L’Ecole coûte cher ? « 155 milliards d’euros consacrés à l’éducation », annonce une nouvelle Note de la Depp qui met ainsi en avant une dépense très importante pour l’éducation. Mais à qui vont ces fonds ? Comment évolue cette dépense ? Qui paye ? Dépensons nous plus ou moins que les autres pays pour l’éducation ? Et même dépensons-nous assez ? Eclairages…
Inversion de tendance sous Hollande
Estimée par la Depp, la division des études du ministère de l’éducation nationale, la dépense intérieure d’éducation (DIE) s’est montée à 155 milliards d’euros en 2017. Cette somme comprend les budgets de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Mais aussi toutes les dépenses faites par des collectivités locales, des entreprises, les ménages en lien avec l’éducation. Elle représente donc l’investissement du pays, et pas seulement de l’Etat, pour l’éducation. Là dedans le premier degré compte pour 29%, le second pour 39, le supérieur pour 20% et il reste encore 12% pour tout ce qui est extra scolaire, y compris l’apprentissage.
La particularité de cette DIE c’est qu’elle est en croissance douce depuis le changement de siècle avec une période exceptionnelle : les années 2010-2012 où elle baisse alors que L Chatel est aux commandes de l’éducation nationale avec le ministre actuel. A partir de 2013 on voit la dépense monter et c’est particulièrement net quand on regarde la dépense par élève.
La dépense pour le primaire connait une croissance rapide entre 2012 et 2017. La hausse du collège est moins prononcée mais bien réelle à partir de 2015 et le lycée augmente plus tardivement. Il faut aussi intégrer à ces courbes la forte croissance démographique que connait l’enseignement scolaire sur ces années.
Qui paye ?
L’autre grand enseignement c’est que cet effort se fait alors que la part de l’Etat diminue. En 2007, il apportait 59% des dépenses (62% en 2006).Dix ans plus tard il n’apporte plus que 57% des dépenses. L’Etat s’est défaussé sur les collectivités locales d’une partie des dépenses : leur part augmente. Parmi elles les communes dépensent autant que départements et régions réunis. Seules ces dernières ont fourni un effort constant notamment pour investir face à la croissance démographique. Les dépenses des départements et des communes diminuent , notamment en investissements. La part des ménages s’est maintenue sur la décennie 2007-2017. Mais cette situation pourrait rapidement changer. Par exemple on voit mal comment les familles pourront échapper à l’achat des manuels scolaires dans les années à venir.
Dépense t-on plus que les autres ?
Pour avoir la réponse il faut quitter la note de la Depp et consulter ce que dit l’OCDE. La part du PIB consacrée aux dépenses publiques d’éducation est au dessus de la moyenne de l’OCDE (4.8% contre 4.4%). Mais comme les dépenses privées sont plus faible, globalement on se retrouve dans la moyenne de l’OCDE avec 5.3% du PIB.
Par rapport aux autres pays de l’OCDE, la France dépense moins que la moyenne pour le primaire (7 400 $ par élève contre 8 700), à peu près autant pour le collège (10 300 contre 10 200 $) et davantage pour le lycée (13 900 contre 10 100 $). Plus que la nécessité de revoir le bac on a probablement là la vraie raison de la réforme du lycée annoncée pour 2018…
Si 90% du budget de l’Education nationale consiste en dépenses de personnel, peut-on dire que celles ci sont trop élevées ? On sait que les salaires des enseignants français sont inférieurs à la moyenne de l’OCDE. Selon Regards sur l’Education, le salaire annuel d’un professeur des écoles est en moyenne de 32 258$ en début de carrière dans l’OCDE contre 29 516 en FRance. Au bout de 15 ans de carrière l’écart s emaintient : 41 884 contre 35963. C’est la même chose au collège : 33948 en début de carrière contre 31003 et 46780 au bout de 15 ans contre 37450. L’écart persiste aussi au lycée. 19 pays de l’OCDE (sur 37) versent des salaires enseignants plus élevés qu’en France. Un professeur de collège en Allemagne démarre à 63 555$ , aux Etats-Unis à 39 707$. Inversement en Angleterre, la privatisation et la mise en concurrence des écoles et établissements se sont traduites par un effondrement des salaires enseignants : 28 011 $ en début de carrière au collège. Ramené par élève, le cout salarial de l’enseignement français est parmi les plus faibles, tant nos classes sont chargées. Un enseignant coute en moyenne 2936$ par élève dans l’OCDE contre seulement 1827$ en France dans le premier degré. Au collège c’est 3604 et 2615. Pourtant le temps d’enseignement est parmi les plus longs. Les professeurs français gagnent moins pour travailler plus !
A t-on assez investi ?
Cette situation est déjà l’indice que l’on n’a pas assez investi dans l’éducation. Regards sur l’éducation, une publication OCDE, a pu montrer que la variation des dépenses publiques d’éducation depuis 2010 est restée plus modeste que dans beaucoup de pays de l’OCDE. L’augmentation de la dépense d’éducation a été plus faible que celle des dépenses publiques en général. Alors que les premiers tour de vis sont donnés par l’Etat à son budget éducation, la France apparait bien comme un pays qui n’investit pas assez dans l’éducation.
François Jarraud