Comment développer la pratique vocale en groupe ? Quelles sont les nouvelles pratiques pédagogiques permises par les dernières technologies ? Nicolas Le Cunff, enseignant en éducation musicale au collège Morvan Lebesque de Mordelles (35) est « sans cesse à la recherche de solutions pour permettre à mes élèves de manipuler un élément essentiel : le sonore ». Ses élèves « en mouvement » réalisent des défis, comme réfléchir sur ce que serait un film au cinéma sans la musique ou encore reproduire une bande originale en n’utilisant que sa voix et son corps. Avec le collectif #Edmus sur Twitter, Nicolas Le Cunff apprécie « cette volonté de partage, de conseils devenues une véritable émulation ».
Pourquoi avoir choisi d’ouvrir votre classe lors de la CLISE 2019 ?
Je crois qu’il n’y a pas eu un mais plusieurs facteurs qui m’ont encouragé à ouvrir ma classe. Tout d’abord, cela fait plusieurs années que j’étudie, j’observe, je vois sur les réseaux sociaux, des exemples de classes inversées, des nouvelles modalités d’enseignement, mais aussi tout ce qui touche à l’aménagement de l’espace, des espaces. Je pioche ce qui m’intéresse, ce qui pourra apporter une plus-value dans mes cours. Je suis sans cesse à la recherche de solutions pour permettre à mes élèves de manipuler un élément essentiel pour nous, enseignants d’éducation musicale, le sonore. Il faut maintenant partager.
J’ai participé également à plusieurs journées autour de la classe inversée en animant des ateliers avec mon collègue d’éducation musicale Logann Vince, mais je voulais aussi montrer que cela marchait au quotidien dans nos classes. Comme je le disais dans le premier point, la volonté de partager est aussi importante localement. J’ai la chance d’être dans un établissement ou les portes se sont beaucoup ouvertes pour cette CLISE et ce, dans les différentes disciplines. Cela permet de découvrir des modalités pédagogiques dont on peut s’inspirer et que l’on peut transposer dans notre discipline.
Enfin, une raison moins avouable. Ouvrir à tous les collègues, un cours d’éducation musicale pour en saisir les objectifs, pour montrer que notre discipline a beaucoup évoluée et qu’elle évolue tous les jours, casser les clichés.
Quels sont les défis proposés à vos élèves au cours de l’année ? Pour quels objectifs ?
Perception et production sont les maitres mots de notre discipline. Il faut cependant savoir donner du sens à nos enseignements. Les défis sont reliés à une problématique qui va prendre en compte ces deux entrées. Ils peuvent être déclinés en plusieurs axes de travail. Des travaux d’écoute en autonomie, des activités de création musicale sur tablette, de la pratique vocale en groupe, des activités instrumentales, des émissions de radio, la réalisation de vidéos. Cela permet d’aider l’élève à être autonome, à choisir son parcours, tout en différenciant et accompagnant différemment. Il est plus facile de chanter avec un groupe de quelques élèves, de les conseiller, même si je ne m’interdis pas, naturellement, les phases collectives.
Voici des exemples de défis liées par une problématique autour du cinéma et du rapport entre la musique et l’image : que serait l’image sans la musique ? Comment refaire la bande son d’un film en n’utilisant que sa voix et son corps ? Ou dans un autre genre, le défi de la bande originale qui consiste à interpréter une bande originale de film (vocal).
Quels liens mettez-vous en place avec les autres disciplines ?
Les liaisons sont nombreuses avec les autres disciplines, comme par exemple avec les sciences physiques pour le travail sur le son, la SVT pour les risques auditifs, les mathématiques pour un travail autour de l’algorithme mais aussi en français, en histoire-géographie. C’est important de pouvoir décloisonner, de trouver des liens, des passerelles.
Comment s’organise votre classe ? Quel matériel utilisent vos collégiens ?
Les élèves fonctionnent en groupe de 4 en général avec des petits défis à réaliser. À leur disposition, des tablettes, des casques, un système de diffusion de type NAS (Network Attached Storage) pour pouvoir écouter des œuvres, des vidéos en fonction des groupes, des défis. La tablette sert de diffuseur, d’enregistreur, d’outils pour créer, pour noter. J’utilise de plus en plus des documents papiers listant les tâches à réaliser sur lesquelles les élèves notent leur avancée et que je récupère à chaque fin de séance. C’est important de revenir entre chaque séance sur les travaux réalisés, les réussites, les erreurs pour ensuite leur proposer des pistes de travail pour le cours suivant. Je projette également durant le cours, des tableaux indiquant l’avancée des travaux, les éléments déjà évalués. La notion de feedback est importante.
La notion d’aménagement de l’espace est également cruciale quand on manipule le sonore. Se pose la question de groupes qui écoutent, pendant que d’autres échangent, créent et d’autres chantent. J’essaie d’exploiter au maximum l’espace classe et également les alentours. Les élèves sont donc souvent en mouvement.
Cela me permet de tourner entre les groupes, d’aider des élèves, de reformuler des consignes, de travailler la pratique vocale avec un ou plusieurs groupes. C’est finalement un peu à la carte.
En quoi les échanges que vous avez sur Twitter sont-ils profitables pour votre pratique pédagogique ?
Imaginez une salle des profs avec des dizaines de profs d’éducation musicale qui vous conseillent, vous soutiennent, vous proposent des solutions. C’est ça Twitter. Mais cela ne s’arrête pas là. C’est aussi découvrir et partager avec des professeurs de toute discipline, des professionnels, des chercheurs. On est souvent seul, en tant que professeur d’éducation musicale, dans un établissement. Le collectif #Edmus est né sur twitter avec cette volonté de partage, de conseils, une véritable émulation. Nous nous retrouvons d’ailleurs tous les ans pour un rendez-vous qui s’appelle Edmusconnect et qui réunit des collègues d’éducation musicale mais aussi d’autres disciplines
Propos recueillis par Julien Cabioch
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