En visite à Ludovia le 21 août, le ministre de l’éducation nationale devrait faire plusieurs annonces portant sur le numérique, un domaine bien délaissé depuis l’arrivée de JM Blanquer au ministère. Le ministre pourrait annoncer la nomination d’un délégué à la protection des données pour les deux ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Il pourrait aussi mettre en avant l’enseignement de l’informatique au lycée. Les acteurs du numérique éducatif présents à Ludovia attendent une relance du plan numérique en panne depuis 2017.
Le plan numérique à l’arrêt
Qu’est devenu le grand plan numérique ? Lancé en 2015 par F Hollande il promettait des équipements individuels mobiles pour tous les collégiens pour la rentrée 2018 et une formation de tous les enseignants. Le taux de 50% de collégiens devait être atteint pour la rentrée 2017. Et d’importants moyens de formation des enseignants étaient promis. Où en est-on ? Interrogé par la commission de la culture et de l’éducation de l’Assemblée en mars 2018, le directeur du numérique éducatif de l’époque était incapable de le dire. Seule certitude, la loi de finances de 2018 avait sabré le plan. Et les objectifs fixés pour 2017 et 2018 ne sont pas atteints.
En mars 2018, devant la même commission, les éditeurs scolaires faisaient part de leur déception. « Ca ne prend pas », affirmait S Marcé, présidente de l’association des éditeurs scolaire. Elle mentionnait la faible fréquentation des services numériques , comme la Banque de ressources, mise en place sous le gouvernement précédent. « Tous les plans ont souffert des injonctions des ministres ou des collectivités territoriales », expliquait S Marcé. « Il faudrait partir des besoins des enseignants ». En mars 2018 le président de l’Afinef, l’association des entreprises du numérique éducatif, évoquait « le manque de vision » du ministère sur le numérique.
Un domaine délaissé par le ministre
En juin 2018, c’est du Sénat qu’est venu un nouvel appel à un plan numérique. C Morin Desailly , présidente de la Commission de l’éducation du Sénat, publie le 26 juin un rapport qui demande que la formation au numérique devienne grande cause nationale et la création d’un capes numérique.
Depuis son arrivée au ministère de l’éducation nationale, JM Blanquer a montré peu d’intérêt pour le numérique. Celui-ci lui est apparu d’abord comme un problème avec l’affaire de la protection des données des élèves vis à vis des entreprises des GAFAM (Google Apple Facebook Amazon Microsoft). Le ministre a mis du temps pour changer le directeur du numérique éducatif, opération faite seulement en 2018.
Il a aussi annoncé dans le cadre de la réforme du lycée l’entrée d’un nouvel enseignement de « sciences numériques » , autrement dit de l’informatique, à hauteur d’une heure par semaine en seconde, suivi d’une spécialité en première et terminale « Numérique et sciences informatiques » (4 heures) en série générale.
Enfin son soutien à la loi sur l’interdiction des portables à l’école , même avec la rhétorique sur le « discernement » par rapport au numérique, l’a rangé plutôt dans le camp des adversaires du déploiement du numérique à l’école. Ce qui a été d’ailleurs acté budgétairement par l’arrêt du plan numérique.
Les annonces de JM Blanquer à Ludovia
Alors que pourrait bien dire JM Blanquer à Ludovia ?
Il devrait d’abord annoncer la nomination d’un « délégué à la protection des données » (DPD) pour les deux ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur. Selon certaines sources, cette nomination a eu lieu cet été et sa mission a été définie. Après la nomination d’un nouveau Directeur du numérique éducatif, le numérique serait enfin porté au ministère par une équipe.
Le DPD « veille, en toute indépendance, que les administrations des deux ministères, ainsi que leurs sous-traitants et prestataires, sont, pour ce qui concerne les traitements nationaux, en conformité avec le cadre légal relatif aux données à caractère personnel ». Il serait consulté avant la mise en oeuvre de tout nouveau traitement de données numériques. Il traite les demandes d’accès aux données individuelles des deux ministères. Il veille à ce que les nouvelles applications pédagogiques respectent la loi relative à la protection des données. Cette nomination mettrait un point final à l’affaire de la transmission des fichiers élèves aux entreprises du Gafam.
Un second point n’a jusque là pas été tranché par le ministre : c’est celui des enseignants en charge des « sciences numériques » et de l’enseignement de spécialité au lycée. Qui va enseigner sur ces heures ? L’idée d’un capes informatique avait été avancée par le rapport Morin Desailly et est attendue par certains acteurs. Le ministre devrait trancher cette question.
JM Blanquer a-t-il les moyens d’aller plus loin ? Probablement pas. La relance du plan numérique lancé par F Hollande semble inaccessible budgétairement. La question, beaucoup plus large, de la prise en compte du numérique par l’Ecole reste à traiter. Elle échappe d’ailleurs largement aux injonctions ministérielles. Et ce n’est pas la création d’une filière numérique ou d’un capes numérique qui peuvent y aider. Bien au contraire ils isolent le numérique alors que celui ci induit une révolution culturelle qui touche tous les jeunes et tous les adultes.
Comme l’écrit Bruno Devauchelle, » la relation à l’autre, la socialisation, la construction des connaissances, et d’autres domaines encore, sont marqués, transformés par les effets des moyens numériques auprès de chacun. Le monde scolaire, qui se veut un monde de « maîtrise », est donc interrogé par ce qui touche aux fondements de cette maîtrise : perte de l’exclusivité de l’accès aux savoirs, diminution de l’imperméabilité communicationnelle, augmentation de la présence de l’extrascolaire dans le scolaire etc… Or l’observation du quotidien scolaire montre que ces dimensions de maîtrise sont au coeur de la stabilité de l’acte d’enseignement et que tout perturbateur (fut-il endocrinien), n’a que peu de chance de parvenir à ses fins ».
F Jarraud
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