Parmi les 33 pays participant à l’enquête de l’OCDE Talis sur la formation des enseignants, la France est un cas à part. C’est le seul pays où la formation des enseignants ne débute qu’au niveau master. Et on verra que cela a à voir avec les difficultés de l’École française. Le problème n’est pas la nomination des directeurs des Espé, comme l’affirme la loi Blanquer, mais de savoir si la France veut vraiment s’offrir des enseignants formés…
« Parmi les 33 pays et économies dont les données sont disponibles, la plupart des enseignants ont une formation à l’enseignement reposant sur une approche « simultanée » qui octroie aux futurs enseignants un diplôme unique pour des études dont le contenu disciplinaire, la pédagogie et les autres cours relatifs à l’enseignement débutent dès le début de leurs études supérieures. La France fait figure d’exception car ses enseignants obtiennent le plus fréquemment leur diplôme à l’issue d’une formation à l’enseignement reposant sur une approche « consécutive » qui exige que les futurs enseignants suivent deux phases d’études supérieures : une première phase avec un enseignement universitaire axé sur une discipline et une deuxième phase axée sur la pédagogie et les stages pratiques », explique l’OCDE. La France est aussi le pays ayant le plus d’enseignants formés seulement à une discipline (19 contre 10%).
Résultat, les enseignants français sont moins formés à la pédagogie et aux pratiques de classe, assure Talis : seulement 66% d’entre eux contre 79% en moyenne. Et les enseignants français sont aussi parmi ceux qui expriment le plus leur manque de formation pédagogique : 50%. « Il faut noter également qu’en France, seulement 55% des enseignants ont été formés à la gestion des comportements des élèves et de la classe au cours de leur formation initiale, ce qui est nettement en dessous de la moyenne de l’OCDE (72%). Ils sont encore moins nombreux (22%) à se sentir bien ou très bien préparés dans ce domaine à l’issue de leur formation initiale », affirme l’OCDE. Ils sont aussi parmi ceux qui sont le moins suivis dans leurs premières années, un point que la loi Blanquer pourrait améliorer si des crédits sont affectés à cela.
Malheureusement, ce qui suit cette formation initiale insuffisante n’est pas non plus au standard des pays développés. Les enseignants français ont le plus faible taux des 33 pays pour la formation continue. De plus cette formation est moins diversifiée que dans les autres pays.
L’OCDE enfonce le clou en observant la qualité de la formation dans des termes choisis. « La participation à des cours et séminaires en présentiel est l’un des types de formation continue les plus répandus parmi les enseignants au sein de l’OCDE. En France, 50% des enseignants participent à ce type de formation, tandis que 20% des enseignants participent à des formations basées sur l’apprentissage et le coaching entre pairs. Il est intéressant de noter que les enseignants, dans l’ensemble de l’OCDE, déclarent que la formation continue basée sur la collaboration et les approches pédagogiques collaboratives compte parmi le type de formations qu’ils jugent les plus efficaces ».
Un exemple, la formation à l’enseignement des élèves à besoin particulier
Un exemple particulièrement éclairant est donné par Talis à propos de l’enseignement aux élèves « à besoins particuliers ». On sait que depuis 2005, la scolarisation de ces enfants est effective dans le premier degré. Elle l’est maintenant au collège, cible de Talis.
La situation française est parfaitement présentée dans ce graphique proposé par Talis.
En France 40% des enseignants ont des classes comptant au moins 10% d’élèves à besoins particuliers ce qui est supérieur à la moyenne de Talis (27%). La moitié des enseignants déclarent avoir été formés en formation initiale à l’enseignement à ces élèves. Mais seulement 25% se sentent réellement préparés, un taux parmi les plus faibles de Talis. Les enseignants français sont aussi ceux qui ont bénéficié le moins d’une formation continue en ce domaine. Ils sont pourtant parmi ceux qui demandent le plus cette formation. C’est aussi une priorité pour les chefs d’établissement. Mais tout cela semble peu compter aux yeux de l’institution scolaire…
François Jarraud