Et si chaque établissement lançait sa radio ? L’ambition parait folle. Elle est pourtant simplifiée par les techniques d’enregistrement et de diffusion numériques. Elle parait aussi justifiée tant le média semble avoir la faculté de développer bien des compétences, disciplinaires et transversales. Jusqu’à forger le si précieux sentiment d’appartenance à une communauté d’apprentissage et de vie pour créer identité et dynamique d’établissement. C’est l’exemple que donne le collège Camille Vallaux au Relecq-Kehuon dans le Finistère. Elèves et enseignant.es réalisent des émissions diverses pour « La Voix de Camille », une Wikiradio déployée en lien avec le projet académique de Living Lab Interactik. Explications de Katell Laurelli, professeure d’anglais, Claire Quéré, professeure-documentaliste, et Dominique Weinling, principale …
Le collège Camille Vallaux participe au projet académique de Wikiradio Toutatice : comment vous intégrez-vous à ce projet ?
Nous avons intégré le projet en octobre 2017. Nous avons reçu un studio d’enregistrement et obtenu un canal de diffusion partagé avec 5 autres établissements. Des formations ont été mises en place pour les personnels intéressés par le projet (une douzaine de professeurs) et nous avons réalisé nos premières productions. Nous avons élaboré assez rapidement une grille de programmation afin de rendre le projet plus lisible et d’offrir des rendez-vous réguliers aux auditeurs.
Que trouve-t-on d’ores et déjà comme émissions diffusées en ligne par votre collège ?
Voici quelques exemples d’émissions produites durant l’année 2017-2018 : « Lectures à plusieurs voix », « Coups de cœur littéraires », « La tranche surprise » (ex : le festival du film britannique, le projet Wilson…), « Langues d’ici et d’ailleurs », « Illustres personnages », « Chronique des ateliers du midi », « Interviews métiers ».
Pour cette nouvelle année 2018-2019, le fait d’avoir un canal qui nous est propre depuis le mois d’octobre nous a conduit à créer une grille musicale en plus de la grille de programmation des émissions afin d’avoir une diffusion en continu. Cela a nécessité du temps et a retardé le travail de création et de diffusion d’émissions. Les émissions en place cette année sont les suivantes : « Coups de cœur littéraires », « Chronique des ateliers du midi », « Interviews métiers », « La mini-entreprise » (en 4ème), « La tranche surprise » (productions ponctuelles comme des critiques de films, l’Arche de Noé…), un épisode en anglais sur la déconstruction des genres réalisé par les élèves de 3ème section européenne et diffusé lors du festival Longueurs d’ondes à Brest.
Nous allons créer une émission « Un bruit qui court » avec divers épisodes : des cartes postales sonores dans la ville du Relecq-Kerhuon (6ème), des chroniques sur les risques auditifs (4ème). Nous avons également en projet une émission sur l’éco-durabilité avec diverses productions : travail autour de l’eau (5ème), travail sur le composteur, projet éco-pâturage…
La plupart des émissions sont effectuées dans le cadre de la classe et sont en lien direct avec les apprentissages. Seules les émissions « coups de cœurs littéraires » et « chroniques des ateliers du midi » sont effectuées en dehors de la classe.
Comment se prépare une émission ?
Il y a plusieurs cas de figure…Dans un 1er cas de figure, on part d’entrée de jeu pour une émission de radio (exemple : les cartes postales sonores sur Kerhuon avec les 6èmes). On programme plusieurs séances et on commence par présenter le projet aux élèves et faire au moins une séance d’écoute. Ensuite les élèves forment les groupes par affinités et se répartissent les sujets, soit définis à l’avance selon le sujet (exemple : le projet Wilson), soit selon l’inspiration des élèves (exemple : une interview de professionnels dans le cadre du parcours Avenir). Ensuite les élèves se chargent des enregistrements, sur leur temps libre en général, parfois dans le cadre de déplacement de la classe, surtout pour les SEGPA. Le montage est aussi en général effectué par les élèves sur Audacity, chez eux ou au collège selon l’expertise des élèves. Ceux qui ne connaissent pas bien le logiciel viennent au CDI et je leur explique comment faire. Puis nous nous chargeons de la programmation. Il arrive aussi que l’enregistrement se fasse dans les conditions du direct, les élèves se succédant autour des micros du studio, que nous avons rendu mobile en l’installant sur un chariot (exemple : les chroniques cinéma).
Dans une 2nde configuration, nous partons d’un travail déjà effectué pour l’adapter à la radio. Les élèves ont déjà travaillé le sujet et doivent préparer un enregistrement pour présenter leur travail. Dans ce cas, les groupes se recomposent à l’identique et mettent au point rapidement leur intervention avant de s’enregistrer dans le cadre du cours. Soit les groupes se répartissent dans les salles disponibles avec chacun un enregistreur, soit ils se succèdent autour des micros. Ensuite les enregistrements sont récupérés et montés par le professeur ou par Mme Quéré avant d’être programmés par nous-mêmes sur la webradio.
Techniquement, une webradio peut faire peur aux collègues : de quel matériel disposez-vous ? l’enregistrement, le montage, la diffusion présentent-elles des difficultés particulières ?
Afin de démontrer aux collègues qu’il est possible de produire aisément une émission sans matériel complexe, nous avons acquis des enregistreurs simples à utiliser mais de très bonne qualité. La plupart de nos productions radios sont réalisées avec un enregistreur. Si l’enseignant ne souhaite pas effectuer le montage, Mme Quéré s’en charge. La diffusion est toujours assurée par l’une de nous, Mme Quéré ou Mme Weinling.
Katell, vous enseignez l’anglais au collège Camille Vallaux : comment vous êtes-vous emparée des possibilités de la wikiradio ?
En 2017-2018, avec d’autres professeurs, je me suis inscrite aux formations proposées tout au long de l’année et j’ai lancé deux projets pour m’en emparer dès l’année en cours. En tant que professeur principale de 6ème, j’ai demandé à mes élèves de créer des capsules sonores pour présenter les différents métiers du collège. Et avec un de mes collègues d’histoire – Jean-Jacques Grall, conseiller relais au service historique de la Défense -, nous avons animé un atelier sur le thème de la présence américaine à Brest pendant la Première Guerre Mondiale : le Projet Wilson. Nos élèves ont écrit et enregistré 5 chroniques après avoir découvert le travail de Jean Lebrun sur France Inter.
Cette année, j’ai décidé de travailler avec ma collègue d’éducation musicale, Sabine Heuré, et ma classe de section européenne autour de la déconstruction des stéréotypes de genre. Anne-Claire Lainé, déléguée générale du Festival Longueur d’Ondes, s’est montrée intéressée par notre projet dès sa genèse. Une après-midi du Festival pour les scolaires était consacré à ce thème sous le titre « La mixité sex’prime ». Elle nous a permis de présenter notre travail dans ce cadre et de rencontrer d’autres élèves ayant travaillé sur ce thème ainsi que la documentariste Charlotte Bienaimé. Après avoir découvert des vidéos d’actualité, des archives, des publicités, des articles et des chansons en anglais sur les stéréotypes de genre, les élèves ont découvert le travail de Rebecca Manzoni sur France Inter. Ils ont ensuite sélectionné une chanson, le plus souvent en anglais, et écrit puis enregistré une chronique. Elles ont toutes été diffusées sur notre radio : « la voix de Camille » et trois d’entre elles ont été diffusées dans le cadre du Festival. Nous avons aussi travaillé sur le débat avec les animatrices de la radio Oufipo puisque nous avions décidé d’animer une table ronde lors du Festival. Le thème de la table ronde était : l’avenir du féminisme est-il aux mains des hommes ? Ce débat a permis de riches échanges avec le public.
Par ailleurs, avec un de mes collègues professeur des écoles spécialisé en enseignement adapté, Frédéric Baudet, nous réalisons en heure de vie de classe des cartes postales sonores avec nos deux classes. Les élèves présentent des lieux de leur ville sous forme de cartes postales sonores. Ce travail nous permet de travailler l’inclusion au sein du collège mais aussi l’inclusion de notre collège dans son territoire. Nous allons présenter une partie de notre travail au maire du la ville courant mars et enregistrerons ses échanges avec les élèves pour réaliser avec eux un habillage de ce travail.
Comment, Katell, percevez-vous l’intérêt de cet outil ?
La wikiradio est un support qui m’a permis d’apporter une nouvelle dimension à la pédagogie de projets : découvrir et construire une émission de radio apporte une finalité au travail mené. Le scénario pédagogique est moins fictif que d’habitude puisque la restitution du travail est partagée largement. Les enfants comprennent mieux les exigences et la nécessité de travailler avec créativité mais aussi soin et précision. Je m’en suis emparée aussi comme moyen de sortir de ma classe et de ma matière pour travailler avec d’autres collègues dans d’autres cadres. Avant d’être professeur d’anglais, je suis professeur ! Donner du sens aux enseignements nous importe à tous. »
Et selon vous, Claire et Dominique, quels sont les intérêts pour les élèves d’une webradio scolaire?
Le travail mené favorise le développement de compétences : expression orale et écrite, prise de parole en public, travail en groupe, créativité, éducation aux médias, autonomie. Il s’inscrit dans le parcours citoyen d’élève. Il permet de diversifier les pratiques pédagogiques et de mobiliser les élèves.
Et pour l’ensemble de la communauté éducative ?
Le projet de Wikiradio développe un sentiment d’appartenance à une entité. Il valorise le collège et les élèves : par exemple ils participent au festival « Longueurs d’ondes » à Brest en réalisant une émission en direct sur la déconstruction du genre.
Quelles sont vos perspectives de développement ou d’amélioration du projet ?
Nous souhaitons favoriser l’engagement d’un nombre plus important d’enseignants, ce qui étoffera la grille de programmation. Mais aussi travailler davantage sur le feedback, créer des playlists (playlists d’élèves, playlists d’enseignants), réaliser des émissions en différé dans le studio avec des intervenants extérieurs, réaliser des émissions en direct.
Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut
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