« Tous dans la bienveillance », tel est le projet porté par Laëtitia Rouchet, directrice et enseignante de la classe unique de l’école maternelle Cours de Monségur en Gironde dans l’académie de Bordeaux. L’idée est simple, harmoniser les pratiques des différents référents de l’enfant : enseignants, personnel communal mais aussi, et c’est là la nouveauté, famille. Construire ensemble des codes communs pour permettre une communication non violente et un apprentissage effectif de la bienveillance. Dans l’année, trois journées de partage d’expériences, d’échanges de compétences entre parents, enseignants – l’école du RPI participe aussi au projet – et personnels communaux autour de Sophie Marie accompagnante à « la parentalité bienveillante » et « la communication non violente ». « Lors de ces journées nous allons analyser, prendre conscience, entrer en scène et actionner dans l’optique de faire évoluer notre regard sur l’enfant et d’avoir, enfin, des pratiques cohérentes » explique Laëtitia.
Laëtitia Rouchet, 38 ans est professeure des écoles et maître formatrice. Journaliste pendant dix ans, elle décide de devenir enseignante après un reportage dans une école de Fort de France, en Martinique. Elle enseigne huit ans en éducation prioritaire dans le département d’outremer avant de s’installer dans un petit village du sud-ouest. Plutôt spécialiste des cycles deux et trois, elle se retrouve en classe unique de maternelle en zone rurale. « Tous les matins depuis maintenant onze ans, je me lève avec une envie incommensurable de faire bouger les choses. Ma plus grosse récompense c’est de voir les enfants arriver à l’école avec plaisir », nous explique-t-elle. Le projet porté par cette jeune enseignante est clair et ambitieux « fédérer autour d’un objectif commun : le bien-être des enfants. Tenter de générer une prise de conscience, vivre des temps communs, s’approprier des outils concrets pour faire face aux tempêtes émotionnelles des enfants, mais aussi faire évoluer le regard sur l’enfant pour lui permettre de s’épanouir ».
Construire ensemble un cadre apaisé pour l’apprentissage de la bienveillance
A la base du projet, des petites choses qui interpellent Laëtitia. Lors des temps d’accueil, certains enfants malmenés par leurs parents qui perdent vite patience, fatigués mais aussi angoissés par la scolarité de leur enfant. Des questionnements aussi, lors des conseils d’écoles, sur des attitudes du personnel. Et puis, un constat unanime, la communauté éducative, qui se compose des enseignants, des parents et des agents territoriaux, ne se retrouve que très rarement. Comment construire, alors, un projet commun ? Des références communes pour les enfants ? Et puis, une simple remarque d’une maman qui faisait un remplacement en tant qu’ATSEM dans la classe, « Mais pourquoi tu n’expliquerais pas comment tu t’y prends avec un enfant en colère ? Les parents ne savent pas tout ça et s’ils en savaient plus, je suis sûre qu’ils prendraient le relais. Moi, depuis que j’ai travaillé ici, mes relations avec mes filles se sont améliorées ». L’idée germe. Trouver le moyen de réunir, sur un temps commun, tous les acteurs de la vie de l’enfant-élève autour de ces questions.
Laëtitia contacte Sophie Marie, accompagnante à la parentalité, spécialiste de ces notions et de l’éducation à la bienveillance. Ensemble, elles ébauchent le projet. Trois journées de formations mais aussi une rubrique dans le journal de l’école qui se nomme « Arts de vivre » et dans lequel les élèves du RPI, du cycle un au trois, publieront « les trucs et astuces utilisés en classe pour rassurer, apaiser et vivre ensemble sereinement ». Et pour clôturer l’année scolaire, une journée de la bienveillance, « c’est une kermesse mais un peu différente car tournée vers la bienveillance : les enfants tiendront des ateliers, les parents partageront des jeux avec leurs enfants, il y aura divers ateliers montrant ce que nous avons fait en classe durant l’année : automassage, messages clairs, yoga des petits… »
Un projet ambitieux pour lequel il faut trouver des financements
« Le projet a été accueilli avec enthousiasme par l’inspecteur de circonscription, par le pôle académique maternelle mais il n’entrait pas dans les cases. En effet, il s’agit de temps de concertation et d’actions partagés entre parents, personnel municipal et enseignants. De tels temps de concertations n’existent pas ». Mais cela n’arrête pas l’équipe éducative de cette école à classe unique. Le financement, elle le cherchera ailleurs car un tel projet a un coût.
Alors, Laëtitia frappe à toutes les portes pour financer les trois journées d’intervention de la spécialiste, pour financer la kermesse mais aussi la rubrique du journal. Elle fait ses calculs, il leur faut 1146 euros. Qu’à cela ne tienne ! Elle dépose le projet sur la plateforme de financement collaborative « la trousse à projet ». Et là, bingo ! En deux semaines seulement les fonds sont levés. Parents, collègues, anciens collègues, famille et même inspecteurs participent.
Aujourd’hui, l’équipe prépare la première journée de rencontre avec l’intervenante mais déjà, Laëtitia fait un constat positif autour de l’action « Le fait même d’avoir diffusé le projet sur la plateforme a généré une émulation au sein de la communauté éducative. Tout le travail de recherches de financement et de montage du projet nous a fédéré ».
Lilia Ben Hamouda