Comment permettre à l’élève de personnaliser son parcours d’apprentissage ? Julien Aubin, professeur de physique-chimie au collège Théophile Briant de Tinténiac (35) a inversé ses classes. Echangeant régulièrement avec des collègues, il évalue de multiples façons ses élèves. Julien Aubin insiste : « il est important que la tâche finale soit motivante, cela améliore l’engagement des élèves dans le parcours proposé ».
Comment fonctionne votre classe inversée en sciences-physiques ?
La classe inversée telle que je la pratique fonctionne sur l’utilisation d’un plan de travail (ou fiche parcours), commun à l’ensemble de la classe, mais adaptable à chacun. Les objectifs sont clairement annoncés, à l’élève de s’organiser pour finaliser son parcours d’apprentissage dans le temps imparti. L’idée est notamment de permettre à chacun de travailler à son rythme.
Toutes les activités, expérimentales ou non, et les exercices sont faits en classe. Les apports théoriques se font principalement par l’intermédiaire de documents ou de capsules vidéo. Ces capsules vidéo peuvent être visionnées en classe comme à la maison.
La salle de classe est mise à la disposition des élèves. Dès le début du parcours, toutes les ressources papier ainsi que le matériel de laboratoire sont prêts et accessibles sur de grandes étagères spécialement aménagées au fond de la classe. Les élèves sont libres de se déplacer, d’utiliser le matériel, de discuter et d’échanger avec leurs camarades. Ils peuvent travailler seul ou en groupe, dans la salle de classe ou en dehors (le couloir ou encore le laboratoire peuvent se transformer en espace de travail « calme » ou en studio d’enregistrement).
Une fiche « expert » complétée par les élèves et disponible dans la classe permet de suivre l’avancement de chacun dans le plan de travail. Elle permet aussi et surtout à un élève d’identifier en dehors de l’enseignant la personne capable de l’aider à surmonter la difficulté rencontrée.
Du point de vue de l’élève, c’est l’occasion de développer l’autonomie, la coopération et de permettre de différencier le parcours d’apprentissage de chacun. Du point de vue de l’enseignant, cela permet de changer de posture et de consacrer un maximum de temps à guider, accompagner et remédier aux difficultés de chacun.
Que contiennent vos plans de travail destinés aux élèves ?
Le plan de travail est construit de manière à ce que l’élève entrevoit d’emblée quel sera le but de la séquence et les moyens d’y parvenir. Il est un outil permettant à l’élève de bien comprendre ce que l’on attend de lui et d’organiser son travail de manière à atteindre les objectifs d’apprentissage annoncés.
Au recto, se trouve le plan de travail à proprement parlé qui présente les 3 à 4 objectifs à atteindre au cours de la séquence. Pour chaque objectif, l’élève doit réaliser différentes activités qui l’amènent à construire ou compléter un bilan (l’essentiel à retenir). Les objectifs peuvent être travaillés dans un ordre imposé par la séquence ou, lorsque c’est possible, dans un ordre choisi par l’élève.
Il y a un objectif commun à tous les plans de travail : « apprendre à apprendre ». Il permet de donner des outils et des méthodes pour apprendre efficacement. Ainsi, pour chaque parcours, et pour bien préparer l’évaluation à venir, l’élève peut faire une évaluation blanche, créer des cartes mémoires sur Quizlet, défier ses camarades sur Kahoot, faire une carte mentale…
Une fois tous les objectifs validés, l’élève peut se lancer dans la tâche finale. Bien souvent, cette tâche finale correspond à une tâche complexe au cours de laquelle l’élève devra être capable de coopérer et d’utiliser les compétences travaillées au cours de la séquence. Même si cela n’est pas toujours facile, il est important que cette tâche finale soit motivante, cela améliore l’engagement des élèves dans le parcours proposé.
Au verso, la fiche parcours contient un tableau listant les connaissances et les savoir-faire liés à la séquence. Ces informations sont là pour exposer clairement à l’élève ce sur quoi il sera évalué. Enfin, l’élève dispose d’un espace pour réaliser une carte mentale.
Quels usages faites-vous de Padlet ?
Padlet est un formidable outil pour mettre à disposition des ressources. A chaque plan de travail correspond un padlet regroupant toutes les ressources nécessaires pour mener à bien le parcours d’apprentissage. Les élèves y accèdent très facilement à l’aide d’un QR code présent sur la fiche parcours ou d’un lien disponible sur leur espace personnel. Dommage que ce service soit devenu payant !
En quoi la conférence d’Alan Coughlin a-t-elle été stimulatrice pour votre pratique professionnelle ?
J’ai rencontré Alan l’année précédant le changement de programme. J’avais commencé à réfléchir, j’avais déjà des envies de changement. Je sentais bien que quelque chose n’allait pas dans ma façon de faire, ou en tout cas, cela ne me convenait plus et il me paraissait de plus en plus évident que l’on pouvait faire autrement. Mais je ne savais pas par où commencer ni comment m’y prendre exactement. Je n’avais jamais entendu parler de classe inversée, encore moins de classe accompagnée.
La vue de ce Tedx a été comme une sorte de « révélation », un déclencheur. Il a apporté des réponses à des questions que je me posais à ce moment de ma carrière. J’ai tout de suite compris que c’était comme cela que je voulais travailler et l’été qui a suivi, grâce aux ressources qu’Alan avait mises à disposition sur son site, je me suis mis à imaginer des plans de travail pour mes élèves de 6ème. La difficulté a été d’adapter cette pratique à l’enseignement des sciences physiques, notamment en raison de la nécessité de prévoir des activités expérimentales ce qui, avec des classes de 30 élèves de 6ème en autonomie, peut se révéler compliqué…
Cela a aussi été un formidable déclencheur dans le sens où, de fil en aiguilles, j’ai pu rentrer en contact avec un réseau d’échange et de partage très riche. D’abord par l’intermédiaire d’un forum de professeur de sciences physiques sur lequel j’avais posté un message sur la classe accompagnée pour partager mon expérience et me mettre en contact avec des enseignants réfléchissant aux mêmes problématiques. Au fil des discussions de ce post, j’ai été amené à échanger avec des enseignants comme Dania Baayoun et Romain Bourdel à qui je dois d’avoir découvert twitter et la #teamphyscollege, petit frère de la fameuse #teamphys ! Ce réseau très actif est une mine d’or et les échanges qui s’y déroulent sont une vraie source de questionnement, d’inspiration et d’évolution. Pour un enseignant de sciences physiques comme moi, seul en poste fixe dans son collège, twitter et ses réseaux offrent des possibilités d’échanges particulièrement intéressantes. Pour un enseignant qui souhaite se lancer dans la classe inversée, ce type de réseau peut permettre de gagner énormément de temps car les collègues y partagent volontiers de nombreuses ressources.
Comment évaluez-vous au quotidien vos élèves ?
En dehors des évaluations « classiques » de fin de séquence, cette façon de travailler permet d’évaluer régulièrement le travail des élèves. En effet, l’enseignant, libéré de sa fonction de « détenteur du savoir », peut alors passer son temps non plus en face mais au milieu de ses élèves. J’ai donc la possibilité de les voir évoluer, se questionner, échanger, coopérer…et je suis régulièrement sollicité pour évaluer leurs travaux. Je peux ainsi prendre le temps de remédier aux difficultés rencontrées par un ou plusieurs élèves au moment où ils en ont le plus besoin.
L’évaluation se fait aussi par les pairs. Un élève repéré comme « expert » peut aider ou simplement contrôler le travail d’un autre élève. Ce système est bénéfique pour les 2 parties.
Enfin, l’évaluation au quotidien se fait aussi en utilisant l’autoévaluation. Pour les activités de type documentaires, des corrections sont disponibles dans la classe ou sur le padlet de la séquence. Cette pratique est toutefois à manier avec précautions car elle peut casser la dynamique d’entraide et de validation par les pairs. L’autre possibilité consiste à utiliser des applications permettant un feedback immédiat comme learningapps, edpuzzle, quizlet ou encore Kahoot.
Propos recueillis par Julien Cabioch
Discussion autour de la classe accompagnée
Exemples de séquence en classe accompagnée :
Dans le Café
Eric Millour et Corentin Garrault : La classe inversée en duo au collège
François Jore : La pédagogie inversée en EMC
CLICx 2017 : La classe inversée pour gagner du temps ?
Pascal Bellanca-Penel : Pourquoi la classe inversée en physique-chimie ?