Le jeu est sur toutes les lèvres. De plus, l’industrie du jeu est en plein essor. À l’exemple de « Discovery Tour » (« Assassin’s Creed ») d’Ubisoft, cette industrie s’intéresse de près au monde de l’éducation. Serait-ce comme le prônent certains le remède miracle pour mettre en scène les apprentissages scolaires. Est-ce vrai ? Que montrent les expériences ? Et y a-t-il des limites au jeu dans l’enseignement ? Ces questions étaient au coeur de la table ronde organisée dans le cadre de la deuxième édition du Ludovia#CH à Yverdon-les-Bains.
Dans une tribune récente publiée sur Public History Weekly, Peter Gautschi posait la question suivante relativement à la place du jeu dans l’enseignement : « Le jeu est-il un remède miracle pour l’enseignement ? » (https://public-history-weekly.degruyter.com/6-2018-37/gamification-cure-public-history/).
En introduction, il notait que désormais le jeu est partout : dans les musées, dans les espaces publics avec Pokemon Go et autres jeux géolocalisés, et maintenant aussi dans les classes et même à l’université. De plus, l’industrie du jeu est en plein essor, appuyée parfois par des investissements publics. Cette tendance est en train de modifier substantiellement l’enseignement de l’histoire, mais aussi des maths, des langues, des sciences tant à l’école qu’en public. Le jeu touche des millions de joueurs dans le monde entier et semble être le remède miracle pour mettre en scène des leçons et des expositions attrayantes.
Récemment également, un article du Monde soulignait à quel point les techniques classiques du jeu (points, classements, niveaux) ont été récupérées par le marketing et le management. Désormais, dans le monde du travail, elles sont désormais pour stimuler la créativité, mais aussi la productivité (« Histoire d’une notion : « gamification », l’instrumentalisation du jeu » : https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/04/03/histoire-d-une-notion-gamification-l-instumentalisation-du-jeu%5C_5444970%5C_3232.html).
Par ailleurs, des termes comme « gamification » ou « ludification » sont régulièrement évoqués. A ce titre, Peter Gautschi notait que la littérature sur la gamification mentionne un certain nombre d’avantages spécifiques qui enrichiraient tous la transmission de l’histoire. Qu’on y joue pour ce qu’ils sont ou qu’on les détourne de leur usage, les jeux permettraient de
- plonger dans un autre monde ;
- susciter des émotions ;
- générer un sens plus profond ;
- offrir des options pour réaliser des actions et exercer un pouvoir créatif ;
- s’amuser et se faire plaisir.
Plus récemment, Margarida Romero et Eric Sanchez présentaient dans le cadre de la dernière édition du #Refer « Les ludomythes, 10 idées fausses sur le jeu et l’apprentissage » (https://docs.google.com/presentation/d/1KmdxdvhLQlr4BPVE19dkCJVmTSSEDdL5O5ET0qYnVC0/edit#slide=id.p1).
Par ailleurs, quelques scandales récents montrent que des questions éthiques se posent : peut-on jouer à tout ? A nouveau Peter Gautschi faisait part d’un débat ayant eu lieu en octobre 2018 au « stARTcamp.ch » d’Aarau (Suisse) portant notamment sur la question de savoir si certains aspects de l’Holocauste pouvaient être « mis en scène » (https://www.startcamp.ch/). Ce débat faisait suite à la présentation d’une application, « Fleeing the Holocaust » (https://holocaustremembrance.blog/2018/09/25/fleeing-the-holocaust-a-learning-app-for-youngsters/), qui recourt à différents éléments issus de la gamification. Certains critiques ont alors clairement affirmé qu’on ne mettait pas en scène l’Holocauste, alors que d’autres ont fait une différence conceptuelle cruciale entre le « jeu » en tant qu’activité orientée vers un but et le « jeu » en tant qu’activité libre et non orientée vers un but. D’autres encore soutenaient que les jeux avec l’Holocauste allaient être produits de toute façon.
Qu’est-ce qui est donc vrai ? Que montrent les différentes expériences menées concernant les jeux et les jeux vidéos plus particulièrement ? Y a-t-il des limites au jeu dans l’enseignement ? En fonction des disciplines ?
C’est sur la base de ces éléments et questions qu’Eric Sanchez (Université de Fribourg), Florence Quinche (HEP Vaud), Jarle Hulaas (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale), Julien Bugmann (Université de Montréal et Hep Vaud), Denise Sutter Widmer (TECFA et HEP Vaud) ont eu l’occasion de discuter et débattre. Vous pouvez retrouver l’intégralité de leur discussion ici :
https://www.pscp.tv/w/1djxXpbmoAXxZ
En complément, je vous invite également à consulter la présentation de mon intervention réalisée aussi à Yverdon-les-Bains et intitulée « Jouer et apprendre l’histoire avec les jeux vidéos ? » (https://hackmd.io/g41p0rPgSmKCJ-8_Q0Qzjg). Mon intervention présentait une typologie des usages en classe d’histoire des jeux vidéo ainsi que quelques éléments sur des résultats de recherches concernant l’utilisation des jeux vidéo en classe. Cette intervention est complétée par une liste de références bibliographiques sur le sujet.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur, Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
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