« Un climat scolaire serein est la base de toute construction des savoirs, surtout pour les élèves éloignés de la culture scolaire ». Et à Stains, dans cette école maternelle Rep+, de nombreux enfants parlent à la maison une autre langue que celle de l’école. Lilia Ben Hamouda et son équipe d’enseignants de l’école maternelle Guy Môquet invitent les parents à parler leur langue maternelle à l’école lors d’événements festifs qui jettent autant de ponts entre les deux mondes et d’étoiles dans les yeux des petits. L’école maternelle c’est aussi celle de la reconnaissance.
» Lorsque les élèves arrivent à l’école maternelle, ils se retrouvent éloignés, parfois très éloignés, de leur univers familial. A nous, École, de construire des ponts entre ces deux univers. Pour ce faire, les parents doivent « entrer » à l’école. A nous, École, de trouver des actions le permettant. Des actions ponctuelles, comme les spectacles, les fêtes, les expositions sont des moments riches, mais cela ne suffit plus. L’école doit composer avec ses partenaires premiers, légitimes, les parents. Nous devons entrer dans un processus de coéducation pour permettre à nos élèves, leurs enfants, de réussir », nous a dit Lilia Ben Hamouda.
Située dans un quartier populaire de Stains (93), l’école est une des rares institutions républicaines encore présentes. Elle a aussi la particularité d’avoir une très petite section (TPS) qui scolarise des enfants de moins de 3 ans. Elle s’est révélée un élément déclencheur du projet.
« En TPS, les parents entrent dans la classe et y restent un certain temps. On a remarqué que ces enfants sont plus à l’aise avec l’école et que leurs parents se sentent plus légitimes dans l’école », explique L Ben Hamouda. « Les mamans sont souvent voilées mais instruites. Elles étaient défiantes envers l’école et partaient de l’idée qu’on avait un a priori sur elles. Elles ont vu qu’on les sollicitait pour les sorties, pour no sprojets au même titre que les autres parents. Et nous avons constaté que c’était un appui important pour les élèves ». Finalement les enseignants vont adhérer au projet « Raconte moi tes langues » en constatant que valoriser les parents permet de mettre les enfants plus à l’aise à l’école.
» Raconte-moi tes langues, c’est le pari de la coéducation, d’un réel travail de partenariat entre les parents et l’équipe pédagogique où chacun à un rôle à jouer, où celui des parents est reconnu à sa juste valeur, où les savoirs, certes non académiques, qu’ils transmettent sont valorisés. Ce projet est fondé sur une idée simple : l’école doit être un espace de socialisation pour les enfants, et par extension, pour leurs familles ».
Partant de cet écart entre la langue de l’école et celle de la maison, les enseignants de Guy Môquet ont décidé de mettre en valeur les langues de la maison à partir de chansons destinées aux enfants. L’école a été ouverte un samedi où parents et enfants ont pu se produire en passant dans toutes les classes pour présenter un large panel de langues différentes. Les enfants étaient émerveillés de voir leurs parents dans l’école devant les camarades. Les interventions ont été reprises sur le site et sur la radio de l’école.
Un développement artistique a eu lieu à la Galerie de Noisy le Sec où les enfants ont inventé un « alphabet naufragé » en retranscrivant leur prénom. L’ensemble du projet est suivi par Delphine Leroy, anthropologue Paris 8, et ses étudiants. Là aussi les parents et leur histoire sont mis en valeur.
» L’implication forte des familles à ces actions a permis de tisser des liens d’une nouvelle forme, les parents se sentant de plus en plus à l’aise avec le corps enseignant en particulier, l’école en général. C’est ainsi que les élèves trouvent leur place plus facilement parmi nous, les tensions diminuant, ils sont plus à même d’entrer dans les apprentissages », conclue L Ben Hamouda.
Propos recueillis par FRançois Jarraud