Comment illustrer la programmation et le concept d’Alan Turing en classe ? Marc Raynaud, ancien enseignant de mathématiques, est concepteur d’un prototype qui rencontre un vif succès parmi les lycéens et les étudiants. Passionné, il sillonne la France et même l’Angleterre pour des échanges pédagogiques autour du numérique et des mathématiques. Munie d’un ruban, de moteurs et de fils électriques, sa machine comprend les programmes écrits sur un papier. « L’apport pédagogique tient dans le fait de voir un algorithme s’exécuter pas à pas », explique Marc Raynaud.
Que fait votre machine de Turing ? Comment se présente-t-elle ?
Le prototype construit est une illustration du concept imaginé par Alan Turing en 1936, c’est le système le plus simple qui soit et qui permet de tester un très grand nombre d’algorithmes. Sa programmation est une affaire de pure logique. Le ruban infini de Turing est ici remplacé par un disque comprenant 100 petits cylindres qui peuvent prendre 3 hauteurs qui représentent les symboles b, 0 et 1. Une horloge produit des impulsions qui sont dirigées vers chacun des organes, c’est l’équivalent des quartzs de vos ordinateurs. Les programmes sont introduits dans la machine sous la forme de feuilles perforées.
Comment l’avez-vous réalisée ?
C’est mon fils Olivier, enseignant chercheur en informatique à l’université Blaise Pascal de Clermont Ferrand, qui m’a demandé de la construire, cela sur une plage à Noirmoutier en juillet 2013. C’est aussi un prolongement du certificat de logique que j’avais passé quand j’étais étudiant à Paris. La réalisation a demandé 4 mois et en décembre 2013 j’ai pu la présenter à l’université de Clermont-Ferrand.
J’ai mis un peu de temps avant de décider de remplacer le ruban linéaire par un ruban circulaire et de le faire tourner au lieu de déplacer la tête de lecture/écriture, cette solution s’est révélée très efficace.
Ayant fait de nombreuses réalisation électriques très jeunes, je m’en suis inspiré et j’ai finalement opté pour n’utiliser que des technologies de l’époque de Turing, c’est à dire des circuits électriques, des relais, et des moteurs électriques asservis par des systèmes de cames et de contacteurs électriques. La structure générale est réalisée en bois et en plexiglas avec de nombreuses pièces en Lego. Je ne dispose que d’outils de bricoleur, il m’a fallu inventer de nombreux procédés pour arriver aux précisions nécessaires…. Par exemple faire un trou au demi-millimètre près !
Comment se déroulent vos interventions dans les établissements scolaires ? Quels sont les regards des élèves ?
Pour mes interventions, je commence par un exposé général sur Turing, les machines et les problèmes de mathématiques de l’époque et je détaille les méthodes de programmation de cette machine. Ensuite, en groupes réduits, je distribue des listes d’algorithmes à résoudre. Après avoir percé les feuilles de programmation, les étudiants viennent eux-mêmes tester leur solution sur la machine. L’apport pédagogique tient dans le fait de voir un algorithme s’exécuter pas à pas. Si c’est bon, ils en retirent une belle illustration de ce qu’ils ont imaginé, s’il y a une erreur, j’entends souvent « Ah je vois pourquoi !». Quand ça marche, les applaudissements sont nombreux, cela montre leur plein investissement intellectuel dans la recherche d’une solution. Cette machine est aussi une belle démonstration de la curiosité naturelle de tous nos jeunes.
Vous intervenez aussi dans le cadre de l’Apmep ?
Tout a commencé par une présentation à des professeurs de mathématiques ou d’informatique lors de séances de l’IREM de Rennes, de Nantes et de Poitiers. Suite à cela, j’ai été demandé pour des interventions dans des classes par ces professeurs, puis par d’autres et ainsi de suite. De plus, j’ai écrit un article dans la revue de l’APMEP N° 510 Octobre 2014 avec de nombreux exercices.
Entretien par Julien Cabioch
Le site internet de la machine