Comment la classe inversée permet-elle de gagner du temps pour privilégier l’apprentissage moteur en EPS ? Julien Kervedaou, enseignant d’EPS au lycée français Jean Monnet de Bruxelles réalise des capsules pour ses élèves et propose une utilisation individuelle du cardiofréquencemètre. Grâce à une ceinture thoracique, chaque élève peut avoir « son feedback cardiaque personnel ». Ces données sont conservées dans un cahier d’entrainement et permettent aux lycéens d’anticiper la séance suivante. Présent au 10ème forum des enseignants innovants à Paris, Julien Kervedaou porte une analyse réflexive sur sa pratique dans le cadre d’un master 2 à Lille sur les effets de la pédagogique inversée en EPS.
Quel est ce projet mené en classe de 1ère ? Pourquoi une telle ambition ?
Depuis 2002, les programmes d’éducation physique français proposent une formation à l’auto-entrainement, dont la finalité est de permettre aux futurs adultes de s’engager de façon autonome dans la pratique d’une activité physique, tout en poursuivant des objectifs personnels. Parmi les activités proposées, la course en durée est l’une des plus représentée lors de l’épreuve certificative du baccalauréat. Dans mon établissement nous l’enseignons en classe de 1ere, en terminale et en option EPS. Toutefois, les conditions d’enseignement rendent souvent difficile la transmission des savoirs sur la santé et par conséquent la construction de compétences méthodologiques pour « agir sur soi dans le respect de son intégrité physique ». Si le cahier d’entrainement est un support d’enseignement intéressant pour les élèves dans le suivi de leurs activités de travail, de nouveaux modes de transmission ont vu le jour pour leur permettre de mieux intégrer des contenus d’enseignement. Parmi ces innovations, la pédagogie inversée apparait comme un outil intéressant pour transmettre des contenus théoriques sans perdre du temps d’apprentissage moteur.
L’autre innovation correspond à l’utilisation individuelle du cardiofréquencemètre qui permet à chaque élève en se munissant d’une ceinture thoracique d’avoir sa fréquence cardiaque en direct et de la retrouver sous forme de graphique à l’issue de la leçon. Le projet mené avec deux classes de 1ère porte sur l’utilisation du cahier d’entrainement et du cardiofréquencemètre pour deux classes et de la classe inversée en plus pour l’une des deux classes. L’hypothèse est de de vérifier si la classe inversée permet de développer davantage les connaissances de santé. Nous comparons les connaissances entre les deux classes au début et à la fin du cycle.
Quels sont les possibles de l’application utilisée en EPS ?
Concernant l’utilisation de la vidéo dans une perspective de classe inversée, l’outil est un véritable gain de temps et se traduit en EPS par une augmentation du temps de pratique. Pour l’utilisation du cardiofrequencemètre, cette application permet à chaque élève d’avoir son feedback cardiaque personnel. Ce retour d’informations pour l’élève relatives aux pulsations cardiaques lui permet de corréler son ressenti pendant la course avec les effets sur son corps. De plus, il m’apparaît de façon assez nette que les élèves jouent à explorer leurs réactions cardio respiratoires grâce à ce matériel, et sont beaucoup plus motivés à comprendre et manipuler des contenus liés à l’auto entrainement qui peuvent souvent être perçus comme trop théoriques.
Comment réalisez-vous vos capsules ? Que contiennent-elles ?
La capsule vidéo doit apporter des connaissances pour le prochain cours. Chaque capsule est suivie d’un questionnaire de 5 questions reprenant les savoirs ciblés dans la vidéo. Ce questionnaire sur l’ENT est à remplir à l’issue du visionnage de la capsule vidéo par l’élève. Les résultats sont synthétisés sur un document et permettent à l’enseignant au début du cours de développer son intervention sur les notions non comprises par les élèves. Pour ma part, j’ai souhaité pour cette séquence d’enseignement de 5 leçons de réaliser toutes les vidéos, de la prise de vue au montage en passant par les schémas, les commentaires et même la musique de fond. Les capsules vidéo qui durent 3 minutes contiennent 3 ou 4 éléments ciblés du cours et des connaissances de santé, les images viennent en appui pour mieux comprendre les données expliquées dans les commentaires.
Quelle est la fonction du cahier d’entrainement des élèves ? Comment se présente-t-il ?
Le cahier d’entrainement permet à l’élève d’avoir une trace écrite de ses activités et ressentis lors des séances. En effet pour que l’élève soit compétent dans ces activités d’entretien de soi, il est important qu’il construise sa séance dans un premier temps. Puis, il la produise et il analyse au regard de ses ressentis afin de se projeter sur un prochain entrainement.
Le carnet d’entrainement ou carnet de suivi se présente sous un format papier, pour que l’élève puisse écrire facilement chaque leçon. Ce dernier présente sur la première page un bilan initial qui peut guider l’élève dans son projet personnel d’entrainement. Chaque page correspond à une leçon et est ponctuée par des connaissances théoriques sur la santé, les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) sur la pratique physique ou encore quelques conseils de prévention des blessures.
Quel lien faites-vous entre votre master 2 et la classe ? Quelques mots sur votre projet de recherche …
Le master que je passe à l’université de Lille cette année est encadré par François Potdevin de l’université de Lille et agrégé d’EPS et porte sur : « l’éducation à la gestion de sa santé par l’activité physique : effet de la pédagogie inversée en cours d’EPS au lycée ». Ce master me permet de faire des recherches scientifiques et pédagogiques et de les expérimenter concrètement au sein de mon établissement avec mes élèves. Concernant le projet de recherche cela s’inscrit au sein du laboratoire de l’Unité de Recherche pluridisciplinaire sport et société (UReSSS) dans la recherche sur les « Stratégies d’éducation en faveur de la santé et du bien-être ». Mon collègue Cédric Chopin, dans le cadre de son master, développe une application avec ses élèves pour mesurer les effets d’une application numérique sur smartphone pour augmenter et améliorer l’activité physique chez des lycéens. De plus, nous pouvons souligner que la direction du lycée français de Bruxelles nous soutient pleinement dans notre travail d’innovation et de recherche qui est un axe pédagogique important de l’AEFE dont nous dépendons.
Pourquoi cette participation au forum des enseignants innovants ?
Je voulais rencontrer des collègues motivés pour échanger sur nos pratiques, car je suis persuadé que l’échange pédagogique lors d’un forum est une clé pour continuer à se former dans notre métier qui subit des transformations importantes par le numérique.
Entretien par Julien Cabioch
La chaîne YouTube des capsules
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