Aller observer ce qui se passe dans la classe des collègues. Cette pratique est banale dans nombre de pays mais reste rarissime en France, au moins comme pratique institutionnalisée. Dans l’académie d’Aix Marseille, Nathalie Pérez-Wachowiak, IPR d’espagnol, a réussi à l’instaurer. Depuis 2009 les professeurs d’espagnol se visitent pour le plus grand profit des visiteurs et des visités.
Des exemples, pas des modèles
« Quand j’étais professeure j’adorais aller voir des collègues d’autre disciplines ou d’autres niveaux. Alors j’ai demandé aux enseignants d’ouvrir leur porte à leurs collègues ». Depuis 2009, dans l’académie d’Aix Marseille, sous l’autorité de Nathalie Pérez-Wachowiak, IPR d’espagnol, la pratique est institutionnalisée , Carine Marie Pinchenet Schwindt, une chargée de mission, organise concrètement les rencontres.
Depuis 2009, Nathalie Pérez-Wachowiak a constitué un vivier d’une quarantaine d’enseignants, du public comme du privé, qui acceptent d’ouvrir leur porte à leurs collègues. « Au départ ce sont des personnes que j’ai vu en inspection et qui m’ont semblé, soit par leur personnalité soit par leur proposition, avoir quelque chose à partager. Ensuite il y a eu du réseautage, des enseignants me signalant d’autres personnes. Tous sont des exemples, pas des modèles. Ce sont tous des gens enthousiastes, qui essayent des choses. « , nous dit Nathalie Pérez-Wachowiak. « J’espère qu’un jour on n’aura plus besoin d’un dispositif officiel. « Pour le moment il légitime cette possibilité offerte dans l’académie ».
Enrichissant pour les visités comme les visiteurs
Comment une inspectrice a-t-elle pu mettre cela en place ? « Cela tient au rapport que j’ai avec les enseignants » répond Nathalie Pérez-Wachowiak. « Les enseignants ont moins peur d’être observés ». Pour elle, le dispositif ne remplace pas la formation officielle. Mais « ça donne une idée d’une autre manière de se former, plus horizontale. Pour certains c’est plus efficace qu’une journée classique de formation ».
« Les professeurs ont compris que le dispositif est enrichissant pour tout le monde, visiteurs comme visités », explique Carine Marie Pinchenet Schwindt, qui gère le dispositif. « On est dans une dynamique de mutualisation. Rien n’est jamais acquis dans ce métier et c’est par la mutualisation qu’on s’enrichit ». Pour elle, ces visites rassurent les enseignants. « C’est aussi un métier où on se pose beaucoup de questions et où ce qu’on fait ne marche pas toujours. Observer un collègue en train de faire cours ça aide à acquérir des gestes professionnels. C’est particulièrement important pour les contractuels ou les débutants ».
Briser la séparation des publics et des niveaux
« Il n’y a pas de retour négatif », affirme Carine Marie Pinchenet Schwindt. « Ce qui plait le plus ce sont les pédagogies innovantes ,le travail avec le numérique ou en ilot », dit-elle. « Certains collègues débarquent sans préparation en éducation prioritaire et observent ce qui se passent dans les classes pour prendre des idées. Les professeurs de ces zones sont les plus sollicités ».
Et ça marche. » J’ai souhaité observer un public différent. J’ai pu me rendre dans l’établissement pour y passer une matinée. Cet échange m’a beaucoup apporté », explique une enseignante de retour d’une visite. « La prise de contact avec le collègue s’est très bien passée et il a été très accueillant et disponible. Je l’ai suivi pendant une journée, avec les 3 niveaux. L’expérience a été très instructive car étant pour ma part en lycée, j’ai pu voir comment on fonctionnait en collège », explique une autre.
Dans ce cadre officiel, les professeurs d’espagnol ont pris l’habitude de s’entraider sur leur temps libre. Un dispositif simple et qui serait banal dans d’autres pays. Mais qui reste relativement isolé en France.
François Jarraud