder au supérieur sont nombreux. Il y a bien sur le cout de ces études, pas tellement en France les frais d’inscription que le fait de pouvoir vivre en étudiant. Il y a les inégalités de niveau scolaire. Il y a le manque d’information sur les effets positifs de suivre des études supérieures et les filières existantes ou encore la méconnaissance des aides. Il y a les biais de comportement : la difficulté à choisir par exemple ou encore la préférence pour la routine.
Les dispositifs existants pas évalués
En France l’enseignement supérieur semble miser beaucoup sur le développement des cordées de la réussite, un dispositif soutenu depuis 2008. Les cordées demandent à des étudiants de grandes écoles de faire du tutorat auprès de lycéens et collégiens. Le tuteur développe avec eux des activités culturelles : visites de grandes écoles, de lieux culturels, activités informatiques etc. Le soutien des ministères est très important. Or on n’a pas d’évaluation de ces dispositifs. Un rapport de l’Inspection générale de 2012 signalait des dérapages et des anomalies , comme le fait d’être davantage présent dans les lycées favorisés (et très peu en L.P.). Une étude de l’Acsé en 2011 confirmait que le dispositif était détourné de ses objectifs initiaux.
Qu’est ce qui aide un jeune défavorisé à accéder au supérieur ?
Estelle Herbaut a sélectionné parmi près de 300 rapports et études portant sur les politiques d’aide à l’accès au supérieur et à la réussite dans le supérieur, 71 études permettant d’évaluer précisément les effets des politiques. Sur ces 71 études, 56 sont nord américaines. Deux points sont abordé dans son travail : les aides à l’orientation et les aides financières données aux futurs étudiants.
Concernant les aides à l’orientation, E Herbaut compare les résultats des simples informations sur le post bac, de l’information accompagnée d’un accompagnement personnalisé et d’une information accompagnée d’une remise à niveau scolaire.
Le premier résultat de son travail c’est que le soutien scolaire ne donne pas de résultat pour les élèves défavorisés. Il n’incite pas davantage à la poursuite d’étude. Pour E Herbaut les exigences de ce genre de programme font fuir les élèves. S’il faut remonter le niveau il faut donc le faire dans le cadre des cours normaux.
L’information sur l’orientation a peu d’effet sur le de poursuite d’études supérieures des élèves défavorisés. La seule étude qui montre un effet concerne un coin reculé de la Chine.
C’est finalement le couple information et accompagnement personnalisé qui a un effet notable su rle taux d’accès au supérieur. Mais toutes les études qui le démontrent sont nord américaines. Aucune de ces politiques n’a d’effet sur le taux de réussite dans le supérieur.
Quelles bourses permettent d’accéder au supérieur et d’y réussir ?
E Herbaut a évalué aussi l’effet des aides financières sur l’accès et la réussite des élèves. Elle compare les bourses sociales et les bourses au mérite. Ces dernières sont devenues à la mode dans la première décennie du 21ème siècle avec le retour du discours sur les élèves « méritants ».
E Herbaut est très claire :les bourses au mérite n’ont aucun effet sur le taux d’accès des élèves défavorisés. Ou alors un effet négatif. Tout simplement parce que la réussite scolaire est liée au statut social et c’est particulièrement vrai en France. En fait elle diminuent les chances des élèves défavorisés d’avoir un financement. Les seules bourses au mérite qui ont un impact sont celles qui sont accessibles aux élèves défavorisés, par exemple quand le mérite est relatif et non absolu.
Les bourses sociales n’ont pas toutes un effet sur l’inscription dans le supérieur des élèves défavorisés. Elles ont un effet quand elle atteignent un montant suffisant pour que l’étudiant ne soit pas obligé de passer sa journée à travailler pour payer ses études. Ainsi la bourse à taux zéro n’a aucun effet sur la poursuite d’étude. E Herbaut montre aussi que la bourse a d’autant plus d’impact qu’elle est versée tot. Ce peut être par exemple un compte bloqué alimenté dès la seconde pour payer des études supérieures. Cela ancre le projet dans l’avenir que le jeune se dessine.
Sur la réussite aux examens du supérieur, les bourses sociales qui permettent de diminuer ou supprimer le travail alimentaire étudiant ont un impact fort. Les bourses au mérite n’ont pas d’effet sur ce point non plus.
« Même si toutes les politiques n’ont pas d’effet positif certaines en ont », estime E. Herbaut. « L’information sur l’orientation a un impact sur l’accès au supérieur que s’il y a un accompagnement personnalisé en plus. Les bourses sur critères sociaux sont les plus efficaces pour aider les jeunes défavorisés à poursuivre leurs études ». Voilà déjà un message à faire passer à F Vidal.
F Jarraud