De nombreuses écoles devraient être affectées par l’appel à la grève lancé pour le 24 septembre par plusieurs syndicats (CGT, Sud , plusieurs syndicats ou unions régionales FSU) contre la réforme des retraites. Même si le taux de grévistes devrait être nettement plus important chez les personnels territoriaux (cantines etc.) que chez les enseignants, ceux-ci sont bien au premier rang des salariés qui ont à perdre avec la réforme. On peut même dire que les enseignantes en général et les professeurs des écoles seront plus affectés que les autres professeurs. Mais pire encore : on a du mal, en dehors du retrait de la réforme, à voir une solution pour eux…
Du droit social au management…
Présentée dans un rapport de M Delevoye, la réforme des retraites voulue par le gouvernement réalise une vraie coupure avec les régimes de retraite précédent. Non pas tant parce qu’il romprait avec le principe de la répartition : tout système de retraite consiste à prélever sur les actifs pour payer les retraités. Mais parce qu’il installe un système qui passe de droits acquis à des points. Ces points peuvent facilement varier. Il sera beaucoup plus facile d’ajuster à l’avenir les retraites que dans le système actuel où les salariés ont des droits. Comme dans d’autres réformes gouvernementales (les PIAL, le lycée etc.) on est dans de la gestion et non dans une vision politique ou sociale.
Pourquoi les enseignants sont spécialement affectés
Dans la réforme, le montant des retraites varie selon les points acquis. Ceux-ci correspondent aux salaires perçus tout au long de la carrière, primes inclus. Or si les salaires enseignants arrivent à un taux assez proche de la moyenne OCDE, c’est seulement en toute fin de carrière. Calculer la retraite enseignante sur toute la carrière fait chuter énormément le montant de la retraite. Rappelons que selon l’insee le salaire des enseignants est inférieur de 25% au salaire moyen des autres cadres A de la fonction publique. C’est dire qu’il est très inférieur à celui des cadres du privé.
Les enseignants touchent également moins de primes que les autres fonctionnaires. Hors enseignants, le taux de prime dans la fonction publique Etat atteint 30% du revenu. Mais chez les enseignants celui ci se situe à 12% du salaire en moyenne selon le Bilan social du ministère.
Des inégalités renforcées entre les enseignants
Mais cette moyenne cache d’importantes inégalités. La part des primes dans le salaire brut atteint seulement 7% chez les professeurs des écoles (PE) contre 15% dans les corps du second degré. On le sait les PE n’ont pas la possibilité de faire des heures supplémentaires à la différence des enseignants du 2d degré. Leurs primes correspondent à l’ISAE, une conquête récente, et à l’indemnité de direction (pour les seuls directeurs).
Mais à l’intérieur du second degré, la répartition des primes est aussi inégale. Les enseignants sur les échelles de rémunération les plus élevées sont ceux qui touchent le plus de primes. Ainsi les primes représentent 13% du salaire brut des certifiés et PEPS mais 16% des agrégés et 34% du salaire des professeurs de chaire supérieure. Chez les personnels d’encadrement les primes correspondent à 17% du salaire des personnels de direction et d’inspection, mais à 40% de ceux de l’encadrement supérieur.
La plus importante inégalité est celle entre les sexes. Chez les certifiés par exemple, les hommes perçoivent 100 euros de prime de plus par mois que les femmes. Dans le premier degré, où le volume des primes est deux fois plus faible, la différence est de 65 euros. Les femmes, sur qui repose souvent l’essentiel des activités familiales, sont moins à même de faire des heures supplémentaires ou des IMP que les hommes. En prenant en compte les primes, la réforme des retraites va accentuer ces inégalités en les rendant pérennes après la retraite.
Quelle retraite demain ?
Mais quelle différence entre la retraite actuelle et celle que le gouvernement veut mettre en place ? D’après le calcul du Snes Fsu, pour un professeur certifié, la différence est énorme. Un enseignant partant après 43 ans de carrière ne toucherait plus que 1932 € au lieu de 2885 aujourd’hui. Avec 40 ans de carrière, on passerait de 2281 à 1755 €. On a donc une baisse particulièrement forte. Celle ci ne sera pas aussi importante chez les autres fonctionnaires du fait de leur grille salariale et des primes.
Que valent les promesses ?
Le gouvernement et le président de la République ont pris les devants et annoncé que le cas des enseignants serait pris en compte. Ainsi le 26 août sur France 2, E Macron a dit être conscient que « certaines professions seraient lésées » en citant les enseignants, les aides soignantes et les infirmières. « Il n’y aura pas de réforme des retraites tant qu’on n’aura pas bâti une transformation de ces professions ».
Mais comment compte-il faire ? Il y a près d’un million d’enseignants et toute hausse salariale monte vite à des sommes importantes. Pour maintenir les retraites enseignantes au niveau où elles sont actuellement il faudrait une revalorisation très importante d’au moins un quart. Cela représenterait une hausse de la masse salariale d’au moins 10 milliards, probablement davantage. On voit mal où le gouvernement les trouvera, à moins de liquider un nombre impressionnant de postes (au moins 200 000 !). Tout semble ordonné pour que les enseignants bénéficient davantage de promesses , voire d’engagements pour le gouvernement suivant, que de maintien du niveau réel de leur retraite.
François Jarraud
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