Comment créer une émulation dans un groupe ? Le tableau effaçable n’a pas dit son dernier mot au lycée Henri Avril de Lamballe (22). Sébastien Lecot, enseignant de SVT et Olivier Le Cocq, professeur de physique-chimie, distribuent régulièrement des tableaux effaçables en cours, notamment lors de la phase de problématisation ou en bilan de chapitre. « Les élèves sont beaucoup plus actifs et productifs avec des tableaux plutôt qu’avec des feuilles ». Représentations initiales, schémas fonctionnels, les usages sont multiples et les productions des lycéens sont parfois intégrées aux cours des enseignants. Autour du tableau, « tous les élèves sont acteurs », constatent-ils, « l’erreur devient nécessaire à la construction des savoirs aux yeux des élèves ».
En quoi consiste votre travail avec les tableaux effaçables posés sur les paillasses ?
Les tableaux effaçables sont utilisés notamment lors d’un travail de groupe. Les élèves sont autour du support et chaque élève peut à tout moment écrire, modifier ou compléter des écrits. Une émulation se crée dans le groupe. Le fait de sortir du contexte traditionnel et d’être en mesure d’effacer facilement ce que l’on écrit, permet aux élèves d’être plus actifs dans leurs apprentissages, d’oser plus.
Nous mettons les élèves dans une position où ils ne sont pas seuls ou à 2 devant une feuille mais à 3 ou 4 devant un tableau. On partage ensuite les productions, on modifie, on complète, on améliore… Dans la plupart des cas, cela permet d’obtenir une réponse complète au problème posé. A la fin de leur travail, les élèves prennent en photo leur production.
Quelles en sont les utilisations pédagogiques possibles dans les disciplines scientifiques ?
Ces tableaux peuvent être utilisés dans une phase de problématisation, de représentation initiale des élèves ou de bilan d’un chapitre, d’une activité. Dans le premier cas, les tableaux permettent de poser les idées, les organiser et éventuellement de construire une carte mentale pour ensuite mettre en œuvre une démarche expérimentale. Pour avoir tester les deux configurations (papier et tableaux), les élèves sont beaucoup plus actifs et productifs avec des tableaux plutôt qu’avec des feuilles. La place de l’erreur prend une autre forme ce qui favorise la prise d’initiative des élèves.
La suite de la séance peut se dérouler de différentes façons :
– on échange les tableaux et chaque groupe, avec une autre couleur de marqueur, corrige ou complète le travail des autres groupes ;
– chaque groupe passe devant la classe pour expliquer leurs réflexions, leurs productions ;
– chaque groupe envoie sa production par mail ou sur un Padlet. On réalise ensuite une production globale pour la classe.
Dans le processus d’apprentissage une phase de modification de la représentation initiale des élèves, en s’appuyant sur leurs connaissances, est indispensable afin que les nouveaux concepts puissent de lier au tissu de connaissances déjà acquis par les élèves. Une des utilisations est par une évaluation diagnostic. Pour une notion, par exemple le modèle de l’atome vu en collège, les élèves utilisent le tableau pour organiser leurs connaissances sur le sujet. Par la suite il passe le tableau à un autre groupe qui peut, en une autre couleur, modifier, compléter, corriger ce qui a été écrit. Ce travail amène les élèves dans une réflexion sur sa représentation du modèle de l’atome, sur le vocabulaire qu’il utilise.
On utilise également cet outil lors de la phase de rappels où les élèves réalisent un schéma de leurs représentations initiales (au début du thème géologie de TS par ex) ou lors d’une activité d’étude de documents. Pour avoir fait le même travail les années précédentes sur feuille, le travail demandé a été de bien meilleure qualité avec les tableaux et les élèves plus impliqués.
Dans les salles de TP, on peut aussi utiliser le revêtement des paillasses si on n’a pas de tableaux pour que les élèves écrivent directement sur les tables avec des marqueurs.
En quoi ces tableaux mobilisent davantage certains élèves lors de la phase de problématisation ?
Le tableau est un outil qui dépasse la frontière des disciplines, c’est bien un outil transversal. Les mettre en situation de travail collaboratif avec possibilité d’échanger facilement, de noter, d’effacer les rend beaucoup plus actifs. Cela change les habitudes des élèves. Ils passent le plus clair de leur temps scolaire devant des documents papiers, des livres et des feuilles. Lors d’un travail sur une feuille, en général un seul élève écrit et les autres lui disent quoi écrire. Le fait de se trouver autour d’un tableau permet d’éviter ce schéma, tous les élèves sont acteurs.
Par ailleurs quand ils sont devant une feuille, ils n’osent pas écrire car ils n’aiment pas les erreurs, les confusions, les corrections dans leurs cahiers. Ils préfèrent attendre la correction pour avoir un cours « propre ». Le fait d’être autour du tableau permet à chaque élève du groupe de s’approprier le contenu Il prend davantage conscience des éventuelles erreurs qu’il a commises. Il n’y a pas de correction par l’enseignant mais davantage un retour sur l’erreur de la part de l’élève. La posture de l’enseignant est modifiée, il est plutôt dans un rôle d’accompagnant et non seulement un rôle de transmetteur de savoir. L’erreur devient nécessaire à la construction des savoirs aux yeux des élèves.
Comment intégrez-vous ces productions dans vos séquences ?
Les tableaux sont pris en photo qui peuvent être soit imprimées soit intégrées dans un padlet par exemple. Les productions peuvent donc être intégrées dans un cours ou servir de support pour une évaluation réalisée par l’enseignant ou les élèves.
Lorsqu’elle est intégrée dans un cours, on s’y réfère en début de cours pour faire le point sur l’avancé des connaissances accumulées et donc sur les notions qui restent à éclaircir et à travailler pour répondre à la problématique globale. Cela permet de continuer à donner du sens aux apprentissages et au contenu disciplinaires. On complète également ces productions au fur et à mesure des découvertes en fonction des nouvelles questions qui peuvent être soulevées.
On les utilise en fin de séquence pour faire le point sur la nouvelle représentation des élèves, sur le bilan d’une activité ou d’un chapitre.
Quelles différences faites-vous entre ces ardoises effaçables et les murs numériques type Padlet en termes d’interactivité ? Vos lycéens travaillent-ils davantage lorsqu’ils ont un crayon en main ?
Le tableau permet l’utilisation du téléphone portable comme support, toujours disponible pour les élèves à l’inverse du padlet où l’on doit se connecter pour y avoir accès. L’utilisation est donc immédiate. Par ailleurs, nous avons remarqué que ce format était moins contraignant à mettre en place qu’un travail collaboratif sur un Padlet. Nous n’avons pas besoin d’une salle avec des ordinateurs. Tous les élèves sont autour du tableau avec, dans l’idéal, chacun un marqueur de couleur différente, alors qu’en version numérique, seul l’élève manipulant l’ordinateur est réellement actif. Cependant, on peut lier les deux formats. Un premier temps de réflexion sur tableau puis, on partage la production sur un mur collaboratif type Padlet. Chaque groupe peut ainsi voir la production des autres groupes et les commenter.
Dernier avantage : on peut utiliser les tableaux aussi bien en groupe à effectif réduit qu’en classe entière.
Entretien par Julien Cabioch
Dans le Café