Coïncidence : Le jour même où le Journal officiel publie le décret Blanquer sur les rythmes scolaires, l’évaluation des différents rythmes, attendue depuis si longtemps, est publiée par la DEPP, la division des études du ministère de l’éducation nationale. Et, devant le Sénat, le ministre s’appuie sur elle pour justifier son décret. C’est que l’étude de la Depp se garde bien d’émettre un avis qui éclairerait le débat sur la semaine de 4 ou 5 jours. En ne comparant que des rythmes sur 5 jours avec peu de variation entre les écoles, l’étude trouve finalement peu d’impact des nouveaux rythmes sur les résultats des élèves. Comment s’en étonner ?
Deux enquêtes pour pas grand chose
L’étude d’impact menée par la Depp repose sur deux enquêtes. La première suit un panel d’enfants entrés en CP en 2011. En 2016 ils sont en Cm2 et ils sont près de 15 000 scolarisés dans 4000écoles. Une seconde enquête porte sur 6000 élèves de CP en 2016.
Dans les deux cas, l’étude de la Depp observe les résultats des élèves en fonction de l’organisation du temps scolaire. Mais la Depp n’a retenu que des rythmes sur 5 jours avec des variations selon l’organisation des après midi ou la présence ou non du samedi matin.
Pas d’effet car les rythmes sont trop comparables
« L’étude portant sur les apprentissages des élèves cherche à repérer l’existence d’un effet des différents types d’organisation du temps scolaire (OTS) sur les apprentissages des élèves. Cette étude ne mesure que des effets d’une ampleur très limitée, largement inférieure aux effets des variables sociales ou culturelles », avertit d’emblée la Depp. « D’une manière générale, les différentes études présentées ne permettent donc pas d’établir des écarts importants selon le type d’organisation mise en place. »
Cette présentation générale est confirmée dans le chapitre consacré aux compétences des élèves. « En tout état de cause, les écarts entre OTS sur le niveau des élèves, lorsqu’il y en a, sont d’une ampleur très limitée, et largement inférieure aux différences de réussite scolaire observées selon les caractéristiques sociales et culturelles des élèves du panel DEPP 2011. De même, l’analyse de l’impact de l’organisation du temps scolaire sur la progression des apprentissages fondamentaux des élèves de CP montre que les progressions des élèves peuvent différer selon l’OTS, mais que ces différences sont statistiquement faibles dès lors que l’on prend en compte le contexte socio-économique de l’école ou les caractéristiques individuelles disponibles de l’élève (sexe et trimestre de naissance) », notent les auteurs.
« La répartition des scores des élèves varie moins entre OTS qu’entre PCS. Ainsi, s’il est clair qu’une nette différence est présente entre les enfants d’ouvriers et les enfants de cadres ou profession intellectuelles supérieures, les écarts entre les OTS sont bien moins visibles. »
Pouvait-on faire autrement ?
Etait-il possible de faire autrement ? Il aurait été intéressant par exemple de voir si un étalement des heures de clase dans l’année, avec la réduction des congés d’été, a un impact sur le niveau des élèves. Peu d’écoles pratiquent ce semaines réduites mais il y en a.
Surtout un nombre important d’écoles sont restées sur 4 jours. Il s’agit des écoles privées. Certes le résultat aurait été entaché du fait de la composition sociale spécifique à ces écoles. Mais un travail statistique aurait permis de remettre les résultats à situation sociale comparable afin de voir si l’organisation de la semaine et le périscolaire qui l’entoure, ou pas, ont un impact.
Trois enseignements de l’étude
Depuis des mois, le ministère annonce une étude qui pourrait éclairer le débat sur les rythmes et montrer l’intérêt de la réforme de 2013. Il est clair que les travaux publiés le 28 juin ne font aucune lumière. Ils se gardent bien d’éclairer le débat.
L’étude de la Depp nous apprend quand même deux choses. La première c’est que le retour aux 4 jours est décidé par le ministre, si féru d’études scientifiques, en toute ignorance de ses effets.
La seconde c’est que la situation française est tout à fait exceptionnelle en Europe. « Avec la réforme des rythmes scolaires, le nombre moyen de jours d’école dans l’enseignement primaire est passé de 141 jours en 2010/2011 à 162 jours par an en 2014/2015, ce qui rapproche tendanciellement la France de la moyenne des pays de l’OCDE et de celle de l’UE. En 2015/2016, le nombre moyen de jours d’école en France est toujours de 162 jours ; il est de 185 jours en moyenne des pays de l’OCDE et de 182 en moyenne des pays de l’UE-22 (Regards sur l’éducation, 2016). La France demeure ainsi le pays qui a le plus petit nombre de jours de classe par an dans l’enseignement élémentaire. L’Allemagne en a 188, la Finlande 189, l’Angleterre 190 ». Le retour aux 4 jours va nous éloigner encore davantage des standards internationaux.
Le raisonnement vaut aussi pour l’organisation de la semaine. « Pour l’ensemble des pays européens membres de l’OCDE, à l’exception de la France, le rythme hebdomadaire d’enseignement élémentaire est de 5 jours. En faisant passer celui-ci de 4 à 4,5 jours , la France s’est rapprochée du standard européen, en restant toutefois un peu en deçà », écrit la Depp.
Dernier enseignement : « En matière de congés estivaux, la France se situe dans la moyenne de l’Union européenne, avec 8 semaines », écrit la Depp. « L’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (hors Irlande du nord) ne proposent que 6 semaines de congés durant l’été. Mais d’autres pays (Italie, Lettonie) s’illustrent au contraire par leur largesse : les élèves y bénéficient de 12 à 13 semaines de vacances l’été. C’est en France que les congés en cours d’années sont les plus longs, avec 4 périodes de près de deux semaines réparties sur 10 mois de l’année scolaire ». La question du calendrier annuel n’est donc pas celle de congés d’été qui seraient trop longs mais des petites vacances.
François Jarraud