Que représente aujourd’hui l’association Inversons la classe ? Christophe Le Guelvouit, enseignant de mathématiques au collège Jules Verne de Bourges (18) et trésorier de l’association explique les modalités du CLICx et les enjeux de la nouvelle plateforme CLIP développée avec l’école 42. « Vecteur de socialisation professionnelle enseignante », la dynamique association Inversons la classe développe une « action systémique » au sein de l’Education nationale. Le futur « YouTube de l’éducation » français est déjà en phase de test et Christophe Le Guelvouit annonce plus d’1 million d’élèves touchés par la pratique des inverseurs à la rentrée 2017. « J’essaye de lutter à mon échelle contre les inégalités sociales » explique-t-il au Café pédagogique.
Que se passe-t-il au CLICx organisé à Ludovia ?
Ce n’est pas le troisième congrès classe inversée (celui-ci aura lieu en 2018), c’est une autre modalité d’échanges entre pairs qu’Inversons la classe ! développe pour répondre à la demande. Les principes restent les mêmes (une vision ouverte et large de la classe inversée, un appel à contributions ouvert à toutes et à tous, un comité scientifique constitué a 50% d’enseignants, une large place laissée à l’échange, différentes sessions en parallèle). Mais à la manière des conférences TED dont chacun peut s’emparer pour construire des TEDx, chacun sera libre d’organiser un CLICx qui respecte ces modalités. Cela permettra des rendez vous plus nombreux, de taille plus modeste que le CLIC et plus proches localement. Le prochain CLICx est déjà prévu au Liban et plusieurs devraient être organisés lors de la CLISE 2018. Le CLIC, tous les 2 ans, restera le rendez vous international francophone annuel de grande ampleur.
Quel meilleur endroit pour lancer cette nouvelle modalité qu’à Ludovia, le rendez vous du numérique éducatif de la pré-rentrée ? Ludovia nous paraissait évidemment le meilleur endroit pour lancer les CLICx et nous les remercions d’accueillir ce premier CLICx.
Ce CLICx Ludovia sera par ailleurs l’occasion d’introduire de nouveaux types d’ateliers, tels que les “ateliers forum” ou encore beaucoup d’animations sous le chapiteau d’Inversons la classe !. Pour les thèmes, comme dans tous les événements organisés par l’association, il s’agit de thèmes variés, afin que chacun, curieux ou expérimenté, puisse y trouver des ateliers, des thèmes à son goût.
Que représente désormais en 2017 l’association « Inversons la classe !» ?
Inversons la classe en 2017 c’est 10.000 enseignants touchés directement au travers de ses actions depuis sa création, en 2014. C’est une association qui se professionnalise avec notamment une entrée dans le 2ème plus gros incubateur de Paris : le cargo de paris&co. L’objectif est le changement des pratiques enseignantes par les pairs pour favoriser la réussite de tous les élèves. Inversons la classe, au travers de ses actions (structuration d’espaces d’échanges et de mutualisation entre pairs, formation, encouragement de la recherche universitaire française sur le sujet) est un vecteur de socialisation professionnelle enseignante.
Car la richesse d’Inversons la classe, association de terrain, rappelons-le, ce sont ces enseignants qui, chaque jour, coopèrent et échangent. Les actions de l’association vont bien au delà de l’image parfois réductrice de certains sur la classe inversée.
La plate forme CLIP est en phase de test. De quoi s’agit-il ? Que pourront faire les enseignants avec CLIP ?
L’idée de CLIP vient du premier congrès classe inversée (CLIC 2015), au cours duquel, lors d’un atelier, les enseignants ont émis le besoin d’une plateforme de mutualisation des ressources. CLIP, c’est une plate-forme d’échange et de mutualisation de ressources faites par les enseignants, pour les enseignants et tous leurs élèves. La plateforme est développée avec l’école 42 et émane des besoins et des retours de la communauté ouverte, dans un processus de design thinking.
Certains en ont parlé comme une sorte de « Youtube de l’éducation » qui s’articule autour de 4 grands piliers :
• hébergement de vidéos (avec possibilité de chapitrage de vidéo, de modification de la vitesse de lecture, de joindre des fichiers…)
• création de QCM
• création de cours (avec possibilité d’intégrer des liens, des pièces jointes, du code html…)
• un forum d’échanges entre enseignants (pour accompagner la sociabilisation enseignante)
Les grandes valeurs de CLIP, sont les mêmes que celles qui animent l’association : une plate-forme libre, gratuite et hébergée en France dans un souci de protection des utilisateurs.
Quels sont les premiers retours des béta-testeurs ?
Les premiers retours sont très encourageants. Actuellement, plus d’une centaine de professeurs ont testé la plate-forme pour nous permettre de l’améliorer et de répondre aux besoins du plus grand nombre. Et la plupart sont séduits ! Bien sûr, il reste de petits problèmes à régler, mais l’école 42, notre partenaire dans le développement, se montre très réactif et proactif pour nous aider à construire au mieux cette plate-forme.
Une phase de bêta publique ouverte à toutes les personnes intéressées et à leurs élèves devrait être lancée avant les vacances de la Toussaint.
En 2016, vous disiez au Café pédagogique que votre pratique de la classe inversée rendait « le cours de mathématiques plus équitable ». Sous quels aspects ? Pourquoi ?
Dans mes premières années d’enseignement, je servais le même menu à tout le monde comme le dit très bien Soledad Garnier. J’avais essayé de mettre en place de la différenciation pédagogique, mais la gestion des temps de cours me semblait compliquée. Il fallait accompagner les élèves en difficulté qui n’avaient pas réussi à faire les exercices donnés à la maison, répondre aux sollicitations légitimes de l’ensemble des élèves, nourrir la curiosité des plus rapides…
Avec la pratique de la classe inversée, j’ai pu mieux accompagner chaque élève au plus près de ses besoins car ils peuvent avancer à leur rythme. En outre, en laissant les tâches cognitives simples en autonomie, j’essaye de lutter à mon échelle contre les inégalités sociales, point auquel je suis très sensible, certainement à cause des différents endroits où j’ai pu enseigner (REP, milieu rural, banlieue parisienne…).
Côté institution, de nombreuses académies ont relayé et organisé avec l’association la semaine de la classe inversée notamment pour mutualiser et diffuser les pratiques ; les congrès clic 2015 et 2016 étaient organisés sous le haut-patronage du ministère de l’éducation. Quels sont les futurs liens envisagés pour ces prochaines années avec l’administration ? Des besoins ?
Inversons la Classe est une association qui reste indépendante, mais cela ne veut pas dire être isolée. Nous travaillons avec de nombreux partenaires, notamment l’Education Nationale à tous ses niveaux. Dans bon nombre d’académies, les liens avec les différents services de l’institution sont très présents, que ce soit avec les ESPE, les DANE, les CARDIE, les services de formation.
Au niveau national, la DGESCO et la DNE ont jusque là soutenu nos actions. L’action systémique d’Inversons la classe ! a impulsé le fort accroissement du nombre d’enseignants en classe inversée. Ainsi, lors de cette rentrée scolaire ce sont plus de 20.000 enseignants et 1 million d’élèves qui sont concernés par ces pratiques. Pour conforter cette dynamique le changement d’échelle de l’impact appelle un changement d’échelle des moyens. Notre démarche originale contribue à la formation continue des enseignants Dans cette perspective, il ne serait pas inconcevable que le ministère de l’Education Nationale notamment, s’engage davantage en apportant des moyens matériels et humains permettant de répondre à cette demande.
Votre engagement au sein de l’association doit être conséquent en terme de temps et d’énergie. Qu’est-ce qui vous motive encore aujourd’hui pour cet engagement bénévole ?
J’avais plein d’autres opportunités qui auraient pu s’offrir à moi, mais si je suis devenu prof, c’est parce que pour moi l’éducation est la clé de tout. Et je pense que chaque prof, à son échelle, par la passion qui l’anime, peut un peu changer l’école et former les citoyens éclairés de demain. À Inversons la classe j’ai rencontré des gens avec les mêmes valeurs que les miennes, des enseignants et des mordus de l’éducation qui sont persuadés qu’en adaptant l’école au XXIème siècle, on peut améliorer le monde de demain et le rendre moins inégalitaire. En plus, Inversons la Classe, c’est un peu une grande famille, des équipes dynamiques et un lieu où la bonne humeur règne. Donc effectivement j’y consacre beaucoup de temps et d’énergie, mais je reste convaincu que c’est le bon choix, et si c’était à refaire je le referai.
Question subsidiaire : des idées pour susciter des vocations de profs de maths ?
Venez, on est gentil ! Plus sérieusement, je pense qu’il faut sortir de la conception archaïque que certains se font du cours de mathématiques, comme d’autres disciplines d’ailleurs. Un cours de mathématiques, ça peut être dynamique, joyeux et original. Et, malgré tout ce qu’on peut voir ou lire parfois, je reste persuadé que le contact avec les élèves est inégalable.
Entretien par Julien Cabioch
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