Malgré la revalorisation et les nouvelles perspectives de carrière, le fossé ne cesse de se creuser entre les enseignants et le gouvernement. Les politiques menées depuis 2012 ne sont appréciées que par un professeur sur quatre, un pourcentage qui continue à baisser. Tous les indicateurs révèlent une moral enseignant qui sombre. C’est le principal enseignement du baromètre Unsa publié le 22 mars. Avec 31 000 réponses, dont moitié de non sympathisants Unsa, il sonde les états d’âme d’un corps qui se divise et révèle les tensions entre les enseignants et l’encadrement. En fin de quinquennat c’est un constat inquiétant que dresse l’Unsa Education.
Un enseignant sur cinq d’accord avec les réformes, 3 IPR sur quatre…
« On aura eu tout au long du quinquennat un degré de satisfaction sur les choix politiques qui est resté faible et tourne depuis 5 ans autour de 25% ». En présentant les résultats du Baromètre Unsa le 22 mars, Laurent Escure, secrétaire général de l’Unsa Education, présente cette situation comme un élément « qui doit alerter » mais qui durerait depuis une quinzaine d’années. Mais faute de Baromètre sous le quinquennat précédent, rien ne peut confirmer cette affirmation..
Ce que montre le baromètre c’est que seulement 24% des sondés sont en accord avec les choix politiques effectués dans leur secteur. Un chiffre qui est en baisse par rapport à 2016 où il était de 26%.
Surtout, ce rapport à la politique menée depuis 2012 est très différent selon les corps. Seulement 20% des enseignants valident la politique gouvernementale. Mais c’est 54% des personnels de direction, 64% des IEN et 73% des IPR. On ne saurait mieux illustrer la fracture entre les cadres et les enseignants. Seulement 33% des enseignants se sentent respectés dans leur travail ce qui les sépare des cadres (67 % des IPR).
Morosité enseignante
Mais cette morosité enseignante ,on la retrouve dans de nombreux indicateurs. Certes les enseignants se déclarent heureux d’exercer leur profession à 77% (contre 86% des IPR). Mais seulement 65% des professeurs du secondaire trouvent du sens à leur métier (74% des professeurs des écoles). Seulement 28% des enseignants conseilleraient leur métier à un jeune de leur entourage , un pourcentage en baisse.
Pire encore 24% des enseignants souhaitent partir travailler dans une entreprise privée dans les prochaines années. C’est seulement 7% des IPR et 15% des personnels de direction.
Comment expliquer ce désamour avec l’Education nationale ? Seulement 15% des sondés jugent que leur situation s’est améliorée cette année. Ni la revalorisation, ni les accords PPCR n’ont marqué les esprits. Seulement 32% des enseignants trouvent leurs conditions de travail satisfaisantes et 15% la paye convenable.
Une revalorisation sans effet
Les revendications portent en premier sur le pouvoir d’achat, exactement comme si la revalorisation n’avait pas eu lieu. Ensuite arrive la charge de travail et les perspectives de carrière.
« Ce quinquennat qui a accompli tant de choses n’ a pas permis de faire monter le degré de satisfaction », estime L Escure. « Ce chiffre doit alerter sur le fait que le malaise est profond. Les personnels de l’éducation nationale sont fragilisés et tardent à retrouver confiance envers les politiques publiques ».
Pour lui, cette situation résulte de l’incapacité de l’Education nationale à conduire le changement. « Les violences faites sous Sarkozy avec les suppressions de postes et la stigmatisation des enseignants n’ont pas été compensées par les preuves d’amour données sous Hollande ». En mettant ainsi l’origine du problème au quinquennat précédent, L Escure réfute la condamnation des réforme menées depuis 2012 que son organisation a soutenues. Pour lui, l’institution doit changer son mode de management et reconstruire la confiance.
Les personnels d’éducation divisés
Un nouveau volant de questions porte sur les attentes envers le prochain quinquennat. Les réponses montrent « que l’éducation nationale n’est plus un bloc » souligne L Escure. En effet les personnels d’éducation se divisent sur les politiques à mener dans l’Ecole.
Que faire pour répondre aux défis du système éducatif ? Deux tiers des répondants demandent des créations de postes mais un tiers (29%) veut ni en créer ni en supprimer. Que faire pour faire réussir les jeunes ? 50% des personnels veulent d’abord changer le management, 27% les pratiques pédagogiques. 44% veulent renforcer les fondamentaux, 33% poursuivre la refondation et 10% trier précocement les élèves. Même coupure sur la reconnaissance du mérite : un quart des personnels sont pour renforcer le poids du mérite dans l’avancement (20% des enseignants) et trois quarts pour le reconnaitre mais sans sanction des moins méritants. Sur le mérite, 10% des personnels (mais un personnel de direction sur trois) sont pour renforcer le pouvoir du chef d’établissement par exemple d’embauche des personnels, 77% pour renforcer l’autonomie d’organisation des équipes pédagogiques.
« L’école du mérite punitif et du tri précoce est massivement rejetée », estime L Escure. « Mais une partie des personnels est pour renforcer les fondamentaux , une autre pour continuer la refondation. Ca nous montre, nous réformateurs, que l’on a encore du travail ».
Dans la situation actuelle , l’Unsa Education plaide pour la prudence en matière de politique éducative. « On est partisan qu’on laisse l’école en paix et que les personnels cherchent à se réconcilier ». Alors que les candidats s’opposent entre autre sur leur politique éducative, l’Unsa Education voudrait que la politique éducative soit débranchée de l’alternance politique.
François Jarraud