Si éduquer à l’esprit critique s’impose dans tout le système éducatif, son urgence semble s’imposer en éducation prioritaire là où les rumeurs et la désinformation sont peut-être plus visibles. C’est ce qu’a étudié l’Observatoire des pratiques en éducation prioritaire, une structure qui réunit des acteurs de l’éducation prioritaire de l’académie de Versailles. L’Observatoire est allé voir sur place, dans les établissements comment se met en place cette éducation et en relève les difficultés, les réussites et les limites.
Quelles sont les représentations de la pensée et de l’esprit critique formulées par les élèves et les acteurs de la communauté éducative ? Quelles sont les attitudes professionnelles à valoriser et mutualiser ? Quelles sont les tensions récurrentes, les alternatives auxquelles sont confrontés les acteurs de la communauté éducative, dès lors qu’il s’agit de développer la pensée et l’esprit critique des élèves ? Pour répondre à ces trois questions, l’observatoire des pratiques en éducation prioritaire a visité une dizaine de réseaux, dont 6 dans le 93. Ses membres sont allés dans les classes, ont dialogué avec les enseignants, constaté et mis en perspective les pratique spédagogiques observées.
Ils ont relevé des obstacles à l’éducation à l’esprit critique. Par exemple, » ils identifient le manque de confiance en soi, le conflit de loyauté avec la famille, le manque de vocabulaire, l’omniprésence des médias. « Pour avoir un esprit critique, il faut avoir une confiance en soi que beaucoup d’élèves n’ont pas » nous dit une enseignante ». Ou encore, » des réseaux connaissent des taux de renouvellement élevés de leurs personnels chaque année. Ces professeurs ne sont pas toujours assez assurés dans leur travail pour que l’élève soit mis en confiance. Or c’est une condition essentielle pour que les élèves s’engagent dans les apprentissages, a fortiori dans l’exercice du doute méthodique ou du questionnement caractéristiques de l’esprit critique ».
Il sont observé des pratiques différentes , par exemple des ateliers philo, des débats en classe ou encore des pratiques d’expérimentation en sciences.
La conclusion générale que l’observatoire tire de ces observations c’est la nécessité du travail d’équipe chez les enseignants. » Aux initiatives individuelles que nous avons constatées, il manque souvent une réflexion de groupe, capable de faire stratégie, de coordonner les efforts des anciens, de soutenir les nouveaux enseignants par des échanges de pratiques et une mise en confiance, puisqu’on aura compris que permettre aux élèves de confronter des arguments suppose de les laisser parler assez librement au risque, croit-on, de perdre le contrôle de la classe. Mais rien n’est moins sûr, car les élèves ont soif d’apprendre et d’apprendre autrement ».
Pour l’Observatoire, » créer les conditions d’exercice et le désir de l’esprit critique, le rechercher toujours parce qu’il n’est jamais acquis est pour l’école une nécessaire aspiration. Si l’école ne peut pas tout à elle seule, elle reste le vecteur d’une construction intellectuelle débouchant sur des citoyens libres et responsables, capables d’engagement de pleine conscience pour remettre en cause et bâtir à l’aune de l’universalité ».