« On mène une vie professionnelle intolérable. On nous montre du doigt. On met les établissements en concurrence ». Ce cri de colère, poussé par une enseignante du lycée Voltaire de Paris à propos des effets des indicateurs des lycées, résume le colloque sur l’évaluation organisé par le Snes le 19 décembre. Fabienne Rosenwald directrice de la Depp et Nathalie Mons, présidente du Cnesco, ont répondu aux questions des enseignants à un moment où ils sentent poindre de nouveaux usages des évaluations dans l’éducation nationale.
Trois conseils pour une évaluation
Qui a dit qu’on n’avait pas de culture de l’évaluation à l’éducation nationale ? Pourtant l’Education nationale aime tellement l’évaluation qu’elle en a chargé deux, puis trois institutions. La Depp, division des études du ministère, dirigée par F Rosenwald, publie des annuaires réputés (le RERS, L’Etat de l’école, Cedre etc.). Plus récent, le Cnesco met régulièrement en perspective les évaluations autour de problématiques : mixité sociale redoublement etc. Enfin JM Blanquer crée un troisième organe chargé lui aussi de l’évaluation des politiques éducatives : un conseil national confié à S Dehaene. Point commun aux trois conseils : l’évaluation de l’Education nationale est faite par l’Education nationale, même si le s3 conseils ont des degrés d’indépendance différents…
Inquiétudes enseignantes
Le 19 décembre, le Snes a organisé un colloque sur les évaluations qui réunit environ 200 enseignants à Paris. Sur ce sujet les enseignants ont des choses à dire. Et le colloque leur donne la parole.
Ainsi une professeure de physique – chimie raconte comment depuis 2009 l’institution utilise les évaluations Pisa pour introduire les tâches complexes, puis l’évaluation par compétences, puis la démarches d’investigation. « Pisa pilote l’enseignement des sciences en France », résume-t-elle.
Eric Mansencal, secrétaire général adjoint du Snupden Fsu, témoigne des tentations des chefs d’établissement de jouer des évaluations pour obtenir des moyens ou pour répondre à une commande institutionnelle. Rachel Schneider, secrétaire du Snuipp 93, s’inquiète des usages qui pourraient être faits des évaluations de CP. Elle vooit arriver avec inquiétude un véritable formatage des enseignants déjà lancé par les documents pédagogiques tres encadrants de la Dgesco.
Point commun aux interventions (il y en a eu bien d’autres) : l’utilisation faite par l’institution des évaluations pour peser sur les enseignants.
Quels modèles de régulation par l’évaluation ?
C’est ce que Nathalie Mons a également montré dans son intervention. Elle remarque que les évaluations standardisées se sont développées partout , pour certifier la fin de l’enseignement secondaire dans les années 1980, puis pour réguler l’autonomie des établissements dans les années 1990, enfin une décennie plus tard pour améliorer la qualité de l’enseignement.
Si ces évaluations sont présentes partout, leur utilisation varie. N Mons distingue trois modèles. Le modèle basé sur le marche les utilise pour réguler un libre choix de l’école. C’est l’idée que les écoles voudront attirer les élèves et s’amélioreront avec le jeu de la concurrence. « Mais en réalité les écoles ne cherchent pas cela », explique N Mons. D’où l’appel à un second modèle , hiérarchique, où l’information sert la hiérarchie qui utilise les données pour sanctionner les écoles ou faire varier la paye des enseignants. Un troisième modèle voit le jour où l’information est réservée aux professionnels et où le changement résulte d’une démarche éthique de ceux ci.
Le cas des IVAC
C’est dire qu’il n’y a pas de lien direct entre évaluation et amélioration des systèmes éducatifs, rappelle N Mons. Pour qu’il y ait amélioration, il faut que les enseignants soient associés et accompagnés. Sinon on rencontre les effets pervers bien connus comme le « teaching for the test ».
Faut-il alors après les indicateurs des lycées, lancer des indicateurs des collèges, comme semble t-il le ministère s’y engage ? Pour N Mons, tout dépend de la logique que l’on met dans cette évaluation. F Rosenwald, directement aux commandes de ce projet, relève que cet indicateur nouveau arrivera au moment où tomberont aussi des évaluations sur le sparcours des élèves.
D’ici là d’autres évaluations sont préparée spar la Depp. En 2018 la Depp réalisera l’évaluation ICILS sur les compétences numériques. Les classes numériques, les classes inversées feront l’objet elles aussi d’évaluations.
François Jarraud