Comment faire raisonner des collégiens sur les notions de risque et de responsabilité ? Les élèves de Perrine Valayer, enseignante de SVT au collège Jean Lacaze de Grisolles (82) habitent pour la plupart en bord de Garonne. Une belle occasion pour proposer un EPI axé sur le risque d’inondation. Au programme : plan de prévention, réflexion en EMC, étude d’une nouvelle de Zola, rencontre avec les élus locaux et les pompiers mais aussi un travail artistique autour de la rudologie. Comment l’implication de différentes disciplines a permis de construire ce projet solide ? Entretien avec Perrine Valayer dont une classe de 5ème « a pris part à l’organisation et la surveillance du dernier PPMS de l’année scolaire ».
Pourquoi ce projet ?
Le projet est un EPI sur le risque majeur inondation. Il concerne 2 classes de 5°. Les élèves de notre collège vivent en bord de Garonne principalement sur les communes de Grisolles et Verdun sur Garonne. Ces deux communes doivent gérer les crues de la Garonne et ont donc un PPRI (plan de prévention du risque inondation). L’idée était d’utiliser les ressources locales afin de définir la notion de risque et de voir si celui-ci était le même sur les deux communes. Nous avons pour cela fait appel aux élus et aux pompiers des deux communes qui ont répondu très favorablement à nos demandes. Grâce à une subvention de la DARM nous avons pu aussi profité de la participation d’un artiste Toulousain, Carl Hurtin.
Quelles disciplines sont impliquées dans cet EPI ? Pour quels apports ?
Cet EPI concerne essentiellement les SVT et l’EMC mais les élèves ont aussi réalisé un travail en espagnol et en français. En SVT, les élèves ont défini le risque inondation, ils ont ensuite comparé le risque sur les deux communes et en ont profité pour voir le système de surveillance et d’alerte. Enfin, ils ont vu les aménagements possibles en cas de crues ainsi que l’impact des crues sur l’environnement (aussi bien positif que négatif).
En enseignement moral et civique, les élèves de 5ème ont travaillé sur la notion de risque et de responsabilité (individuelle et collective). A partir d’un dilemme moral, ils ont défini ce qu’était une attitude responsable, puis ont élargi cette notion en l’associant à un travail approfondi sur les risques et la prévention des risques.
En espagnol les élèves ont travaillé sur le risque inondation en Espagne et notamment l’impact de l’activité humaine dans ce domaine. En français, ils ont étudié une nouvelle de Zola « L’inondation » qui se déroule dans une ville près de Grisolles : Saint Jory. Ils ont réalisé un article de journal d’après la nouvelle et il sera mis en forme avec le logiciel piktochart.
Quel travail a été effectué en classe et sur le terrain sur la notion de risque ?
En SVT les élèves ont défini la notion de risque grâce l’étude des cartes d’aléas et de photos satellites (BRGM) où l’ont voit les habitations sur nos communes. Ils ont ensuite comparé les cartes entre les deux communes. Nous avons ensuite travaillé sur les cartes de Météofrance et de Vigicrue puis étudié le système d’alerte de Verdun sur Garonne. Un questionnaire a été réalisé avec la documentaliste sur le rôle des communes et des secours en cas de crue. Enfin, nous finirons l’année par une sortie au bras mort de Mauvers à Grisolles, qui outre son rôle dans la régulation des crues est un formidable lieu pour l’étude de la biodiversité.
En EMC, les élèves ont pu faire la liste des risques naturels et technologiques affectant la commune de Grisolles (où se trouve leur établissement scolaire), et ont travaillé sur les consignes de mise en sécurité existantes dans leur EPLE (étude des consignes d’évacuation, du PPMS).
Dans un second temps, ils ont pu découvrir les Plan de Prévention des Risques au niveau régional et national, à travers notamment l’exemple de la prévention des risques sismiques en Martinique, et ont pu les comparer au PPRI mis en place dans les communes étudiées dans le cadre de l’EPI.
Pour achever ce travail, l’une des classes de 5ème du projet a pris part à l’organisation et la surveillance du dernier PPMS de l’année scolaire, dont le scénario était « Tempête ». Ils ont réfléchi en groupe aux consignes de mise en sécurité nécessaire dans le cadre d’un tel scénario, et au rôle d’un observateur. Par groupe, ils assisteront à l’exercice, prendront en note les points positifs et ceux qui dysfonctionnent, puis rédigeront un compte-rendu.
En espagnol , grâce à l’étude de courts textes en espagnol, d’une vidéo sur une campagne publicitaire (« lo total es lo que cuenta ») et d’une vidéo expliquant le problème des inondations, les élèves on pu constater que dans l’exemple étudié le risque était lié au contexte géographique, climatologique, humain et non pas au débordement d’un fleuve. La sécheresse, les constructions, les routes bétonnées, les autoroutes sur le lit d’anciens fleuves ajoutés au phénomène météorologique de la « goutte froide », sont à l’origine des inondations catastrophiques que subissent les villes. Les grandes zones de culture ne permettent plus à l’eau de circuler comme jadis. Ici l’homme apparaît comme principal responsable de ces catastrophes.
Vos élèves ont rencontré des élus et des pompiers. Sur quels sujets ont-ils échangé ?
Les élèves de Grisolles ont rencontré le premier adjoint de leur ville puis le maire de Verdun sur Garonne et les pompiers de Verdun sur Garonne (les 2 classes se sont réparties sur les sorties). Les questions ont porté essentiellement sur le PPRI, les grandes crues qui ont touché nos communes et sur le rôle de chacun dans la gestion des crues (alerte, prise en charge des personnes, permanences, etc.). Nous avons ainsi appris que 140 personnes à Verdun sur Garonne vivaient en zone inondable !
Un travail artistique conséquent est aussi mis en place avec Carl Hurtin et le musée Calbet de Grisolles. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Carl Hurtin, rencontré grâce au musée Calbet (musée d’art et traditions populaires), nous a proposé un travail sur la rudologie, c’est à dire l’étude scientifique des déchets. Nous avons commencé par un nettoyage des berges de Garonne qui avait deux objectifs : récupérer des objets déposés par les différentes crues et bien entendu ramasser tous les déchets qui polluent les berges. Puis un travail de nettoyage, d’écriture, de vidéo, d’enregistrement a eu lieu avec les élèves et l’artiste. L’exposition sera présentée au collège lors des journées portes ouvertes puis elle se déplacera dans d’autres lieux de la commune.
Voici pour finir quelques mots de Carl Hurtin pour expliquer son projet. « Mais comment l’objet que je trouve au bord de la Garonne est-il arrivé là, quelle est son histoire ? Puisque c’est par la crue, la montée des eaux, qu’il est arrivé ici, dans l’herbe, qu’il s’est accroché dans les branches, il vient peut-être de loin et son histoire est peut-être complexe. Si ce n’est qu’un morceau d’objet, il faut alors lui inventer sa forme complète. Si c’est un morceau de papier, c’est peut-être un message codé ! Peut-être que tous ces morceaux d’objets viennent d’un autre monde, d’un autre temps, où ces objets sont connectés entre eux et racontent une seule et même histoire ! Ils ont peut-être tous appartenu à la même personne, emportés par la crue ! Peut-être que cette personne a été emportée elle aussi et a échoué quelque part sur une rive ou est allée jusqu’à l’océan et s’est échouée sur l’Ile aux déchets, le 6ième continent ! Pour ces objets récupérés, il y a des histoires à inventer et une mémoire à retrouver et avant de les recycler nous pouvons peut-être leur inventer un peu de beauté ! »
Entretien par Julien Cabioch
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