La motivation suffit-elle à améliorer le niveau des élèves ? C’est la question de fond posée par deux rapports d’évaluation des formations des Maisons pour la science. Créées en 2012, les Maisons pour la science ont donné un second souffle à La Main à la pâte en structurant des offres de formation à destination des professeurs des écoles et des collèges. Plus de 35 000 enseignants ont suivi leurs stages. Le 8 décembre la Fondation La Main à la pâte (LaMap) a présenté deux évaluations de ces formations. Si la motivation et le degré de satisfaction des enseignants ayant suivi les stages sont fortes, les résultats sur leurs pratiques et sur les résultats des élèves sont décevants.
Faire changer les méthodes de l’éducation nationale
« On n’apprend pas la science sans travailler. On n’apprend certainement pas du tout sans motivation. L’objectif numéro 1 c’est entretenir la flamme de la motivation ». En ouvrant la conférence nationale des Maisons pour la science, Didier Roux, vice président de la Fondation La Main à la pâte, met l’accent sur l’enthousiasme qu’il rencontre dans les classes qui suivent les formations des Maisons pour la science.
Créés en 2012, les 9 Maisons pour la science, installées dans 9 des anciennes régions, ont déjà formé plus de 35 000 enseignants. Chaque Maison associe des universités , le rectorat et des entreprises locales. Elles proposent des formations à l’enseignement des sciences basées sur la méthode d’investigation et réalisées avec des scientifiques. En Lorraine et dans le Puy de Dôme la moitiés des professeurs de sciences y ont participé. Le Café a déjà présenté des enseignants ayant suivi avec succès ces stages.
L’ambition de la Fondation LaMap n’est pas mince : « on peut faire changer les méthodes pédagogiques de l’éducation nationale », dit Didier Roux. La Fondation se vit un peu comme l’ultime chance de bloquer la dégringolade des résultats de l’école française. Mais elle pense que le salut ne peut venir que de l’extérieur. Pour l’enseignement des sciences c’est par la transmission de la méthode scientifique à travers la démarche d’investigation que l’on peut remonter le niveau.
Deux études d’évaluation
Le 8 décembre, la Fondation publiait les résultats de deux évaluations. La première étude , réalisée par le cabinet belge Educonsult, estime que « l’objectif d’améliorer la qualité de l’enseignement est largement atteint ». Basée sur des questionnaires de satisfaction, l’étude montre que les enseignants sont très satisfaits des stages, particulièrement ceux du 1er degré. Ils se jugent capables d’appliquer la méthode en classe.
Une appréciation que Marc Gurgand (PSE) et son équipe vont relativiser en dévoilant de premiers résultats d’un suivi scientifique d’élèves et d’enseignants suivant les stages, avec un groupe témoin. Un procédé lourd (plus de 2500 élèves concernés) reposant sur une observation des pratiques de classe et du niveau des élèves.
Là le bilan est nettement plus mitigé. L’étude trouve une amélioration sensible des connaissances des élèves dont l’enseignant a suivi un stage LaMap, par rapport au groupe témoin. Mais le stage n’a pas d’effet sur la motivation ou sur les compétences des élèves.
Chez les enseignants on n’observe pas plus de manipulations chez ceux qui ont suivi le stage que dans le groupe témoin. Ce qui a changé c’est l’augmentation des heures dévolues aux sciences chez ces enseignants du primaire. Autrement dit le stage a certainement donné envie aux enseignants de faire plus de sciences mais sans changer leurs pratiques. C’est cette hausse de l’horaire qui entrainerait de meilleures connaissances. Il n’y aurait pas d’effet profond sur les pratiques enseignantes.
Pour Marc Gurgand les scientifiques impliqués dans les formations ne rendraient pas toujours explicites leurs pratiques et la manière d’aborder les questions épistémologiques avec les élèves ne seraient pas assez abordées. Pour lui ces résultats interrogent l’appel à des scientifiques pour changer la vision des sciences des enseignants. Il pose aussi une autre question celle du lien, pas automatique, entre la vision des sciences et les pratiques de classe.
L’Ecole et le laboratoire
Autrement dit, la Fondation aurait sous estimé la professionnalité enseignante, avec son histoire, ses usages, ses rapports avec les élèves et les parents et globalement tout ce qui fait de l’Ecole une institution et pas seulement un laboratoire. Il y a peut-être aussi une sur estimation de la motivation face aux difficultés des élèves. Il ne suffit pas d’aimer une discipline pour y réussir comme le montrent d’ailleurs les enquêtes Cèdre.
Pierre Léna, président honoraire et âme de la Fondation , et Didier Roux expliquent ces résultats décevants par la méthodologie utilisée (le fait que seuls des volontaires donc déjà acquis aux sciences, aient participé) et par le caractère provisoire d’une étude qui se poursuit.
Le problème c’est que d’autres travaux tranchent dans le même sens. Pisa 2015 a porté sur les sciences et a évalué les résultats de plusieurs approches de leur enseignement.
La démarche d’investigation interrogée
Pisa montre que la discipline en classe impacte fortement les résultats; c’est d’ailleurs un facteur lourd en France avec les retards. L’absentéisme également. Pisa valide aussi l’attention porté par le professeur aux questions des élèves et à adapter le cours à leur niveau. Ce feedback est efficace.
Par contre Pisa ne valide pas la démarche d’investigation. » Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies », dit Pisa.
Il ne faudrait pas pour autant sous estimer les apports de LaMap à l’enseignement. Il faut voir la motivation profonde des enseignants, leur plaisir qui doit bien se retrouver quelque part chez les élèves. Redonner confiance et envie aux enseignants du primaire qui sont rarement scientifiques ce n’est pas rien. Mais il semble que LaMap ait sous estimé la culture enseignante et l’institution école.
François Jarraud
Pisa et l’enseignement des sciences
Un important projet d’éducation à l’environnement