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« La différenciation pédagogique n’a pas qu’un seul visage ». La formule de Jean-François Chesné, directeur scientifique du Cnesco, résument les recommandations du jury de la conférence de consensus sur la différenciation remises le 28 mars. Loin de s’enfermer dans la recette ou dans un modèle unique, le jury réuni par le Cnesco et l’Ifé propose des démarches variées et des conseils pratiques. Alors que la différenciation pédagogique est vécue depuis des années par les enseignants comme une injonction qu’ils doivent appliquer sans formation, le jury s’appuie sur les pratiques existantes pour montrer que la différenciation pédagogique relève davantage d’un aménagement de l’existant que d’un illusoire grand soir.

Un sujet de vifs débats lors de la conférence

« Les résultats issus de la recherche incitent à la prudence et mettent aussi en évidence des conditions nécessaires pour la mise en oeuvre d’une différenciation pédagogique bénéfique à tous les élèves ». Ces propos de JF Chesné illustrent le soin apporté par le jury réuni par l’Ife et le Cnesco durant la conférence de consensus sur la différenciation qui s’est tenue début mars.

Cette prudence tient aux débats de la conférence. Des oppositions s’y sont nettement exprimées, particulièrement face au discours de Clermont Gauthier, un partisan de l’enseignement explicite et du comportementalisme. Elle tient aussi à la composition du jury, présidé par Marie Toullec-Théry, où se cotoient des inspecteurs, des personnels de direction mais aussi des enseignants de terrain et des formateurs.

Des pratiques peu installées en France

La différenciation pédagogique est une vieille recommandation de l’Education nationale qui l’a même inscrite come principe de base dans certaines disciplines, par exemple avec les « groupes de compétences » en langues. Pourtant si 44% des enseignants des pays de l’OCDE déclarent la pratiquer, le taux tombe à 22% en France (enquête Talis). La différenciation est plus présente au primaire, ne serait ce que parce que plusieurs niveaux coexistent souvent dans la même classe, qu’au secondaire.

Si la différenciation « est la prise en compte par les acteurs du système éducatif des caractéristiques individuelles (besoins, intérêts et motivations ; acquis, non acquis et difficultés ; modes d’apprentissage (style, rythme, pouvoir de concentration, engagement…) ; potentialités à exploiter… de chaque élève en vue de permettre à chacun d’eux de maîtriser les objectifs fondamentaux prescrits et de développer au mieux leurs potentialités, et de permettre au système éducatif d’être à la fois plus pertinent, efficace et équitable », dans la pratique elle peut donner lieu à des dérapages pédagogiques nuisibles. C’ets le cas par exemple quand on propose des exercices plus simples ou moins stimulants aux élèves faibles ou encore quand on rend plus visibles dans la classe les écarts entre les élèves.

Ces questions étaient apparues lors de la conférence de consensus et le jury a su s’en emparer pour proposer des recommandations qui sont lisibles et comprennent les garde fous nécessaires.

La prudence du jury

Ainsi la première recommandation est que « ni l’enseignement « tout collectif », exclusivement en classe entière, ni l’enseignement « tout individualisé » n’est efficace pour faire réussir tous les élèves ». On a vu par exemple que le jury réfute l’enseignement explicite dans le sens de C Gauthier. De même le jury met en garde contre la baisse des objectifs. « Il s’agit alors de proposer une palette diversifiée de manières d’arriver au résultat, sans pour autant abaisser le niveau des tâches demandées ». Ou encore il rappelle que « la conduite de séances collectives n’est pas contradictoire avec la prise en compte des singularités des élèves ».

Alors en quoi va consister positivement cet enseignement différencié ? Le jury invite à « varier les situations d’apprentissage » et à « faire expliciter par les élèves ce qu’on attend d’eux. Il invite à mettre en place des travaux de groupe avec des plans de travail pour encourager l’autonomie et alléger la gestion de classe. Ces groupes, qui ne sont pas des groupes e niveau, doivent être flexibles. Il faut éviter la stigmatisation.

Encourager la coopération

Le jury invite aussi à favoriser la coopération entre élèves. « Pour qu’un travail coopératif existe, la tâche réalisée par les élèves doit résulter d’un apport de chaque individu dans le collectif, dans le cadre d’une organisation ».

Le jury recommande aussi la co intervention des enseignants, une pratique qui est présente au primaire avec les maitres surnuméraires et dans le secondaire avec les TPE. Mais il rappelle les risques come le fait d’externaliser un groupe d’élèves qui ne ferait plus le lien avec le travail fait avec les autres élèves.

Au final, le rapport du jury rappelle que les enseignants maitrisent déjà les pratiques pédagogiques nécessaires à la différenciation pédagogique. Il faut maintenant que les équipes s’en emparent et que les établissements favorisent les classes hétérogènes. Là on se heurte à un point quine relève plus du jury. Dans quelle mesure des classes hétérogènes sont-elles acceptables dans un système éducatif qui reste basé sur la compétition et l’affectation scolaire sur le niveau ?

François Jarraud

Les recommandations

La conférence sur la différenciation

A quoi sert la différenciation

Ressource : Différencier en letttres

Ressource : Le Guide de l’Ontario