« Le ministre dit ne pas vouloir la rupture mais opère des mesures où on voit qu’il veut marquer son empreinte ». Pour Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, la première fédération syndicale de l’éducation nationale, la conférence de presse du 6 septembre est l’occasion d’un décryptage des propos et des décisions du ministre. Si certaines mesures ont pu satisfaire son organisation, le moment est à l’inquiétude. La FSU fait le portrait d’un ministre déterminé, qui cache son jeu et qui est en train de changer l’Ecole sans le dire…
Blanquer équilibriste…
« Techniquement la rentrée est réussie », explique Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU. « Mais le ministre a hérité de la préparation et de la rentrée », ajoute-elle, ce qui n’est qu’à moitié vrai car en un mois JM Blanquer a déjà changé beaucoup de choses.
Réellement le ministre a fait des gestes vers la Fsu. Par exemple en mettant par terre la réforme du collège, contre laquelle la Fsu a bataillé, et en revenant à la semaine de 4 jours au primaire. Mais ces sujets sont balayés au profit d’un discours critique.
Pour B. Groison, le ministre est un « équilibriste » : il alterne discours rassurant et « des annonces loin d’être anodines… Il a choisi de réformer le système éducatif sans le dire ». Par exemple, il ne touche pas aux programmes mais les évaluations de CP envoient un signal clair aux enseignants et recadre le travail en maternelle et au CP. B Groison souligne d’ailleurs le coté « passéiste » du discours ministériel.
Ou réactionnaire ?
Pour la FSU, le ministre a abandonné le projet éducatif d’élever le niveau de qualification de tous les jeunes et il abrite cela derrière des mesures catégorielles. « On ne parle plus de la réussite de tous les élèves mais que de quelques uns « , relève B Groison, en faisant allusion aux CP dédoublés en Rep+ d’un coté, alors que d’autres classes ont surchargées, et à l’instauration d’une sélection à l’entrée de l’université. Francette Popineau, co secrétaire générale du Snuipp résume bien cette position: « les CP dédoublés sont l’alibi au moment où on enterre l’école pour tous ».
La FSU souhaite « réorienter le gouvernement vers d’autres objectifs éducatifs ». Elle va remettre la mixité sociale à l’école dans la discussion avec le ministre. Elle veut aussi faire évoluer la formation initiale et continue de façon à ce qu’elle soit plus importante et mieux alignée sur les attentes des enseignants.
Enfin elle demande au ministre d’entrer vraiment en discussion sur le recrutement des enseignants. Pour la FSU le ministre n’arrivera pas à assurer le recrutement nécessaire aux dédoublements de CP et CE1 annoncés dans le cadre du budget actuel. « On attend qu’il dise comment il fait », demande B Groison. Ce sont 9 500 postes qu’il va falloir créer d’ici la rentrée 2019 dont 7000 en 2018.
Interrogée par le Café sur les déclarations de JM Blanquer sur la gouvernance de l’école, B Groison s’en tient à la fusion des académies , telle celle opérée en Normandie. La décision a été prise sans que les syndicats soient consultés et la Fsu s’inquiète des conséquences possibles sur le mouvement et l’affectation des enseignants et la gestion des établissements.
Sélection en université
Autre point de tension, la réforme de l’accès au supérieur. « Le mot sélection est tabou mais si le dernier mot ne revient pas à l’étudiant il s’agit bien d’une sélection », explique Hervé Christofol, secrétaire général du Snesup. Il souligne le déséquilibre entre la montée démographique et celle des envies de faire des études et la stabilité des moyens dans le supérieur. « La solution du gouvernement c’est de faire des économies avec un autre accueil des bacheliers professionnels ». Il relève aussi que la discussion sur la réforme de l’accès au supérieur occupe 11 groupes de travail. Mai sil n’y a aucun groupe et pas de réflexion sur les moyens… Pour Sigrid Gérardin , co secrétaire générale du Snuep , le projet gouvernemental de formation bac+1 pour les bacheliers professionnels « est en contradiction avec la volonté de valoriser l’enseignement professionnel ».
Une journée d’action en octobre
Le dernier point de friction c’est bien sur les mesures salariales prises par le gouvernement. « Il est hors de question de laisser passer les mesures contre les fonctionnaires » comme la CSG ou le gel du point fonction publique. « Le gel possible du calendrier du PPCR est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », explique B Groison.
Toutes ces raisons conduisent la Fsu à construire une journée d’action qui devrait avoir lieu vers le 10 octobre, moment où l’avenir du PPCR sera discuté. Le ministre a beau parler de confiance, la FSU croit dans le rapport de force…
François Jarraud