Régis Kéréneur, enseignant de mathématiques au lycée Eugène Freyssinet à Saint-Brieuc (22), livre son regard sur les sujets proposés en métropole pour le bac ES et S. Les nouveaux programmes sont aussi analysés par l’enseignant qui y perçoit « davantage de rigueur et d’abstraction ». Avec le retour de la combinatoire et du dénombrement, l’absence de l’étude des nombres complexes dans le programme de spécialité, les changements annoncés seront nombreux pour les lycéens et leurs enseignants. Il note aussi que l’étude des nombres complexes se fera uniquement en maths expertes. Un choix bientôt nécessaire pour accéder aux prépas scientifiques ?
En quoi le sujet de maths au BAC ES était-il original ?
Le sujet de maths du bac ES est composé de quatre exercices. Le premier d’entre eux était un vrai/faux où contrairement aux années précédentes, une justification était attendue. Certains élèves ont pu être déçus mais justifier, argumenter, rédiger c’est ce que leur apprend depuis l’école primaire. Dans le deuxième exercice, l’élève devait utiliser une suite pour résoudre un problème concret issu de l’agriculture. Un exercice guidé, très classique, sans aucune difficulté ni originalité par rapport aux sessions antérieures. Le troisième exercice, à travers trois parties indépendantes, évoquait les probabilités : la loi normale, la loi binomiale et l’intervalle de confiance. Là encore c’est du classique.
Dans le quatrième exercice, plus abstrait, plus complexe, il fallait étudier une fonction. La difficulté principale était l’expression de cette fonction qui rendait les calculs plus compliqués (calculs de dérivation par exemple). Ce qui est original dans ce sujet c’est l’absence d’exercice traitant des probabilités conditionnelles. Cette partie du programme, réputée facile, est uniquement évaluée dans une des questions de l’exercice 1.
Et en série S ? Est-ce un sujet « classique » ?
Le sujet de mathématiques du bac S était également composé de quatre exercices. La longueur du sujet et la variété des notions évaluées ont pu dérouter certains. Dans le premier exercice, il s’agissait d’étudier une fonction puis d’effectuer des calculs d’aires en utilisant le calcul intégral. Dans l’exercice 2, sont évoquées la loi uniforme, la loi normale et les probabilités conditionnelles à travers l’étude d’une suite. Cela reste classique. Dans l’exercice 3, l’habituel vrai/faux avec justification. On commence par les nombres complexes, les fonctions et on termine par un petit algorithme. Pour finir l’exercice 4 aborde la géométrie dans l’espace à travers la section d’un cube par un plan dans la première partie et des calculs dans un repère orthonormé dans une seconde partie.
Quels sont les principaux changements dans les programmes de terminale spé maths ? Quelles sont les nouveautés ?
Le programme s’organise en quatre grandes parties : « Algèbre et géométrie », « Analyse », « Probabilités » et « Algorithmique et programmation » Dans la partie « algèbre et géométrie », on peut noter le retour de la combinatoire et du dénombrement quasiment absents depuis quelques années. On remarque également la disparition des nombres complexes qui seront uniquement étudiés par les élèves qui choisiront l’option « mathématiques expertes »
La partie « analyse » sera largement renforcée par rapport au programme actuel avec des arrivées notables : l’étude des composées de fonctions, de la convexité, des équations différentielles et l’intégration par parties. La partie « analyse » devient donc très consistante.
Dans la partie « probabilité », de grands changements également avec la disparition des lois à densité (loi normale, loi exponentielle, loi uniforme). On étudiera la loi binomiale (actuellement en première) et celle-ci sera complétée par la somme de variables aléatoires, et l’inégalité de Bienaymé-Tchebychev. Encore des nouveautés ! Quant à la dernière partie « algorithmique et programmation », elle ne fera pas l’objet d’un chapitre à proprement parler, mais elle devra être illustrée par les notions étudiées dans les trois parties évoqués plus haut. Le langage « Python » est privilégié et l’algorithmique prend une place considérable dans ce nouveau programme ce qui nécessitera une pratique régulière en classe et à la maison.
On peut remarquer que ce programme est plus complet que l’actuel programme de S. On est bien loin de l’actuel programme de ES. Il s’adresse donc aux élèves qui sont vraiment à l’aise avec les maths.
En quoi les maths expertes diffèrent-elles de la spé maths actuelle ?
Actuellement le programme de spé math actuel se décline autour de deux thèmes : l’arithmétique et les matrices. Bientôt, les nombres complexes viendront s’ajouter à ces deux thèmes. Le volume horaire passe alors de 2h à 3h hebdomadaire. Encore une fois, le programme est ambitieux et il s’adresse aux élèves souhaitant compléter leur culture mathématique. Cette option sera-t-elle obligatoire pour accéder aux prépas scientifiques. ? Celles-ci devraient, espérons le, se prononcer dans les prochains mois.
Les programmes de maths en lycée seront-ils plus exigeants pour les ex-collégiens ?
La première nouveauté en classe de seconde est « le raisonnement logique » : distinguer propriété/propriété réciproque, utilisation de contre-exemple, raisonnement par disjonction des cas, recours à la contraposée, raisonnement par l’absurde… Ces raisonnements sont peu, voire pas utilisés au collège pourraient poser problème de part leur abstraction. Autre nouveauté : l’algorithmique entrevue au collège devra illustrer chacun des chapitres. Une notion également complexe, qui demandera un travail spécifique en groupe par exemple.
En classe de première, l’algorithmique et les raisonnements sont approfondis. Le programme ressemble à l’actuel programme de 1ère S avec un accent mis sur les probabilités et les statistiques. Cette partie sera ensuite prolongée en terminale. En résumé, les maths au lycée demanderont davantage de rigueur et d’abstraction. Les élèves du collège devront faire à de nouvelles exigences et de nouvelles méthodes. Un changement de paradigme et un choc probable pour certains.
Entretien par Julien Cabioch
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