Comment adapter les bâtiments scolaires aux nouvelles pratiques pédagogiques à commencer par le numérique ? Comment améliorer le bien être des élèves dans ces bâtiments ? Comment rentabiliser ces locaux en les ouvrant à leur environnement ? Autant de questions qui sont soulevées par un nouveau numéro de la revue Administration & Education, une publication de l’AFAE. Sur des questions qui soulèvent beaucoup d’intérêt depuis quelques années, la revue interroge des acteurs variés, permettant ainsi des éclairages croisés.
Adapter l’architecture aux usages numériques
« Dans tous les pays développés, la problématique des bâtiments scolaires et universitaires s’est complexifiée », explique Bernard Dizambourg, coordinateur de ce numéro. Il y voit quatre raisons.
D’abord la confrontation des vieux bâtiments aux nouveaux usages numériques. « Cette question (des usages) a pris une nouvelle acuité sous l’effet d’une double modification : celle induite par les évolutions protéiformes du numérique, celle résultant des nouveaux comportements des publics scolaires et de leur moindre acceptation des formes académiques de transmission du savoir », écrit B Dizambourg. Cela se traduit par des usages nouveaux pour des lieux jusque là peu valorisés comme les couloirs ou les halls qui peuvent devenir des « tiers lieux » de travail individuel. Mais cela impacte aussi les salles de classe.
Pour Catherine Becchetti Bizot, qui a publié récemment un rapport sur les « nouvelles formes scolaires », « il s’agit de remettre à plat le temps et l’espace traditionnels de la classe pour les redistribuer en fonction des différents types d’activités ». Pour elle, « la classe traditionnelle n’ets plus adaptée aux nouvelles pédagogies qui nécessitent une plus grande modularité, des changements fréquents d’activité, le travail en groupe, la circulation des élèves…, la possibilité de lire sur écran, d’échanger, d’interagir avec les autres », toutes situations qui cadrent mal avec le cadre étroit de la classe « autobus » (en rangées). « Si l’on souhaite favoriser la mise en place de pédagogies actives, la coopération entre enseignants, l’aménagement d’espaces adaptés et de temps dédiés semble de plus en plus nécessaire », dit-elle. Elle imagine des architectures comprenant des cloisons mobiles, permettant des lieux évolutifs, adaptés aux nouveaux usages. Elle en donne d’ailleurs des exemples.
Bien-être, sécurité et ouverture
Les bâtiments scolaires doivent aussi procurer davantage de bien être. Maurice Mazalto en donne quelques exemples sur l’aménagement des cours de récréation ou des halls pour que tous les élèves y trouvent place.
Autre évolution : les exigences nouvelles de sécurité qui imposent une certaine cloture des espaces scolaires et la fin de « l’école ouverte ». En même temps on demande aux établissements de partager des lieux avec leur environnement. C’est le cas des plateaux techniques des lycées professionnels ou parfois du CDI. Cette ouverture a un intérêt économique évident pour les collectivités territoriales.
Un bel exemple est donné avec le collège de Marciac, sous la plume de JL Guilhaumon. Ce collège était ne train de mourir avec 90 élèves seulement quand dans les années 90 le principal décide de s’appuyer sur le festival de jazz pour lui redonner vie. Le développement d’ateliers d’initiation au jazz avec l’ouverture d’un internat permettent au collège de doubler sa population scolaire. Il compte aujourd’hui 220 élèves.
En Meurthe et Moselle, le directeur de l’éducation, M Biedinger explique comment la mutualisation des locaux des collèges avec leur environnement s’est imposé : cantine partagée, salles de réunion, ouverture des CDI etc. Cela pèse sur l’architecture (par exemple regroupement des lieux ouverts à la communauté).
Peut on imposer une pédagogie par l’architecture ?
Cette publication intervient après de nombreux ouvrages. La revue internationale de Sèvres a consacré un numéro récent aux « espaces scolaires ». On peut aussi citer un cahier du Cerfée, un rapport de l’Inspection générale ou encore une étude britannique sur les effets de l’architecture. Le ministère a soutenu un concours Archi Classe sur ce thème et un autre concours a été créé par l’Université de Cergy.
La caractéristique de ce numéro d’Administration & Education c’est qu’il aborde moins la problématique retenue prioritairement par les autres : celle de l’impact pédagogique de l’architecture scolaire. Il étudie aussi les espaces universitaires et donne la parole à des acteurs très variés.
Des travaux précédents ont montré que l’architecture de la classe a bien un impact pédagogique aussi bien par son éclairage, sa ventilation, ses couleurs que sa personnalisation. Le Café pédagogique avait communiqué une étude inquiétante d’une ergonome sur le bruit dans les locaux scolaires. On a aussi des données sur les espaces scolaires craints des élèves et ceux où ils se snetent en sécurité. En même temps la croyance d’un effet architectural sur la réussite des élèves est assez partagée : selon la revue du Cerfee 80% des personnels enseignants et éducatifs estiment qu’il est déterminant de faire évoluer l’architecture scolaire pour développer l’autonomie des élèves et le travail de groupe.
Restent deux problématiques qui auraient pu être abordées de façon frontale dans la revue. L première c’est celle du coût. Agrandir les salles de classes pour permettre les travaux de groupe, par exemple, représente un surcoût certain (évalué à 7% soit un million pour un collège de 600 élèves). Il faudrait une forte demande pour que la collectivité territoriale s’y plie. Or , à la différence de l’époque heureuse des architectes départementaux constructeurs d’écoles à la fin du XIXème siècle, il n’y a plus de norme pédagogique partagée par toute un établissement. Il n’est pas rare de voir des espaces adaptés aux nouveaux usage rester inutilisés parce qu’il n’y a pas le personnel ou la demande qui permettraient des les utiliser.
La seconde c’ets la prétention à imposer une nouvelle norme pédagogique. Si l’aménagement traditionnel des salles de classe a tendance à installer le professeur dans un rôle traditionnel, pour autant des exemples précédents montrent que les prétentions d’influer sur la pédagogie par l’architecture ont échoué (mouvement des écoles ouvertes d’après guerre par exemple).
Il est par contre intéressant d’observer dans ce numéro comment les nouvelles injonctions se contrarient chez les responsables. Les récentes exigences sécuritaires par exemple entrent en conflit avec les demandes d’ouverture sur l’environnement tout comme avec les rares espaces de bien être. Le conflit de la cigarette au lycée a une dimension éthique et aussi à voir avec l’espace scolaire.
FRançois Jarraud
Administration & éducation n°156
Dossier : l’architecture scolaire pour changer la pédagogie ?
Revue de Sévres : apprend-on mieux dans de beaux batiments ?